Bientôt un fonds souverain pour les Etats-Unis ?
"Nous créerons un fonds souverain américain afin d'investir dans de grands projets nationaux, pour le bénéfice de tous les Américains !" Ainsi parlait Donald Trump le 5 septembre dernier, lors d'un discours donné à l'Economic Club of New York, un laboratoire d'idées.
La Maison-Blanche a réagi presque immédiatement, affirmant que l'administration Biden travaillait déjà depuis quelques mois sur la conception d'un tel fonds, afin d'investir dans des technologies de pointe revêtant un intérêt stratégique. La candidate démocrate, Kamala Harris, n'a en revanche pour l'heure pas pris position sur le sujet.
Qu'est-ce qu'un fonds souverain ?
D'après l'International Forum of Sovereign Wealth Funds, les trois grandes caractéristiques d'un fonds souverain est d'être géré par le gouvernement et non par des intérêts privés, d'investir dans des actifs situés à l'étranger, et de le faire afin d'obtenir des retours sur investissement. Plutôt associé au pays du golfe et du Sud-est asiatique dans l'imaginaire collectif, un fonds souverain est traditionnellement utilisé par des pays possédant d'importantes réserves de richesses naturelles (comme les Emirats arabes unis, l'Arabie saoudite ou encore la Norvège) ou des réserves de devises étrangères dues à une économie fortement exportatrices (c'est notamment le cas de Singapour et de la Chine).
Dans ces pays dotés d'une manne de richesses vouée à se tarir tôt ou tard, ils servent à s'assurer que celle-ci soit investie pour le bénéfice des générations futures, en promouvant le développement économique grâce à l'investissement dans de grands projets d'infrastructures, dans les technologies de demain ou encore la recherche médicale. Comme ils sont gérés par des gouvernements qui n'ont pas d'objectif de rentabilité à court terme, ils sont idéaux pour financer des projets risqués, mais avec un fort retour sur investissement potentiel.
L'idée de créer un fonds souverain est toutefois récemment adoptée par des pays qui ne remplissent pas forcément les caractéristiques de ceux que nous avons déjà cités. L'une des premières décisions prises par Keir Starmer, le nouveau Premier ministre britannique, a ainsi été l'établissement d'un fonds souverain doté de 10 milliards de livres sterling pour investir dans les industries vertes de demain, des gigafactories à l'hydrogène vert, en passant par l'acier décarboné. Bien que modeste par rapport aux fonds souverains traditionnels (celui de l'Arabie saoudite est doté de 1 000 milliards de dollars, celui de la Norvège de 1 700 milliards), il montre qu'un fonds souverain peut avoir de l'intérêt pour un Etat au-delà des cas classiques, par exemple pour mener à bien la transition énergétique.
Quel fonds souverain sous Donald Trump ?
Il est peu probable que les énergies vertes soient la priorité du candidat républicain, encore qu'il ait récemment effectué un virage à 180 degrés sur les voitures électriques depuis le ralliement d'Elon Musk à sa campagne. L'ancien président a plutôt parlé d'investir dans les infrastructures (aéroports, autoroutes…), dans l'industrie et la recherche médicale. Il se rapprocherait sur ce dernier point du Futur Fund australien, un fonds souverain lancé par le pays pour investir dans la médecine de demain et la préservation de son écosystème naturel. Donald Trump a également affirmé qu'un tel fonds dégagerait des bénéfices si importants qu'il permettrait de résorber la dette publique, ce qui semble extrêmement ambitieux.
Le problème auquel se heurterait la mise en place d'un fonds souverain aux Etats-Unis est justement que l'Etat américain ne fait pas vraiment face à un surplus de cash, mais est au contraire déjà très fortement endetté. Il faudrait donc d'augmenter encore la dette publique, ou rogner sur les dépenses de l'Etat. Donald Trump a toutefois une autre solution : il prévoit de financer son futur fonds à l'aide de l'argent collecté via les droits de douane, qu'il compte fortement augmenter. L'idée de créer un fonds souverain américain est notamment défendue par John Paulson, un milliardaire et investisseur qui figure parmi les soutiens de Donald Trump.
Un fonds souverain démocrate ?
Côté démocrates, d'après les informations relayées par la Maison-Blanche, l'idée serait d'investir dans quelques domaines bien précis, comme la résilience des chaînes de valeur de l'économie (que l'administration Biden a également cherché à renforcer via le Chips Act), les technologies de pointe et la sécurité énergétique. L'idée de rivaliser avec les investissements tous azimuts de la Chine dans les énergies propres, la voiture électrique ou encore l'intelligence artificielle a également été évoquée.
L'intérêt d'un tel fonds pour les Etats-Unis est qu'il permettrait de cibler certains investissements auxquels le secteur privé a peu d'intérêt à s'attaquer, mais qui constituent un élément clef dans la résilience du pays sur les nouvelles technologies et sa compétition avec la Chine. Par exemple, celle-ci a fortement investi dans la production et le raffinage des minerais critiques, ce qui lui permet de contrôler l'offre, donc les prix, et ainsi de dissuader les entreprises occidentales de se lancer sur ce marché, où les perspectives de profit sont incertaines. Un fonds souverain américain pourrait dans ce contexte servir la stratégie de Washington, qui cherche à s'affranchir de sa dépendance à la Chine sur les minerais critiques.