Fiscalité française : le CPO plaide pour la fin de l'instabilité fiscale
Après plusieurs décennies de désindustrialisation, la France cherche à consolider le léger rebond observé ces dernières années. Dans ce contexte, le Conseil des prélèvements obligatoires publie un rapport qui met en lumière les limites du cadre fiscal actuel et formule une série de recommandations pour sécuriser les investissements productifs.
Une fiscalité instable qui freine l'investissement
Depuis 1973, la part de l'industrie dans la valeur ajoutée nationale est tombée de 25 % à 15 %. Cette évolution s'est accompagnée de la disparition de près de la moitié des emplois industriels. Pour le Conseil des prélèvements obligatoires, organisme indépendant rattaché à la Cour des comptes, la fiscalité constitue un obstacle majeur à la réindustrialisation. Les règles changent trop souvent et découragent les projets qui nécessitent une visibilité à long terme.
La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) illustre ces revirements. Prévue pour 2024, elle a d'abord été repoussée à 2027, puis à 2030. L'impôt sur les sociétés suit la même logique : après avoir été progressivement abaissé de 33,3 % à 25 % entre 2016 et 2025, il a été relevé la même année par une contribution exceptionnelle imposée aux grandes entreprises. Le taux effectif a ainsi temporairement dépassé 30 % pour les groupes réalisant plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires, et atteint plus de 35 % pour ceux dépassant les trois milliards.
Cette instabilité distingue la France de ses voisins européens. En Allemagne ou en Pologne, la fiscalité des entreprises est restée stable pendant plus d'une décennie, renforçant leur attractivité. Le Conseil estime qu'il est urgent de mettre fin à ces à-coups. "Sa prévisibilité et sa crédibilité conditionnent la dynamique de réindustrialisation", écrit-il dans son rapport cité par Les Échos.
Pour remédier à ce constat, le CPO propose d'inscrire une trajectoire fiscale sur cinq ans dans la prochaine loi de programmation des finances publiques, prévue en 2027. L'objectif est de donner aux entreprises, notamment industrielles, une visibilité adaptée à leurs cycles d'investissement longs.
Les recommandations pour alléger les impôts de production
Au-delà de la stabilité, le rapport met l'accent sur la compétitivité. Il suggère de poursuivre la baisse des impôts de production, considérés comme particulièrement pénalisants. Plutôt que de supprimer totalement la CVAE, le Conseil recommande de cibler la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Prélevée sur le chiffre d'affaires, cette taxe crée des "effets en cascade" à chaque transaction, ce qui fragilise l'industrie. Sa suppression coûterait 5,4 milliards d'euros, un montant supérieur aux 4 milliards de la suppression de la CVAE, mais jugé plus efficace pour relancer la production.
Pour compenser cette perte de recettes, le CPO propose de revoir certaines niches fiscales et sociales. La fin des exonérations sur les heures supplémentaires rapporterait environ 4 milliards d'euros à l'ensemble des entreprises, dont un milliard pour l'industrie. Le Conseil considère ce dispositif comme coûteux et peu efficace pour stimuler l'activité. "Malgré une forte mobilisation de l'outil fiscal depuis la fin des années 2000 pour soutenir la réindustrialisation, l'absence de financement des baisses d'impôts réalisées et la difficulté à mettre en œuvre l'ensemble des annonces faites peuvent conduire les entreprises, notamment industrielles, à une attitude de prudence", souligne-t-il, cité par Les Échos.
Autre point majeur : la surtaxe exceptionnelle instaurée en 2025 sur les grandes entreprises. Le CPO recommande de ne pas la reconduire en 2026. Selon le rapport, il est incohérent de ramener le taux normal de l'impôt sur les sociétés à 25 % tout en ajoutant des prélèvements ponctuels qui brouillent le signal envoyé aux investisseurs. Le coût de cette non-reconduction, évalué à 8 milliards d'euros, nécessiterait néanmoins d'importantes compensations budgétaires.