La Corée du Sud entre dans la course aux stablecoins avec sa monnaie nationale

La Corée du Sud entre dans la course aux stablecoins avec sa monnaie nationale Le recours massif aux devises numériques étrangères inquiète la banque centrale, qui veut reprendre la main en limitant les dérives sur les marchés de capitaux.

La Corée du Sud entame un virage dans le domaine des actifs numériques avec le projet de lancement d'un stablecoin adossé au won. Le gouvernement, la banque centrale et les autorités financières travaillent à l'établissement d'un cadre réglementaire précis, dans un contexte de montée en puissance des monnaies numériques privées à l'échelle mondiale.

Un stablecoin public-privé sous encadrement strict

Le projet repose sur l'émission d'un stablecoin libellé en won, confiée dans un premier temps aux banques commerciales. Ryoo Sang-dai, vice-gouverneur de la Banque de Corée, a déclaré lors d'une conférence de presse :

"Il est souhaitable de d'abord autoriser les banques, soumises à un niveau de régulation élevé, à émettre des stablecoins en won, puis d'étendre progressivement au secteur non bancaire avec l'expérience", cité par Reuters.

Cette initiative s'appuie sur un texte législatif présenté le 10 juin par le parti du président Lee Jae-myung. Le Digital Asset Basic Act autorise l'émission de stablecoins par des entreprises disposant d'un capital d'au moins 500 millions de wons, à condition qu'elles constituent des réserves suffisantes. L'approbation de la Commission des services financiers (FSC) est requise pour chaque émission, rappelle le Journal du Coin.

Parallèlement, la Banque de Corée poursuit ses travaux sur une monnaie numérique de banque centrale (CBDC). Une première phase de test s'achève, menée en coopération avec la Banque des règlements internationaux. Un second pilote est prévu avec les principales banques du pays.

Des volumes en hausse et des incertitudes sur l'impact économique

Le recours aux stablecoins a connu une progression marquée. D'après la Banque de Corée, les échanges en USDT, USDC et USDS ont atteint 57 000 milliards de wons (environ 41,5 milliards de dollars) au premier trimestre 2025 sur les cinq principales plateformes d'actifs numériques en Corée, selon Korea JoongAng Daily.

Cette évolution renforce l'intérêt porté à une alternative domestique, mais suscite aussi des inquiétudes au sein de la banque centrale. Rhee Chang-yong, son gouverneur, a déclaré que l'émission d'un stablecoin en won "pourrait faciliter leur échange avec les stablecoins en dollars plutôt que de travailler à réduire l'utilisation des stablecoins en dollars", cité dans le Korea JoongAng Daily.

Pour Park Sung-jun, directeur du Blockchain Research Center à l'université Dongguk, "si nous ne lançons pas notre propre monnaie numérique, nous finirons probablement par utiliser celles d'autres pays dans l'économie numérique". Cette dépendance à des devises numériques étrangères est jugée problématique dans le contexte d'une économie déjà largement digitalisée.

Le lancement de cette nouvelle classe d'actifs attire aussi l'attention du secteur privé. Des entreprises comme Kakao Pay ont vu leur valorisation bondir, dans l'anticipation d'une entrée sur ce marché. Toutefois, certains spécialistes pointent un seuil d'entrée trop faible. Kim Hyoung-joong, directeur du Cryptocurrency Research Center à l'université Kookmin, souligne que "le seuil est si bas qu'il pourrait permettre à presque n'importe qui d'émettre un stablecoin".

Enfin, l'analyste Hong Jin-hyun de Samsung Securities rappelle que le marché sud-coréen bénéficie déjà d'une infrastructure de paiement avancée, ce qui pourrait limiter l'usage domestique du stablecoin. Son adoption à l'international dépendra d'une utilité clairement définie.