Protéger l'identité des citoyens : une responsabilité partagée

Linxens

Les citoyens sont de plus en plus sensibilisés aux risques de l'usurpation d'identité.

Quand on parle de l’usurpation d’identité, on pense aujourd’hui directement à la cybercriminalité. Et pour cause : selon le dernier rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) et d’Interpol, le vol et la fraude liés à l’identité représenteraient plus de 20 % des délits cybercriminels recensés dans le monde. Mais avec la généralisation des usages digitaux, des séries comme « Inventing Anna » et des campagnes de prévention, les citoyens y sont aujourd’hui de plus en plus sensibilisés.

Cependant, un angle mort majeur persiste en la matière : les documents d’identité physiques. Cartes d’identité, passeports ou permis de conduire, biométriques ou non, sont cassés, falsifiés ou détournés, alimentant des trafics mondiaux et fragilisant la confiance dans les institutions. D’autres documents, authentiques, sont frauduleusement utilisés par des tiers pour passer une frontière, ou réaliser une démarche. Fait marquant, jusqu’en 2015 en France, il n’existait aucun cadre juridique adapté permettant d’engager des poursuites à l’encontre des utilisateurs frauduleux de documents authentiques appartenant à autrui. Un exemple qui décrit un retard systémique dont l’importance augmente avec les tensions géopolitiques.

Identité et mobilité : un enjeu géopolitique majeur

En effet, dans un monde marqué par des mouvements de population massifs — qu’ils soient liés aux conflits, aux crises climatiques ou aux inégalités économiques — l’identité est au cœur des débats politiques et sociaux. Pour les États, garantir une identité fiable, vérifiable et inclusive est une condition de la souveraineté. Pour les citoyens, c’est une protection indispensable face à la précarité et à l’exclusion. Ne pas disposer d’une identité reconnue, c’est être invisible et privé de droits. À l’inverse, une identité falsifiée peut devenir un outil au service de la criminalité organisée ou du terrorisme.

Une responsabilité partagée

Face à ces enjeux, seule une mobilisation générale peut aujourd’hui changer les choses. Les gouvernements doivent instaurer des cadres réglementaires clairs, moderniser les registres d’état civil et investir dans la sécurisation des documents. L’usage des documents authentiques appartenant à un tiers, avec ou sans son consentement, doit notamment être puni.

En parallèle, alors que les techniques de fraude sont de plus en plus sophistiquées, notamment pour désactiver la puce électronique intégrée dans les passeports biométriques, les autorités se doivent de former et équiper les autorités pour détecter ces cas de figure le plus simplement possible. Les services douaniers, les forces de l’ordre et les autorités administratives, mais aussi les mairies, se trouvent en première ligne. Leur mission dépasse la simple délivrance des titres : elle implique des capacités accrues de détection de faux documents, et de documents authentiques utilisés frauduleusement, la formation continue des agents aux nouvelles techniques de fraude, ainsi qu’une coopération renforcée au niveau européen et international. Car la criminalité documentaire est transfrontalière par nature, et seules des chaînes de contrôle coordonnées permettent d’en réduire l’ampleur.

Des industriels y jouent également un rôle clé. Fabricants de titres sécurisés, acteurs des technologies de chiffrement, développeurs de solutions d’authentification biométrique ou numérique : tous participent à l’élaboration de dispositifs de confiance en développant des technologies de protection fiables, éthiques et accessibles, de la biométrie aux solutions de chiffrement, mais aussi des solutions qui permettent de détecter une ingérence ou une casse volontaire de la puce, ne permettant pas de vérifier la biométrie à la frontière. Cette responsabilité ne se limite pas, par ailleurs, à l’innovation technologique. Elle suppose également une coopération étroite avec les pouvoirs publics et une réflexion éthique sur l’usage de données biométriques, afin que la sécurité ne se fasse pas au détriment des libertés individuelles.

Enfin, les citoyens, doivent adopter une vigilance active, car chacun est aussi le gardien de sa propre identité. Trop souvent, les documents officiels sont conservés sans précaution, photographiés, copiés, voire partagés sur des canaux numériques peu sûrs. L’usurpation d’identité débute fréquemment par des gestes anodins : une photocopie envoyée par courriel non sécurisé, une carte d’identité égarée, ou encore la diffusion de données personnelles sur les réseaux sociaux. La sensibilisation des citoyens à la valeur de leurs documents d’identité et à la nécessité d’en limiter la diffusion constitue donc un pilier essentiel de la prévention.

Protéger l’identité est une affaire collective. C’est en associant les efforts des institutions publiques, des acteurs privés, des forces de sécurité et des citoyens que nous pourrons relever ce défi. Dans un contexte de mondialisation et de tension géopolitique, l’identité n’est pas seulement une donnée : c’est une valeur universelle, un droit fondamental, et un bien commun qu’il nous appartient de défendre.