Fêtes de fin d'année : à quel point les annonceurs freinent-ils leurs dépenses ? 5 experts répondent
Bertrand Beaudichon, CEO de Mediabrands (IPG) : "C'est du jamais vu"

"De façon indiscutable les annonceurs coupent les budgets des fêtes et toutes les agences le confirment : le phénomène est massif. Même la plus grande chaîne télé privée française le reconnait publiquement : les budgets du quatrième trimestre ne sont pas au rendez-vous. Deux secteurs en particulier freinent leurs dépenses : la food et le luxe.
Le secteur des produits alimentaires a beaucoup coupé ses campagnes depuis septembre. 2025 n'était déjà pas une année très florissante pour le pouvoir d'achat, mais la situation s'enfonce depuis septembre 2025, avec une consommation des ménages à la baisse. Les investissements des grandes marques mondiales et des annonceurs locaux sont gelés ou supprimés en France au quatrième trimestre à cause des incertitudes politiques du pays.
Quant au luxe, secteur qui traverse des difficultés, les coupes sont nettes aussi sur les activations pour les fêtes de fin d'année. Pour la première fois, les marques de parfum réduisent sensiblement leurs vagues télé pour Noël. C'est du jamais vu.
Les seuls canaux qui en sortiront préservés sont les médias digitaux à la performance, dont le retail media et le social, avec les Gafam en tête. Les médias historiques, dont la télévision, vont beaucoup souffrir."
Prune Nouvion, directrice générale de Triplelift en France : "Le boom de la CTV"

"Après un été qualifié de très calme sur tous les leviers du digital par de nombreux observateurs et acteurs de ce marché, l'heure semble être à la prudence en France. Même les budgets dédiés à la performance en programmatique, a priori beaucoup moins exposés aux coupes sur la période des fêtes, pourraient être revus à la baisse. Ces budgets sont décidés à la toute dernière minute, même à la semaine, un phénomène qui s'est amplifié cette année.
Sur notre périmètre chez TripleLift, boosté par notre partenariat avec la data Amazon pour l'extension d'audience sur l'open web et par conséquent très actif sur le dernier trimestre de l'année, je constate beaucoup plus de dynamisme de la part des acheteurs espagnols et italiens que français.
Le contexte politique en France renforce la prudence des annonceurs, qui ont tendance à concentrer leurs budgets sur une poignée de très grosses plateformes. Mais il n'y a pas que cela : le marché français vit cette année le véritable boom de la CTV qui entraine une migration importante de budgets vers ce canal. Comme les annonceurs doivent faire des arbitrages pour composer avec des enveloppes limitées, l'open web est très fortement exposé aux coupes.
Ceci dit, le quatrième trimestre offre de nombreuses opportunités (Prime Days, Black Friday, Cyber Monday, Noël) qui devraient, je l'espère, donner un nouvel élan au marché français dans les prochaines semaines."
Paul Ripart, directeur délégué digital et data chez Prisma Media : "Le programmatique en première ligne"

"Au global non, les annonceurs ne freinent pas leurs dépenses, mais sur l'open web et la presse, c'est beaucoup plus nuancé. Sur le digital, qui compte pour 65% de nos recettes publicitaires, l'avenir est encore incertain, après un premier semestre difficile que nous avons bouclé avec des recettes en baisse. Sur le print, les annonceurs se sont déjà positionnés pour la période de Noël. Les réservations sont en ligne avec ce que nous avons budgété et confirment une baisse progressive et structurelle, comme partout chez nos confrères.
Sur le digital, pour les 40% que nous parvenons à vendre selon un système garanti, où tout est déjà bouclé pour les fêtes, nous avons des recettes en légère hausse. En revanche pour les 60% commercialisés en programmatique, qui accueillent les budgets de dernière minute, je crains des restrictions. J'entends un peu partout que les annonceurs coupent leurs budgets pour les fêtes.
Contrairement aux grandes plateformes, nous ne bénéficions pas de la protection des joint business plans (JBP), par lesquels les annonceurs s'engagent sur une somme sur l'année. Dès que le contexte macroéconomique ou international est défavorable aux entreprises, les annonceurs coupent là où ils n'ont pas d'engagements à honorer. Le programmatique est en première ligne de mire. C'est pour cela que nous baissons notre dépendance au programmatique en mettant en place des produits à réservation.
Même si depuis août nos recettes sont en nette amélioration, l'open auction reste en baisse forte. Notre deuxième semestre sera probablement stable comparé à 2024, un mauvais semestre pour nous."
Jérémy Fritsch, codirecteur du digital chez OMG : "Des campagnes beaucoup plus tôt"

"Sur le digital, les dépenses publicitaires devraient rester stables alors qu'au global, elles seront probablement en baisse. Les annonceurs adoptent une attitude prudente cette année, avec davantage de budgets gelés, face à un contexte d'incertitudes internationales et locales. 2025, c'est aussi une année plus calme pour ce qui est des grands événements, ce qui impacte aussi le dynamisme du secteur. Sans compter le fait que chaque annonceur dispose de ses propres spécificités, logiques et contraintes. Au total, il n'y a pas de coup de frein mais pas d'accélération non plus sur les budgets publicitaires pour les fêtes de fin d'année.
Au sein des activations digitales, au-delà des traditionnelles opérations de bas de funnel, les annonceurs vont continuer de concentrer leurs budgets sur le social et la CTV, qui capteront la majorité des investissements de haut de funnel, une tendance que nous observons depuis le début de l'année et qui ne favorise pas l'open web. A noter que les réservations pour les fêtes ont été mises en place plus tôt cette année, dès le premier semestre pour certains environnements. Les campagnes vont commencer beaucoup plus tôt que l'année précédente parce que les annonceurs ont compris que les consommateurs s'organisent afin de limiter les dépenses."
Xavier Guillon, directeur général de France Pub : "Pas non plus catastrophique"

"Certains secteurs sont de fait en forte baisse, comme l'automobile, l'équipement de maison et la distribution spécialisée. Dans d'autres secteurs plus dynamiques en revanche, comme les biens de consommation courante, les annonceurs continuent d'investir fortement en pub ne serait-ce que pour ne pas perdre leur part de marché.
Ce constat de budgets en baisse pour les fêtes dont on entend parler ici et là peut être expliqué par le fait que les annonceurs sont de plus en plus nombreux à attendre la toute dernière minute pour dépenser les budgets planifiés. De plus, ces campagnes servant à booster la consommation, les budgets favorisent les canaux digitaux, plus adaptés aux logiques de performance que la presse ou la télévision, beaucoup plus exposées aux baisses.
L'année 2025 n'est pas une super année pour la pub, c'est sûr, mais ce n'est pas non plus catastrophique. France Pub maintient pour l'instant sa prévision d'une année à croissance zéro comparée à l'année exceptionnelle qu'a été 2024. Nous n'écartons pas la possibilité d'une nouvelle révision à la baisse, mais légère."