Matrice Lecko : la digital workplace française se démarque face à Microsoft

Matrice Lecko : la digital workplace française se démarque face à Microsoft Un front souverain se dessine face à Microsoft 365. Une galaxie de solutions égalent voire surpassent la suite américaine sur le plan de la qualité d'expérience des usages collaboratifs.

Le cabinet de conseil français Lecko publie la 14édition de son étude sur la transformation digitale ("Etat de l'art de la transformation interne des organisations"). Ce vaste baromètre de plus de 300 pages passe 55 solutions de collaboration au crible de 130 critères d'analyse. Parmi ses principaux enseignements : l'offre des acteurs français de la digital workplace monte en maturité. "Ces éditeurs proposent des alternatives qui se hissent désormais à la hauteur de Microsoft 365", analyse Arnaud Rayrole, directeur général de Lecko. Seul bémol : ils ne couvrent pas tout le spectre fonctionnel de la suite de Microsoft, notamment la messagerie. "C'est le talon d'Achille de l'écosystème européen", insiste le dirigeant.

Sur le plan de la qualité d'expérience des usages collaboratifs, de nombreux fournisseurs français de digital workplace égalent ou surpassent Microsoft aux yeux de Lecko. Parmi ces champions figurent Jalios, Jamespot, LumApps, Powell ou encore TalkSpirit (voir la matrice ci-dessous). Côté messagerie d'équipe, le suresnois Whaller est positionné par le cabinet juste derrière Microsoft Teams. "Ces acteurs pallient leur faiblesse via des articulations avec d'autres applications. C'est le cas par exemple avec Jitsi pour la visioconférence ou OnlyOffice pour la bureautique", commente Bastien Lelann, directeur associé chez Lecko.

Cliquer sur l'image pour zoomer. © Lecko

Derrière cette analyse se dessine la délicate question de la souveraineté numérique qui, sur le front de l'environnement de travail digital, se cristallise autour de l'écrasante domination de Microsoft. "Une situation dont les origines remontent à 20 ans mais qui s'est fortement dégradée récemment", constate Arnaud Rayrole. "Cette domination fait pencher le rapport de force des négociations commerciales au profit de Microsoft, y compris face aux groupes du Cac 40." La situation touchera bientôt tous les clients BtoB, l'éditeur ayant annoncé une hausse des tarifs de Microsoft 365 Business et Enterprise de 15% à 25% selon l'abonnement. Elle sera effective au 1er mars 2022.

Une domination qui agace

Face à cette hégémonie, les réactions se font plus nombreuses. Soutenu par une coalition d'une trentaine d'acteurs européens, Nextcloud a déposé plainte dès début 2021 auprès de la Commission européenne pour concurrence déloyale. Ce challenger de OneDrive a également engagé des poursuites en Allemagne. "Microsoft intègre de plus en plus Microsoft 365 dans son portefeuille de services et de logiciels, y compris Windows. OneDrive est poussé partout où les utilisateurs gèrent le stockage de fichiers et Teams fait partie par défaut de Windows 11. Cela rend presque impossible la concurrence avec leurs services SaaS", lit-on dans le communiqué de la coalition.

"Les entreprises doivent d'une part contenir l'omniprésence de Microsoft et d'autre part soutenir l'écosystème alternatif"

En septembre 2021, le directeur interministériel du numérique publiait une circulaire indiquant qu'Office 365 "n'est pas conforme à la doctrine Cloud au Centre" de l'Etat. "Les solutions collaboratives, bureautiques et de messagerie proposées aux agents publics relèvent des systèmes manipulant des données sensibles. […] Pour de tels systèmes, le recours à une offre de cloud commercial est possible uniquement si elle est qualifiée SecNumCloud et qu'elle est immunisée contre les règlementations extracommunautaires", indique la circulaire. Deux critères que ne remplit pas la suite de Microsoft, du moins pour l'heure. La création par Capgemini et Orange de la joint-venture Bleu pourrait changer la donne (lire l'article : Capgemini et Orange créent un cloud souverain Azure et Microsoft 365).

"Les entreprises doivent d'une part contenir l'omniprésence de Microsoft et d'autre part soutenir l'écosystème alternatif. L'objectif est d'assurer une relation équilibrée entre clients et fournisseurs", insiste Lecko. La solution ? S'orienter vers un environnement hybride contribuant à réduire cette dépendance. "Sortir de l'exclusivité Microsoft implique d'arrêter de le considérer comme une commodité et un levier de mutualisation des moyens et des coûts. La valeur d'une solution de digital workplace tient au potentiel de transformation qu'elle procure, pas à son coût", martèle-t-on chez Lecko.

Microsoft Viva s'imposera-t-il ?

Reste la brique de messagerie qui n'est pas couverte par les éditeurs français de la digital workplace. "Wimi planche sur le sujet. Mais beaucoup d'autres acteurs préfèrent s'adosser à des applications tierces, comme celles de Microsoft, de Google voire de Zimbra ou de BlueMind", souligne Bastien Lelann. Pour autant, certaines solutions collaboratives comme le réseau social d'entreprise présentent peu d'articulation avec le mail. De même en matière de messagerie d'équipe, un segment sur lequel les Français sont bien positionnés.

L'enjeu des mois à venir ? "Pour Microsoft, c'est de savoir si Viva parviendra à s'imposer", anticipe Arnaud Rayrole. Qualifiée de plateforme d'expérience salarié ou employee experience platform (EXP), Viva qui a été lancée début 2021, a pour ambition de former un hub, accessible via Teams, fédérant l'ensemble des flux de communication, de connaissance et d'apprentissage. Là encore, les entreprises séduites par Viva seront tentées par l'approche intégrée de Microsoft, permettant des économies d'échelle. D'autres pourraient, à l'inverse, choisir la voie de l'hybridation en optant pour des surcouches alternatives. Par exemple celle proposée par le français Powell. Une solution taillée pour bâtir une digital workplace unifiée au-dessus de Microsoft 365, combinant communication, productivité et gouvernance. Lecko la place d'ailleurs en tête de sa matrice 2022.