Mercosur et Europe : un accord au carrefour des intérêts agricoles et industriels
Le traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur, négocié depuis 1999, divise profondément les États membres de l'UE. Tandis que certains y voient une opportunité stratégique pour leurs exportations, d'autres s'inquiètent des répercussions sur leurs filières agricoles et de la concurrence qu'il pourrait engendrer. Ce projet complexe, qui couvre des enjeux économiques, environnementaux et politiques, reflète les divergences d'intérêts au sein de l'Europe.
Les enjeux d'un accord de libre-échange historique
Le traité UE-Mercosur vise à supprimer plus de 90% des droits de douane entre les deux blocs économiques, facilitant les échanges commerciaux de produits agricoles et industriels. Avec un marché potentiel de 700 millions de consommateurs, il promet des opportunités commerciales majeures pour les exportateurs européens et sud-américains.
Pour l'Union européenne, cet accord est stratégique, notamment pour les secteurs industriels. L'Allemagne, par exemple, considère le Mercosur comme un débouché vital pour ses exportations, tandis que l'Espagne voit dans cet accord une opportunité pour renforcer ses relations historiques et commerciales avec l'Amérique latine.
Cependant, cette ouverture commerciale se heurte aux spécificités agricoles des deux continents. Les pays sud-américains, comme le Brésil et l'Argentine, souhaitent accéder au marché européen pour exporter massivement viande bovine, sucre et soja. Ces exportations soulèvent des préoccupations majeures en Europe, où les normes sanitaires et environnementales sont plus strictes.
Une opposition farouche en France et ailleurs
La France s'impose comme l'un des principaux opposants à cet accord. Lors de son passage à Buenos Aires le 17 novembre, Emmanuel Macron a affirmé que Paris ne "signera pas en l'état" cet accord, d'après France 24. Cette position reflète une pression accrue des agriculteurs français, qui dénoncent une concurrence qu'ils jugent déloyale. Les syndicats agricoles mettent particulièrement en avant le risque lié à la viande bovine, produite selon des pratiques interdites en Europe.
Outre la France, d'autres pays européens partagent certaines réserves. La Pologne, affaiblie par les importations agricoles ukrainiennes, s'inquiète des impacts économiques pour ses agriculteurs, tandis que l'Italie a exigé que les producteurs sud-américains respectent les mêmes normes que leurs homologues européens.
Des promesses économiques qui divisent
À l'opposé, d'autres pays défendent l'accord. L'Allemagne, entre autres, y voit une opportunité de diversifier ses exportations dans un contexte marqué par les tensions commerciales avec la Chine et les États-Unis.
Dans le secteur agricole, le débat est également nuancé. Si les éleveurs européens dénoncent les risques d'une concurrence exacerbée, certaines filières voient une opportunité. Par exemple, certains viticulteurs français espèrent bénéficier de la suppression des droits de douane, qui pourraient rendre leurs produits plus compétitifs sur le marché sud-américain.
Cependant, ces gains potentiels ne suffisent pas à rassurer tous les acteurs. Les éleveurs français, en particulier, restent mobilisés contre un accord qu'ils considèrent comme une menace directe pour leur survie.
Un accord encore loin d'être adopté
Malgré les avancées dans les négociations, l'entrée en vigueur de l'accord reste incertaine. "L'entrée en vigueur du volet commercial de l'accord pourrait intervenir au milieu de l'an prochain", a déclaré un diplomate européen, cité par Les Échos. Toutefois, les étapes de ratification risquent de ralentir le processus. Si l'accord est de type "mixte", il devra être approuvé à l'unanimité par le Conseil de l'UE, puis ratifié par chaque parlement national et régional.
La Commission européenne envisage de scinder l'accord en deux parties : un volet commercial, relevant de sa compétence exclusive, et un volet politique, nécessitant l'accord des États membres. Ce découpage pourrait contourner les blocages, notamment celui de la France, mais susciterait de nouvelles critiques parmi les opposants.