Experts indépendants sous pression : la polémique enfle autour de l'offre publique sur MAB
La fiabilité des experts indépendants se retrouve au cœur d'une controverse concernant l'offre publique de rachat de la société Maison Antoine Baud (MAB). Des erreurs qualifiées de "grossières" dans un rapport d'expertise ont conduit des actionnaires minoritaires à interpeller l'Autorité des Marchés Financiers (AMF).
Un rapport d'expertise remis en question
Dans le cadre de l'offre publique de retrait initiée par Cogeval Belgique, principal actionnaire de MAB avec 94,2% des parts, un rapport d'expertise réalisé par le cabinet Paper Audit et Conseil est vivement contesté. Pascal Quiry, actionnaire minoritaire et professeur à HEC, a relevé neuf erreurs qualifiées de "manifestes" dans ce document. Parmi elles, deux ont un impact significatif sur l'évaluation du prix d'offre fixé à 230 euros par action.
La première concerne une confusion dans le calcul des capitaux propres, où l'endettement net a été soustrait deux fois, ce qui réduit artificiellement la valeur de l'entreprise. "L'expert soustrait l'endettement net de la valeur des fonds propres, confondant ainsi ce produit avec la mesure d'une valeur d'entreprise", a expliqué Pascal Quiry, cité par Les Echos. La seconde erreur porte sur l'absence d'une estimation immobilière des 45 bâtiments de MAB, pourtant essentielle pour évaluer la valeur réelle de la société.
Selon une analyse indépendante menée par le cabinet Accuracy, ces erreurs ont un impact direct sur la valeur des actions. "Cette erreur méthodologique a un impact de 81 euros par action", a affirmé Henri Philippe, associé d'Accuracy. En intégrant les corrections nécessaires, le prix par action pourrait atteindre 262 euros, bien au-delà des 230 euros proposés.
La radiation de MAB et le rôle de l'AMF
La contestation des minoritaires ne se limite pas aux erreurs techniques. Ils demandent un ajournement de la radiation des titres de MAB, prévue le 30 janvier. Pascal Quiry et son avocat, Dominique Bompoint, ont adressé une lettre à l'AMF pour souligner que "ce rapport est entaché d'erreurs tellement grossières qu'il n'est pas possible de considérer qu'il satisfait l'obligation de justifier le prix proposé".
Cependant, la situation se complique en raison de la cotation de MAB sur Euronext Access, un segment où les offres publiques échappent au contrôle habituel de l'AMF. Néanmoins, les actionnaires minoritaires estiment que l'autorité a la responsabilité d'intervenir pour s'assurer que le rapport respecte les exigences minimales de qualité et de conformité.
Dominique Bompoint a également rappelé un précédent en 2014, où l'AMF avait refusé de valider le retrait obligatoire de la société Orchestra en raison d'un prix jugé non conforme, malgré deux rapports d'experts indépendants. Cette affaire souligne l'importance du contrôle rigoureux des méthodes d'évaluation, même lorsque les opérations se déroulent sur des marchés moins régulés comme Euronext Access.
Une controverse qui fragilise la confiance
L'affaire MAB illustre les tensions croissantes entre experts indépendants et actionnaires minoritaires. Ces derniers reprochent souvent aux cabinets d'expertise leur proximité avec les entreprises qu'ils évaluent. En octobre dernier, l'AMF avait déjà récusé un expert dans une opération concernant la galaxie Bolloré, jugé "trop proche de son client". Ces incidents soulèvent des questions sur l'équilibre entre indépendance et qualité des analyses dans des contextes aussi sensibles que les offres publiques d'achat.
En attendant la décision finale sur la radiation de MAB, l'appel des minoritaires à un ajournement pourrait bien marquer un tournant dans la gestion de ces opérations et rappeler la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle, même sur des segments comme Euronext Access.