La France paie désormais plus cher pour sa dette que l'Italie
Pendant des années, les obligations françaises figuraient parmi les références les plus sûres de la zone euro. Ce repère s'efface progressivement à mesure que les marchés réévaluent le niveau de risque attaché aux dettes publiques. En juillet 2025, une bascule s'est opérée au profit de l'Italie, confirmant une tendance déjà amorcée depuis plusieurs mois.
Une inversion des taux qui marque un tournant
Le 5 juillet 2025, les obligations italiennes à cinq ans ont affiché un rendement de 2,65%, inférieur à celui des OAT françaises à même échéance, qui s'établissait à 2,67%, comme l'indique Les Échos. C'est la première fois depuis vingt ans que Rome emprunte à meilleur taux que Paris. À dix ans, l'écart se resserre également, avec 3,44% pour les titres italiens contre 3,60% côté français.
Ce basculement s'inscrit dans une dynamique plus large. Le spread entre les obligations italiennes et le Bund allemand est tombé sous les 100 points de base, son plus bas niveau depuis quinze ans. À l'inverse, la dette française subit une pression croissante, sur fond d'interrogations budgétaires et politiques.
Le gouvernement italien bénéficie aujourd'hui d'un regain de confiance. S&P Global Ratings a relevé sa note à BBB+ en avril dernier, tandis que Moody's et Fitch laissent entrevoir un relèvement dans les mois à venir. En parallèle, Rome a engagé le rachat de certaines obligations, renforçant leur attractivité sur les marchés.
Une dette française plus lourde à financer
En 2024, le taux moyen des émissions obligataires françaises a atteint 2,91%, alors qu'il était encore négatif en 2021, selon les données relayées par le Journal de l'économie. La dette publique française s'élève désormais à 3 345,8 milliards d'euros, soit 114% du PIB. D'après la Commission européenne, ce ratio pourrait atteindre 118,4% en 2026.
Ce contexte de tension sur les taux alourdit fortement le coût de la dette pour l'État. Éric Lombard, ministre de l'Économie, a alerté : "Il faudra consacrer 67 milliards d'euros au remboursement de la dette. C'est plus que le budget de la Défense", a-t-il déclaré à Ouest France. Il estime que cette charge pourrait atteindre 100 milliards d'euros d'ici trois ans si la dynamique actuelle perdure.
La perception de la dette française par les marchés a évolué. "La France emprunte à des taux plus élevés que l'Italie", a reconnu le ministre. Il justifie cette situation par la concurrence croissante d'autres émetteurs jugés moins risqués.
Confiance des marchés et incertitudes politiques
Alors que l'Italie bénéficie d'un cadre politique stabilisé, la France fait face à une période d'incertitude. Le projet de budget 2026, qui doit être présenté mi-juillet, pourrait être menacé par une motion de censure. La Cour des comptes met en garde contre un "effet boule de neige" : si les taux restent élevés, la charge de la dette pourrait alimenter une spirale d'endettement.
Un autre facteur structurel contribue à la sensibilité de la dette française. 57% de celle-ci est détenue par des non-résidents, un taux supérieur à la moyenne européenne, rappelle François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.