L'Europe mise sur le Nord pour reprendre la main dans la course spatiale

L'Europe mise sur le Nord pour reprendre la main dans la course spatiale À travers une réglementation commune et de nouveaux sites opérationnels, l'Union européenne cherche à mieux contrôler ses infrastructures en orbite et à limiter sa dépendance aux opérateurs étrangers.

L'Union européenne accélère le développement de capacités de lancement sur son propre territoire, avec deux nouveaux sites en Scandinavie et une proposition de réglementation pour encadrer les activités spatiales à l'échelle du bloc.

Un accès direct à l'espace depuis le continent

Jusqu'ici, les lancements européens étaient principalement réalisés depuis la base de Kourou, en Guyane. Pour pallier cette dépendance, deux infrastructures sont en cours de développement en Suède et en Norvège.

Le centre spatial Esrange, situé près de Kiruna au nord de la Suède, s'étend sur 5 200 kilomètres carrés de terres inhabitées. Géré par la Swedish Space Corporation, il a été désigné en 2023 comme premier site de lancement orbital depuis le continent. L'installation bénéficie d'un environnement isolé, dépourvu de pollution lumineuse et facilement délimitable pour les besoins aériens. De nouvelles rampes de lancement et installations techniques y sont actuellement en cours de finalisation.

En Norvège, le port spatial d'Andøya est conçu pour accueillir jusqu'à 30 lancements par an. Il est détenu majoritairement par l'État norvégien, avec une participation de 10% du groupe Kongsberg. En mars 2025, un premier vol test y a été effectué par l'entreprise allemande ISAR Aerospace. Selon son directeur général, Daniel Metzler, la demande des ministères de la Défense en Europe s'est fortement accrue, bien avant toute mission commerciale.

Dans un entretien accordé à Reuters, Andrius Kubilius, commissaire européen pour la Défense et l'Espace, souligne l'importance de ces infrastructures dans la perspective d'une capacité de lancement autonome depuis le sol européen.

Ces projets s'inscrivent dans un contexte de forte asymétrie : les États-Unis ont effectué 154 lancements orbitaux en 2024, contre seulement trois pour l'Europe. D'après une étude commandée par l'Union européenne, la part européenne des investissements publics mondiaux dans l'espace représentait à peine 10% des 143 milliards de dollars mobilisés la même année. Par ailleurs, la généralisation des satellites en orbite basse, plus nombreux mais moins coûteux, devrait porter à 70 000 le nombre de lancements dans les cinq prochaines années selon une estimation de Goldman Sachs.

Une régulation commune pour structurer le secteur spatial européen

Pour accompagner le développement industriel du secteur spatial, la Commission européenne a présenté un projet de règlement baptisé Space Act. Ce texte vise à unifier les régulations fragmentées entre États membres, afin de réduire les coûts, faciliter l'innovation et renforcer la présence européenne sur le marché mondial.

Le Space Act s'articule autour de trois axes. Le premier concerne la sécurité des orbites : il impose des règles sur la désorbitation des satellites en fin de vie et le suivi des objets spatiaux, dans un environnement encombré de plus de 128 millions de débris. Le deuxième volet porte sur la résilience des infrastructures spatiales, avec des obligations d'évaluation des risques et de conformité à des normes de cybersécurité. Enfin, la durabilité environnementale fait l'objet d'un suivi renforcé des émissions de CO₂ et de la gestion des déchets.

D'après les éléments rapportés par Wired, les nouvelles exigences tiendront compte de la taille et de la maturité des entreprises. Des mesures d'accompagnement sont prévues, tels que des accès facilité aux bancs d'essai, une assistance aux démarches d'autorisation, et un soutien au développement technique, notamment pour les petites et moyennes entreprises.

La Commission prévoit également la création du European Space Team, un organe de coordination rassemblant l'Agence spatiale européenne et l'Agence européenne du programme spatial. Un dispositif de suivi de la compétitivité européenne dans le secteur spatial sera instauré à partir de cette année.

Pour Henna Virkkunen, vice-présidente exécutive de la Commission, l'objectif est de garantir la résilience des infrastructures européennes et de sécuriser les technologies critiques sur le long terme.