Thierry Petit (Showroomprivé) "Showroomprivé lance un coupon web-to-store indolore pour les magasins"

Pour ses premiers résultats post-IPO, l'e-commerçant publie un CA en hausse de 27%. Son fondateur décortique les leviers actuels et à venir de cette croissance continue.

JDN. Showroomprivé publie aujourd'hui ses premiers résultats depuis son entrée en bourse d'octobre. Sont-ils bons ?

Thierry Petit, co-PDG de Showroomprivé © S. de P. Showroomprivé

Thierry Petit. Nous avons réalisé une excellente année 2015, dans la continuité des années précédentes. Notre volume d'affaires a progressé de 28% à 605 millions d'euros et notre chiffre d'affaires net de 27% à 443 millions d'euros. Donc une croissance deux fois plus rapide que la moyenne de l'e-commerce français. Notre Ebitda ressort à 23,7 millions d'euros, soit 5,4% du chiffre d'affaires net. C'est un point de plus qu'il y a un an et mieux que prévu au moment de notre introduction en bourse.

On a beau dire que la France est un marché saturé, nous y détenons toujours une forte dynamique avec 28% de croissance annuelle et 8,1% de rentabilité. C'est d'ailleurs ce qui nous permet d'investir dans l'international. En croissance de 20% pour 7 millions d'euros de pertes, l'étranger représente maintenant 15% de notre chiffre d'affaires.

Qu'est-ce qui tire votre croissance ?

Absolument tous les leviers. Nous avons recruté 750 nouvelles marques l'an dernier, contre 650 en 2014. Les membres sont de plus en plus nombreux. Nous en dénombrons aujourd'hui 24,6 millions soit 4,4 millions de plus en un an, alors qu'ils n'avaient augmenté que de 4 millions en 2014. Le nombre d'acheteurs augmente aussi. Ils étaient 2,9 millions en 2015 : 500 000 de plus qu'un an avant. Ils achètent également de plus en plus. Le revenu par acheteur a augmenté de 5% à 151 euros HT et le nombre de commandes à 4,1 par an. Et le mobile poursuit sa progression. En 2015, il a pesé 70% du trafic et 48% du chiffre d'affaires net.

Trois initiatives lancées en 2015 ont soutenu cette progression. Notre abonnement annuel aux livraisons illimitées, Infinity, a très bien débuté, ce qui a eu un effet très fort sur la répétition des achats. Le panier unique multiventes, également mis en place à la rentrée, a lui-aussi incité nos clients à acheter davantage. Et notre marque propre #CollectionIRL lancée l'été dernier a fait un très bon démarrage, que nous allons maintenant scaler avec une équipe dédiée. Bref, notre croissance, homogène, est tirée par l'offre, par les membres et par la plateforme. Nous grandissons sur tous les leviers.

En 2016, l'un de vos axes de croissance sera le drive-to-store…

Nous cherchons à apporter de la valeur aux marques. Or avec 1,5 à 2,5 millions de visiteurs uniques par mois, nous sommes capables de leur envoyer beaucoup de trafic en magasin, ce dont elles sont très demandeuses. Nous proposions déjà une offre de coupons, notamment sous forme de mobile-to-store avec Smart Promo. Nous avons voulu aller plus loin.

Un coupon valide en magasin... sans impliquer le magasin

Nous lançons donc Shop It, qui permet d'organiser des offres limitées dans le temps avec de fortes décotes, à valoir en magasin. Concrètement, vous achetez cette réduction sur notre site ou notre application, puis la consommez en boutique. Shop It Coupon est fait pour les enseignes qui possèdent déjà un système de gestion des coupons et dont les points de vente peuvent les prendre en compte. Quant aux autres, Shop It Pocket est fait pour elles. L'acheteur réalise son achat en magasin, prend en photo son ticket de caisse, nous l'envoie et se fait rembourser.

Avec quelles enseignes avez-vous signé ?

Nous pouvons déjà annoncer Interflora et Go Sport sur Shop It Coupon, et Maty sur Shop It Pocket.

Pourquoi développer l'expérience Smart Promo si elle laissait à désirer ?

Smart Promo marchait bien sur certaines offres mais le fait que le service ne soit accessible qu'en dehors de l'application Showroomprivé n'était pas évident. Nous avons tout recentré sur notre marque ombrelle, ajouté le web fixe, travaillé la pédagogie de l'offre et apporté des innovations au mobile, géolocalisation en tête.

De plus, Shop It correspond parfaitement à notre ADN : de fortes promotions sur des marques, limitées dans le temps. Cela nous permet aussi de toucher d'autres types de marques, par exemple celles qui ne veulent pas s'embêter avec toute la logistique qu'implique le déstockage en ligne à grande échelle. Enfin, nos membres se montrent très intéressés par ces offres web-to-store.

Ne craignez-vous pas que certaines marques de votre activité de vente en ligne ne basculent sur Shop It, en effet plus simple pour elles mais sans doute moins rémunérateur pour vous ?

De la vente conditionnelle jusqu'à l'optimisation du trafic en magasin, il existe chez les marques tout un éventail d'approches. Shop It est un service complémentaire aux autres et n'engendrera aucune cannibalisation. C'est d'autant plus certain que le monde virtuel est beaucoup plus puissant que les magasins en termes de volumes écoulés et de rapidité.

A l'international, une stratégie multi-locale

En attendez-vous des clients supplémentaires ?

72% de notre chiffre d'affaires 2015 a été assuré par des clients réguliers. Sur Médiamétrie, nous sommes toujours dans les trois premiers sites marchands sur le critère du temps passé par mois, souvent devant Amazon. Autant dire que Showroomprivé suscite un fort engagement. Nos clientes sont des femmes de 25 à 49 ans qui achètent de la mode. Dans 90% des cas, leur premier achat est une marque de mode proposée avec une forte décote. Le reste vient après. Et si on leur en offre la possibilité, de la même façon qu'elles peuvent se mettre à l'équipement de la maison ou au voyage, elles se mettront au web-to-store, car cela reste dans notre ADN.

Qui sont les concurrents de Shop It ?

Outre Groupon et compagnie, il y a bien sûr Rosedeal de Vente-privée mais le service ne propose pas le remboursement après l'achat en magasin. Or les coupons traditionnels sont compliqués car ils nécessitent de s'intégrer au système d'information de la marque, de former les équipes en magasin… Ce sont des problématiques très fortes dans le retail et cette mise en place prend vite deux ou trois mois.

Avec Shop It Pocket, il n'est même pas nécessaire de prévenir les points de vente. On pourrait imaginer une opération Perrier valable dans tous les bars de France sans même avoir à leur expliquer en quoi elle consiste. Ce qui fait la force de notre offre, c'est qu'elle est extrêmement facile à mettre en place et transforme donc bien davantage.

Quels sont vos autres grands chantiers 2016 ?

L'international sera le principal. Jusqu'ici nous avons développé nos huit pays depuis la France avec des investissements limités et nous avons atteint une taille critique en Italie, en Espagne et au Portugal. Nous entrons dans une deuxième phase, durant laquelle nous allons déployer des équipes et des petites plateformes logistiques locales afin de livrer plus vite. Même approche côté marques : nous avons déjà ouvert un bureau d'achat à Madrid et sommes en train de faire la même chose à Milan. C'est un point clé dans l'histoire de notre expansion internationale, qui va nous permettre de nous renforcer considérablement sur ces huit marchés.

Enfin, dans les semaines qui viennent, nous allons lancer un moteur de recherche qui ajoutera une approche produits à l'actuelle approche marques. On pourra ainsi rechercher une robe noire ou un sac clouté de façon transversale aux ventes. Cela convient d'ailleurs très bien aux usages sur mobile et nous permettra de personnaliser bien davantage les interfaces.

Comment se porte votre cours de bourse ?

Etant donné ce qu'a vécu le marché, notre action a vraiment très bien tenu. Elle se situe au-dessus de son cours d'introduction. A titre de comparaison, seuls quatre titres du SBF120 ont progressé davantage sur la période. Comme nous nous sommes introduits au bas de l'échelle, nous sommes encore loin des multiples de nos comparables. Nous avons eu bien raison d'être sages au moment de l'introduction.

Concernant 2016, nous confirmons nos objectifs : entre 525 et 555 millions d'euros de chiffre d'affaires net et une marge d'Ebitda comprise entre 5,8% et 6,2%. Et nous visons toujours 750 millions d'euros de CA net en 2018, dont 25% à l'international.

Thierry Petit est le co-PDG de Showroomprivé, avec David Dayan. Diplômé de l'INT, il débute sa carrière au sein des agences interactives Planète interactive et Brainsoft. En 1999, il crée le comparateur de prix Tooboo.com, qu'il cède à Libertysurf l'année suivante. Il en devient le directeur e-commerce, puis s'investit dans divers projets personnels, dirigeant notamment le magazine Mouvement, et entreprend un tour du monde de deux ans. En 2006 il cofonde Showroomprivé avec David Dayan.