Commerce O2O en Chine : quels sont les modèles gagnants ?

Sur fond de digitalisation croissante du commerce, le développement de services O2O (online to offline, et offline to online) constitue la réponse pertinente pour les acteurs brick & mortar face à l'essor des pure players.

Si les bénéfices sont établis, les mix O2O diffèrent entre les pays, héritage de modes de vie et d'habitudes différentes. Qu'en est-il en Chine, plus grand marché digital au monde ? Quelles sont les stratégies O2O pertinentes et quelles sont les particularités à intégrer ?

O2O et reverse O2O 

Les services O2O peuvent s'entendre soit comme les services proposés en ligne destinés à générer du trafic ou des ventes en magasin (online to offline) ; soit comme les services offerts en magasin et générant du trafic ou des ventes en ligne (offline to online ou reverse O2O). Dans les deux cas, ces types de services permettent de dépasser la traditionnelle opposition entre monde physique et virtuel pour ne faire plus qu'une seule forme de commerce : le commerce connecté.
Ces services O2O concernent tous les stades du processus d'achat (avant-vente, vente, après-vente) et tous les outils digitaux : le mobile, meilleur ami du consommateur O2O, mais également ordinateurs, tablettes et bornes interactives.
Si les services mobiles intégrant un portefeuille large de fonctionnalités sont à l'agenda de nombreuses marques en Chine, d'autres initiatives connectant online et offline ont également un fort potentiel, tel que le couponing omnicanal pour générer du trafic entre canaux, les QR codes, les services de retrait ou d'échange en magasin des produits achetés en ligne, ou les dispositifs digitaux en magasin. Les plates-formes omnicanales avancées comme hybris permettent de proposer rapidement ces services, avec un pilotage unifié des interactions.

Avantages clés  

Les bénéfices liés au O2O sont multiples :
  • Pour les clients, un service amélioré, avec la possibilité de passer avec fluidité d'un canal à l'autre. En témoigne le succès des services de recherche d'informations avant achat, nommée ROPO (Recherche Online, Purchase Offline) qui représenterait déjà plus de 5% des dépenses totales des consommateurs en Chine1, ou encore la popularité des QR codes. Avant d'être un projet, le O2O est donc d'abord une réalité.
  • Pour les distributeurs et marques, le modèle est également vertueux, avec des clients plus rentables. Chez John Lewis, un client omnicanal dépense 824£ par an, contre 264£ pour un client brick & mortar et 168£ pour un client online. En outre, le taux de transformation du commerce physique est de 30% à 70% en points de vente, contre 1% à 3% sur les canaux digitaux, incitant à développer les services online générant du trafic en magasins. Enfin, le O2O constitue le levier pour se différencier des pure players, en capitalisant sur leurs principaux actifs, les magasins et les équipes de vente. Les acteurs web only l'ont compris, comme l'expliquait récemment le CEO d'Alibaba : « Une de nos opportunités majeures est d'étendre notre plate-forme e-Commerce vers le commerce physique, en développant une expérience shopping plus engagée, omnicanale, et connectée ».

O2O en Chine : où en est-on ? 

Premier marché e-Commerce au monde avec 8% du total des ventes faites en ligne, le leadership digital de la Chine se retrouve dans les services O2O, à travers 6 caractéristiques clés. Passons-les en revue :

1. Vers le mobile only ?

La majorité des connexions online se fait désormais depuis un mobile, et plus de 30% des transactions e-Commerce en valeur sont déjà faites depuis un mobile (jusqu'à près de 45% le 11/11/2014). A côté du e-Commerce, le développement de services mobiles à valeur ajoutée (information, paiement, réservation, carte fidélité, géolocalisation...) est clé, parce que les terminaux mobiles permettent justement de réunir online et offline. Nous recommandons donc d'accorder la priorité au développement mobile, ou à minima de consacrer autant d'importance au mobile qu'aux ordinateurs.

2. O2O 360 degrés

Paradoxalement, les acteurs les plus avancés en matière de O2O sont justement ceux qui n'ont pas (encore) de points de vente. Les leaders (Alibaba, Tencent...) ont en effet investi depuis deux ans dans les services en ligne permettant de relier monde physique et virtuel : achats groupés pour générer du trafic en magasin, sites de recommandations et d'avis sur les commerces physiques, réservation de taxis pour s'y rendre et paiement sur mobile en magasin. Plus récemment, des partenariats ont été faits par les leaders digitaux dans des réseaux de distribution pour développer des modèles hybrides. On découvre ici une particularité forte de la Chine en matière de O2O : là où en Occident le O2O se concentre principalement sur le lien online - point de vente, la Chine propose une définition extensive du O2O, incluant tous les services liés au processus d'achat. Notre recommandation : procédez comme les leaders en pensant global, incluant des services O2O sur tout le cycle d'achat.

3. Le social commerce existe

La séparation des usages est bien moindre en Chine, et le social commerce est une voie d'entrée efficace vers la vente en ligne et le O2O, contrairement à la plupart des pays.
A l'image de Wechat et ses 600 millions d'utilisateurs, les consommateurs chinois mixent des usages différents dans un même service : messagerie instantanée, réseau social, commerce, paiement et services O2O. Les marques présentes sur Wechat proposent de véritables magasins en ligne, mais utilisent également leur compte pour pousser des alertes vers leurs abonnés générant du trafic en point de vente (promotions, événements...). Toutes les marques et distributeurs sont présents, faisant de Wechat un canal global avec une forte dimension O2O. Notre recommandation : soyez présents sur tous les canaux, y compris les réseaux sociaux, levier majeur pour générer du trafic offline. Approche d'autant plus stratégique quand on sait la difficulté d'être rentable dans un modèle uniquement e-Commerce avec des coûts marketing qui peuvent représenter jusqu'à 35% du chiffre d’affaires...

4. Sortir de la dépendance vis-à-vis des marketplaces

80 % du e-commerce en Chine passe aujourd'hui par des marketplaces qui n'ont pas d'intérêt stratégique à développer les services O2O pour les marques, le chiffre d’affaires généré en magasin leur échappant. Face à cette difficulté, il est urgent pour les marques de maîtriser leur plate-forme de distribution online, pour des raisons d'image et de rééquilibrage des revenus entre e-commerce en propre et e-Commerce via marketplaces. Notre recommandation : déployez une plate-forme omnicanale dédiée. Sans maîtrise de cette plate-forme, le O2O restera limité pour une marque à quelques services basiques, poursuivant ainsi le fonctionnement actuel en silos (online d'un côté, offline de l'autre).

5. Un paysage de la distribution fragmenté

Le paysage de la distribution en Chine est très fragmenté, puisque les principaux réseaux de distribution ont une part de marché limitée : la part de marché des 20 premiers distributeurs en Chine est inférieure à 12 %, quand ce chiffre atteint 40 % aux Etats-Unis. Les acteurs restent souvent régionaux et de taille réduite. Conséquence probable : une majorité de e-Commerçants constituera vite la majorité du top 10 de la distribution en Chine. Les distributeurs traditionnels doivent donc absolument prendre rapidement le virage des services O2O, car il constitue leur principal levier pour revenir dans la course, face à des pure players concentrés donc puissants.
Notre recommandation : liez et connectez au maximum les points de vente avec votre activité online, en multipliant les liens marketing et les services hybrides (couponing multichannel, géolocalisation de magasins avancée, QR codes en magasins...).

6. Une Chine, des consommateurs

Les habitudes de consommation diffèrent selon les régions. Si les plus grandes villes (Pékin, Shanghai...) sont bien équipées en points de vente, il n'en va pas de même dans les villes plus petites (Tiers 2 et supérieurs).Globalement, compte tenu de l'arrivée récente de la Chine dans la société de consommation et de la taille du pays, la distribution est moins développée : on compte ainsi 5 fois moins d'espace commercial par personne (en m2) en Chine qu'aux Etats-Unis, et 3 fois moins qu'en Allemagne2. Ce retard ne sera jamais comblé : le pays est si vaste que certaines régions ne pourront être adressées qu'online.
Les scénarios O2O doivent donc être approchés de manière différente. Nous en identifions au moins 2, à adapter en fonction des enjeux :
  • Là où les distributeurs sont très présents, dans les grandes villes, ils ont intérêt à privilégier des approches online to offline, pour générer du trafic et des ventes en magasin. Ces services O2O doivent être ciblés sur l'avant-vente et la vente, mais ne seront par contre pas très pertinents s'ils sont sur le segment de la livraison, efficace et rapide.
  • Dans les villes plus petites, si le distributeur est absent ou la présence limitée, il convient de privilégier des modèles offline to online, par exemple à partir de QR codes dans les médias, ou encore dans les points de vente existants, redirigeant ainsi une partie du trafic magasin vers le online. Sur le maillon de la livraison par contre, le online to offline est pertinent car la livraison y est souvent moyenne, par exemple via des accords avec des magasins de proximité.
Trois conditions sont donc nécessaires pour profiter des avantages du O2O : élaborer une stratégie adaptée à ses enjeux, disposer d'une plate-forme omnicanale avancée pour profiter de la vitesse et de l'évolutivité qu'elles apportent, enfin dépasser l'opposition entre online et offline. Face à un consommateur omnicanal, le O2O est bien la clé pour continuer à se développer à l'ère digitale...

Chronique rédigée par Thomas ALIX, Directeur e-Commerce et digital Keyrus China et Robbie SHEN, Directeur de projet e-Commerce pour Keyrus China.