Enchères au centime : loterie or not loterie ?

Cette nouvelle activité, comme toute nouvelle figure économique interroge le juriste soucieux de sa légalité. Alors, les enchères au centime sont-elles des loteries prohibées ?

 

Nouvelle figure du e-commerce, l'enchère au centime permet d'acquérir des produits à des prix inférieurs au prix du marché. Le principe est le suivant : la mise à prix initiale est de zéro euro. Lorsque l'enchérisseur enchérit en utilisant un clic, le prix augmente d'un centime d'euro et un compte à rebours démarre pour une durée prédéfinie, allant de 3 minutes à 30 secondes selon la valeur du bien, le plus souvent.

 

La loi du 21 mai 1836 pose comme principe la prohibition des loteries.  L'article 1 énonce que « les loteries de toute espèce sont prohibées ». L'article 2 précise « sont réputées loteries et interdites comme telles les ventes d'immeuble, de meubles ou de marchandises effectuées par la voie du sort, ou auxquelles auraient été réunis des primes ou autres bénéfices dus, même partiellement, au hasard et généralement toute opérations offertes au public sous quelques dénomination que ce soit, pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait acquis par la voie du sort ».

 

Or on peut légitimement de demander dans quelle mesure l'enchère au centime ne fait pas intervenir le hasard de telle façon que l'activité soit sanctionnée sur le fondement de cette loi.

 

Pour que l'activité soit prohibée, les tribunaux exigent la réunion de quatre éléments : Offre au public, Participation financière du joueur, Espérance d'un gain, Intervention du hasard.

 

Notion d'aléa.

Les trois premiers critères étant réunis, c'est autour de l'aléa que porte la réflexion. On distingue deux types de hasard : le hasard « des dés jetés » et le « hasard lié à la façon de jouer des autres participants ». Selon la jurisprudence, le premier est illégal mais pas le second.

 

Ainsi, les jeux-concours bien qu'étant des opérations offertes au public, faisant naître l'espoir d'un gain et nécessitant une participation financière des joueurs sont licites parce qu'ils font appel non pas au pur hasard mais à la sagacité, au savoir ou à toute autre aptitude des joueurs et des gagnants acquis parfois grâce à leur expérience.

 

Pour être licite le jeu doit permettre la mise en oeuvre d'une véritable tactique, chaque joueur devant utiliser de manière optimale les moyens dont il dispose en vue de remporter le gain. Cependant, un aléa demeure : le joueur n'a de maîtrise que sur sa stratégie et non pas sur celle des autres joueurs qu'il tentera seulement d'influencer par ses manoeuvres, mais ce hasard est licite, le joueur conservant la maîtrise de ses actes.

 

Dans le même ordre d'idée, on considère que l'aléa qui préside aux enchères est licite parce que l'acheteur conserve la maîtrise de ses décisions. Chaque enchérisseur met en place une stratégie, maîtrise son acte d'achat, sans pour autant avoir les moyens de contrôler l'intervention des autres acheteurs.

 

Il y a aléa dans la mesure où personne ne maîtrise l'action des autres « joueurs » mais ce n'est pas le sort qui désigne le gagnant et la valeur du gain. C'est bien l'intervention de chacun ou sa défection qui relève du choix. Il s'agit donc du hasard « licite ».

 

De même, dans les enchères au clic, le participant conserve la maîtrise de son action, il n'y a pas de dés jetés. Il choisit de continuer à enchérir et n'est pas impuissant entre le moment où il mise et le moment où il y a attribution du lot, il peut intervenir quand il le souhaite (à la différence d'une loterie prohibée où il n'y a pas d'intervention en cours de jeu). L'enchère au clic ne semble donc pas remplir les conditions des loteries prohibées.