Déficit public : l'hypothèse d'un contrôle extérieur ressurgit
Le niveau d'endettement de la France atteint des seuils inédits. Face à cette situation, le gouvernement évoque pour la première fois publiquement la possibilité d'une perte de contrôle sur les finances publiques, avec en ligne de mire le spectre d'une intervention extérieure.
Un endettement record qui fragilise l'État
En 2025, la France devra verser 67 milliards d'euros au titre des seuls intérêts de sa dette. Ce montant dépasse le budget de la Défense nationale, fixé à 59 milliards d'euros, et se rapproche du budget de l'Éducation nationale, estimé à 88 milliards. Selon les déclarations d'Éric Lombard, ministre de l'Économie, la charge de la dette pourrait devenir le premier poste de dépense de l'État dès l'année prochaine.
Le montant global de la dette publique française franchit les 3 300 milliards d'euros, soit environ 113% du produit intérieur brut. Plus de la moitié de cette dette est détenue par des créanciers étrangers, ce qui accroît la dépendance de la France vis-à-vis des marchés internationaux.
Les agences de notation ont réagi. Début juin, Standard & Poor's a maintenu la note française à AA− mais l'a accompagnée d'une perspective négative. Fitch et Moody's ont également exprimé leurs réserves. D'après Christopher Dembik, conseiller chez Pictet AM, ces agences évitent pour l'instant une dégradation afin de ne pas précipiter une hausse brutale des taux d'intérêt, qui aggraverait encore la situation.
Le Fonds monétaire international a publié un rapport en mai 2025 soulignant que, sans inflexion politique, la dette publique française continuerait de croître jusqu'en 2030. L'institution juge "bienvenu" l'objectif de réduction du déficit à 5,4% du PIB en 2025, mais estime qu'il sera insuffisant sans mesures supplémentaires, d'après La Tribune. Elle appelle à un plan de redressement défini et crédible.
Une intervention extérieure désormais envisagée
Pour la première fois, deux membres du gouvernement évoquent publiquement la possibilité d'une intervention du Fonds monétaire international. Le 9 juin, Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, a déclaré dans le Journal du Dimanche : "Si nous ne faisons pas ces choix maintenant, ce seront nos créanciers ou le FMI qui nous les imposeront". Le même jour, sur France Inter, Éric Lombard a reconnu que "c'était peut-être la dernière étape".
Marc Touati, économiste et président du cabinet ACDEFI, note que ce scénario, considéré il y a peu comme marginal, est aujourd'hui envisagé au plus haut niveau de l'État. Il rappelle que les intérêts de la dette représentent une dépense supérieure à celle de l'Éducation nationale, et que la Sécurité sociale pourrait être en situation de défaut dès 2027, selon les projections de la Cour des comptes.
Malgré l'inquiétude croissante, Christopher Dembik rappelle que le FMI n'a pas vocation à intervenir dans la zone euro. En cas de tensions extrêmes, c'est la Banque centrale européenne qui serait en première ligne, notamment via l'instrument de protection de la transmission, mis en place en 2022. Ce mécanisme permet à la BCE d'acheter massivement des obligations d'un État membre pour éviter une fragmentation de la zone euro. En échange, des réformes structurelles seraient exigées par la Commission européenne.
Des mesures de réduction budgétaire à l'étude
Le gouvernement doit identifier 40 milliards d'euros d'économies pour le budget 2026. Plusieurs pistes sont envisagées, notamment la suppression de certaines niches fiscales, la réduction du nombre d'opérateurs publics, l'instauration d'une TVA sociale et la limitation des embauches dans la fonction publique. La masse salariale du secteur public a augmenté de 6,7% en 2024. Une baisse des effectifs devient une option examinée de plus près.
Ces mesures restent floues et politiquement sensibles. L'exécutif ne dispose pas de majorité à l'Assemblée nationale et les réformes profondes rencontrent une forte résistance. Par ailleurs, selon France Info, l'exécutif chercherait à préserver les dépenses militaires tout en envisageant des réductions dans les prestations sociales.
Dans un contexte de besoins de financement accrus à l'échelle mondiale, notamment en lien avec la transition énergétique et les dépenses de défense, la dette française perd en attractivité. Sur les marchés obligataires, les investisseurs deviennent plus sélectifs. La France, moins compétitive que d'autres États, risque de devoir emprunter à des taux plus élevés.