"Le secteur du tourisme n'exploite pas assez les opportunités qu'offre le CRM"

Publicis vient de lancer le Hub Tourisme. S'il propose des services de communication et de marketing classiques, il met l'accent sur une meilleure utilisation du CRM dans le tourisme.

JDN. Pourquoi avoir crée cette structure ?

Franck Barennes. Plusieurs constatations ont motivé notre démarche. Tout d'abord, la France est une référence en matière de tourisme, aussi bien en tant que destination - elle est numéro un en nombre de visiteurs - que pays de départ. La France est donc au cœur des préoccupations du tourisme dans le monde et cette nouvelle structure a toute sa légitimité. Comme l'amontré les récents travaux de Jacques Attali, c'est un pôle économique à fort potentiel où la France doit investir pour être en pointe. Enfin, le tourisme est un marché qui a ses spécificités et qui vit, du fait d'Internet, une révolution en termes d'accessibilité : n'importe quelle destination est à deux clics de souris du consommateur. Jusqu'ici, Publicis avait un certain nombre de compétences éparpillées au sein de groupe, mais pas d'offre sur mesure pour les acteurs du tourisme. D'où la création de ce Hub Tourisme.

Quel est son fonctionnement ?

F. B. Avec ce fonctionnement en réseau, nous avons créé une organisation du 21ème siècle afin de réunir les meilleures compétences et connaissances en matière de tourisme. Remarquez que ce modèle est tout à fait alternatif et différentiant par rapport à ceux de nos concurrents. Ce n'est, en effet, pas seulement une agence de publicité, mais une offre intégrée de conseil en marketing, communication et CRM. Pour cela, nous avons réuni des experts du métier, tel Paul Cohen, vice-président du Hub en charge des stratégies. C'est un professionnel du marketing du tourisme qui a notamment été à l'origine de ce qui est devenu aujourd'hui DDB Travel & Tourism. Bertrand vient quant à lui du Club Méditerranée, où il était en charge de la relation client. Autour d'eux sont fédérés les savoir-faire de nos agences partout en France. Des équipes ad hoc, regroupant expertises et compétences de proximité peuvent ainsi être constituées.

Comment valorisez-vous votre offre ?

Bertrand Destailleur. Il y a un paradoxe majeur dans l'industrie touristique : c'est le premier secteur d'activité en termes de balance des paiements, mais sa maturité marketing est très faible. Aujourd'hui, toutes les destinations, même le plus petit village, est en mesure de se créer un site ou un blog, mais un pan entier reste trop souvent sous exploité : celui du CRM. Nous apportons cette brique manquante, au-delà du site et de la création d'un trafic qualifié, afin de transformer un touriste en client.

Ce type d'offre faisait donc défaut sur le marché selon vous ?

" Une offre intégrée de conseil marketing, communication et CRM"

B. D. Evidemment. Il y a un écart énorme entre l'offre et les besoins du secteur. La preuve : nous n'arrêtons pas de reçevoir des appels d'offre ! Il ne faut pas oublier que pour de nombreuses régions, le tourisme est le premier secteur de création d'emploi, d'économie et de richesse, et qu'il fait vivre de nombreuses industries (filière agro-tourisme, hébergements, TO présents sur le territoire etc.) et permet d'enrailler un éventuel déclin économique.

Comment doivent s'y prendre les acteurs du tourisme aujourd'hui pour relever ces défis ?

B. D. Tout d'abord, les territoires deviennent de réelles marques et entrent en concurrence. On ne doit plus faire de marketing de destination, mais du marketing de marque. Par ailleurs, le monde de la distribution s'est déplacé sur le Web, avec une acuité particulière pour le tourisme. Selon une étude Forrester, il est la deuxième raison avancée par les internautes lorsqu'ils vont sur la Toile... la donne est bouleversée. Conséquence ? La technologie a décuplé le marché et la concurrence est sauvage : si un territoire n'est pas référencé sur le Web, c'est comme s'il n'existait pas. L'enjeu est donc d'émerger dans cette jungle. Dès lors, il faut déterminer le rôle de la marque (positionnement, packaging, rapport qualité/prix, etc.) et la lisibilité de l'offre devient un paramètre essentiel.

Comment répondez-vous à cette problématique ?

" Il y a un écart énorme entre l'offre et les besoins du secteur du tourisme. "

B. D. Notre offre est répartie en cinq disciplines : analyses de marché et benchmarks, stratégie marketing, Web et e-tourisme, CRM et e-CRM, et enfin communication. Par rapport à nos concurrents nous intervenons bien en amont, mais aussi en aval : notre tâche va au-delà de la création de notoriété. Notre volonté est d'aider le client à créer un produit pour se différencier et faire face à une offre pléthorique. Pour cela, nous gérons son portefeuille de marque et son portefeuille de clients (qui sont mes clients ? Mes prospects ? Comment les convertir ? etc.).

Avec quels moyens ?

B. D. Cela va du référencement par le Web 2.0 à l'achat d'espaces en ligne, en passant par la création de buzz... Le tout grâce aux compétences de Publicis Modem. Par ailleurs, cela englobe aussi la création de sites Internet et la réalisation de leurs audits, la détermination de la place du Web dans les stratégies, l'optimisation des taux de conversion etc. En ce qui concerne le CRM et l'e-CRM, nous préconisons le nettoyage de bases de données pour une meilleure stratégie de conquête

Qu'entendez-vous par nettoyage de base de données ?

" Notre modèle est tout à fait alternatif et différentiant par rapport à ceux de nos concurrents "

B. D. Nombreux sont les annonceurs qui travaillent encore avec trois ou quatre bases de données différentes. Difficile dès lors de déterminer de manière cohérente et homogène une cible, une stratégie de conquête et une politique de fidélisation, et d' opérer un tracking en ligne pour mieux personnaliser l'envoi de newsletters. Pour répondre à cette problématique, nous avons fait appel à un ingénieur spécialisé en CRM qui a travaillé chez HP auparavant. Avec sa société, HubData, il a mis au point une technique pour gérer le multi-canal en agrégeant les bases de données. Par ailleurs, nous prônons ce que nous avons appelé le Bee-marketing, qui consiste à aller chercher le clients sur ses lieux de butinage et ses aires de consommation.

Par quoi cela se traduit-il ?

" On ne doit plus faire de marketing de destination, mais du marketing de marque. "

B. D. Prenons un exemple, celui de la ville de Stockholm : elle a vu sa fréquentation augmenter de 18 % après avoir placé des brochures dans tous les Ikea de France ! Elle a ainsi réussi à pousser son offre en profitant de ce que les gens étaient en mode de consommation scandinave. Plus généralement, cela implique de passer des partenariats, en particulier sur le Web.

Quel est votre clientèle cible ?

B. D. Tous les acteurs privés du tourisme, c'est-à-dire aussi bien les réseaux d'agences et les tours-opérateurs que les régions et départements, les musées, les pôles d'attractivité (Futuroscope, Nausicaa), les musées, les offices de tourisme et les compagnies aériennes ou fluviales.

Quels sont vos objectifs ?

" Si un territoire n'est pas référencé sur le Web, c'est comme s'il n'existait pas. "

B. D. En fédérant l'ensemble des budgets que nous avions avant de créer cette nouvelle structure, nous occupons d'ores et déjà une part de marché significative. Grâce au Hub Tourisme, nous pensons pouvoir multiplier par trois notre développement. Nous avons aujourd'hui une vingtaine de clients (Compagnie des Alpes, One&Only, Angers Métropole, Pays de la Loire, les marques Flower Campings et Qualité Tourisme, le Berry, la ville de Nantes, etc.) et une dizaine de consultations en cours.

Quel budget un client potentiel doit être prêt à mettre pour faire appel à vous ?

B. D. Cela dépend vraiment du client et de ce qu'il veut faire. Pour une mission de fidélisation de clients, cela peut aller jusqu'à un million d'euros, tandis que pour une approche plus modeste 150.000 euros sont suffisants. De la même manière, un projet de communication peut représenter 300.000 à 3 millions d'euros et un projet global aller jusqu'à 30 millions d'euros, si l'acteur est de taille.

Quelle est, selon vous, la meilleure recette pour exploiter le potentiel qu'offre le Web dans le tourisme ?

B. D. Ce sont souvent les petits budgets qui ont les stratégies les plus innovantes et efficaces. N'PY - la nouvelle chaîne des Pyrénées - est un très bon exemple. C'est une marque et un site qui ont été créés par plusieurs stations de ski qui se sont fédérées pour l'occasion et qui offrent de multiples services en ligne. N'PY a su mêler innovation, création de marque, CRM et animation de communauté. Une belle performance qui prouve, par ailleurs, que se fédérer est une bonne solution pour obtenir plus de poids et sortir du lot.

 PARCOURS :

Franck Barennes est diplômé de l'ESC Nantes et d'un MBA à la Bowling Green State University. Il entre à Publicis en 1981, en tant qu'assistant de Maurice Lévy. Il manage depuis 15 ans les agences du groupe et conseille en communication de multiples entreprises et collectivités locales.

Bertrand Destailleur est titulaire d'un DEA "Décision, Communication, Pouvoir" à l'université Paris-Dauphine. Il débute sa carrière chez Talents et Compagnie, agence de communication écrite et relations presse, avant de rejoindre OgilvyOne, où il travaille comme directeur conseil pour American Express et Air France notamment. De 2005 à 2007, il est directeur marketing client du Club Méditerranée.

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