"Gérer mes biens immobiliers" : le service en ligne qui a vidé les caisses publiques

"Gérer mes biens immobiliers" : le service en ligne qui a vidé les caisses publiques L'administration fiscale française fait face à des critiques sévères après les révélations de la Cour des comptes sur les défaillances d'un outil numérique censé simplifier la gestion immobilière, mais qui a engendré des pertes financières records.

Lancé pour simplifier la déclaration des biens immobiliers en France, l'outil numérique "Gérer mes biens immobiliers" a rapidement montré ses failles. Entre bugs techniques, incompréhension des usagers et coûts faramineux, cet échec a conduit à une perte de plus d'1,3 milliard d'euros pour l'État, comme l'a détaillé la Cour des comptes dans un rapport publié ce jeudi.

Une plateforme au déploiement chaotique

Le service "Gérer mes biens immobiliers" (GMBI) avait pour objectif de centraliser et simplifier la déclaration des biens immobiliers des contribuables. Mis en service en 2021 par l'administration fiscale, il devait permettre aux propriétaires de renseigner l'occupation de leurs logements, les loyers perçus, et d'accéder à leurs données fiscales. Cette initiative visait aussi à compenser la disparition de la taxe d'habitation sur les résidences principales.

Malgré ses ambitions, la plateforme a souffert d'une préparation et d'un déploiement mal maîtrisés. " L'élaboration de l'outil n'a pas respecté les bonnes pratiques de gestion attendues", indique la Cour des comptes dans son rapport, cité par Le Monde. Les trois chantiers informatiques nécessaires ont été menés séparément, sans coordination efficace entre les équipes, ce qui a provoqué des retards importants et des dysfonctionnements à son lancement.

Des choix techniques inadaptés ont également pesé sur l'utilisation du service. L'obligation de déclarer exclusivement en ligne, dans un délai restreint, a particulièrement pénalisé les contribuables âgés et peu familiers avec les outils numériques.

Des erreurs massives aux lourdes conséquences financières

Le déploiement précipité et les erreurs du système ont entraîné des conséquences majeures. Plus d'un million de contribuables ont été imposés à tort en 2023 sur des taxes liées aux résidences secondaires ou aux logements vacants. "Plus d'un million de contribuables ont été imposés, à tort, à la taxe d'habitation ou à la taxe sur les logements vacants", relève la Cour des comptes, relayé par France Info.

En réponse à ces erreurs, l'État a dû rembourser 1,3 milliard d'euros, soit 34% des recettes attendues des trois taxes concernées cette année-là. Cette perte colossale, combinée aux dépenses supplémentaires pour corriger la situation, a eu un impact significatif sur les finances publiques.

De plus, le coût de développement de l'outil a largement dépassé les prévisions initiales. Estimé à 13 millions d'euros, il a grimpé à plus de 56 millions, en raison de "l'appel massif à des prestataires externes", rapporte Le Figaro. Ces dépassements budgétaires incluaient également le recrutement de vacataires, la mise en place d'équipes spéciales pour accompagner les contribuables, ainsi que le versement d'une prime exceptionnelle aux agents mobilisés.

Une gestion critiquée par la Cour des comptes

La Cour des comptes a particulièrement pointé du doigt la gestion politique et administrative du projet. "Le portage politique limité" et le manque de coordination entre les équipes ont gravement nui au projet , souligne le rapport.

Malgré trois reports successifs de la date limite de déclaration, seulement 73% des propriétaires ont rempli leurs obligations en 2023. Le taux était encore plus faible pour les multipropriétaires, les bailleurs sociaux et les collectivités locales, des publics pourtant identifiés comme prioritaires.

En guise de conclusion, la Cour des comptes insiste sur l'urgence d'améliorer la gestion des projets numériques au sein de l'administration fiscale pour éviter que de tels fiascos ne se reproduisent.