Julien-Henri Maurice (Bazarchic) "Notre marketing prédictif en temps réel a enclenché un cercle vertueux"

A l'approche de la Nuit du Directeur Digital, le 21 juin, le CDO de Bazarchic explique comment le virage data pris par le groupe l'a rendu totalement customer-centric.

JDN. Quel est votre projet le plus innovant mené en 2016 ?

Julien-Henri Maurice, CDO de Bazarchic © S. de P. Bazarchic

Julien-Henri Maurice. Pour réveiller les clients dormants, nous avons commencé à faire du marketing prédictif en temps réel. A la place des emails génériques envoyés à heures fixes, nous déclenchons des emails en temps réel à partir de cookie-matching. Lorsque la navigation d'un internaute active un cookie sur un site du réseau de notre partenaire Notify et que Notify le matche avec un cookie BazarChic, c'est qu'un de nos membres est en train de surfer. L'email que nous envoyons alors est différent de la newsletter quotidienne. Comme le membre est sur Internet, il y a de fortes chances qu'il consulte sa messagerie avant de fermer sa session. Il verra donc notre mail parmi les tous derniers reçus. Cela améliore le taux d'ouverture, le ROI des campagnes et le chiffre d'affaires qui est presque deux fois supérieur à celui des routines classiques de réveil d'inactifs. En 2017, nous ferons la même chose sur mobile avec une personnalisation plus poussée.

Ce chantier a nécessité un travail préparatoire sur les données à agréger et à activer en temps réel. Nous avons également réalisé beaucoup de tests sur les titres des emails et les créas. Car le projet ne consistait pas juste à brancher des outils innovants. Pour avoir des résultats, il a fallu injecter toute l'intelligence et le savoir-faire du marketing. Aujourd'hui, les équipes métier ont vraiment le contrôle. Elles jugulent la pression commerciale, savent quand les gens réagissent le plus et donc à quel moment faire du reach… Le projet a enclenché un véritable cercle vertueux car l'amélioration de la connaissance client a pu être réutilisée sur d'autres leviers, d'où aussi un ROI indirect.

Et le plus stratégique pour votre groupe ?

C'est indiscutablement le mobile, que nous avons complètement internalisé. Les équipes étaient déjà mobile-first, elles le sont plus encore aujourd'hui. Jusqu'en 2015 l'UX n'existait pas chez nous. Nous l'avons fortement intégrée chez les designers et les intégrateurs. Nous avons aussi adopté une méthodologie de travail agile en passant en Scrum et en pratiquant des sprints de 15 jours pour accélérer le time-to-market. Nous avons par ailleurs adopté des outils comme Crashlytics pour piloter au mieux la stabilité de l'app qui est un motif de désinstallation important en m-commerce. Et nous sommes entrés dans une logique très data-driven. Nous analysons la navigation in-app, notamment via des heatmaps pour identifier les irritants et améliorer le parcours. Nous avons aussi fait gagner l'app en rapidité en basculant une partie de l'intelligence du local vers des webservices appelés à distance. Elle ne pèse plus que 35Mo !

"La data est maintenant utilisée au quotidien et à tous les étages de la fusée"

Résultat : alors que 80% des apps sont désinstallées juste après leur première utilisation, la rétention de la nôtre a enregistré une progression à deux chiffres. La fréquence d'achat s'est améliorée et le panier moyen a rattrapé celui du desktop, qui jusqu'en 2015 le dépassait largement. C'est grâce à tout ce travail que le mobile contribue aujourd'hui fortement à la croissance du groupe.

En quoi avez-vous transformé votre groupe depuis votre arrivée ?

Nous avons initié notre stratégie data il y a trois ans. Auparavant, la data était centralisée à la DSI. En arrivant, j'ai commencé par auditer notre base. Nous ne savions pas dire assez finement qui étaient nos 10 millions de membres. Suite à ce gros projet de connaissance client, nous avons créé il y a deux ans un référentiel client unique pour nos marques - BazarChic, nos boutiques, Idiliz et Ooofly, grâce auquel nous avons identifié des pistes de cross-selling. Puis nous avons créé un data lake pour utiliser de la donnée plus personnalisée et proposer une expérience en temps réel qui exploite la civilité, la date d'anniversaire, le remplissage du panier, la date de dernière connexion, les achats…

Tout cela alimente ensuite plusieurs leviers. Imaginons qu'un internaute se soit inscrit avec une erreur dans son adresse mail. S'il entre par l'app, nous pouvons le lui signaler là. S'il est éligible à payer en plusieurs fois, nous le "flaggons" comme promophile mais à budget limité. Le data lake alimente aussi notre drive-to-store géolocalisé : on nous signale une belle vente à venir en boutique, nous savons dire qui cibler dans la zone de chalandise.

Quelle est l'importance de la data pour votre groupe ? Comment l'utilisez-vous dans le cadre de vos projets ?

C'est pour nous un sujet totalement central. Comme nous A/B testons tout ce que nous faisons, nous voyons comment l'utilisateur réagit et pouvons affiner nos partis-pris avant de mettre en production. La responsabilité n'est plus uniquement à la technique, elle est également au métier. La connaissance client rend notre job plus intéressant et les décisions ne sont plus subjectives. Nous gagnons en argumentation et les discussions, plus rationnelles, font converger tout le monde.

"Je pense avoir rendu BazarChic plus customer-centric"

Autrement dit, la data est maintenant utilisée au quotidien et à tous les étages de la fusée, pour faire de la smart data, pour améliorer les process, en tant qu'outil décisionnel, et pour gagner du temps. Les retombées sont de toutes natures. Par exemple, les internautes appellent moins le service client pour se renseigner, ce qui dégage du temps pour le cross-selling et l'assistance shopping. La data permet donc aussi de diminuer les coûts des fonctions support.

En quoi votre action a-t-elle permis à votre groupe de poursuivre sa transformation numérique en 2016 ?

Je pense avoir rendu BazarChic plus customer-centric. Nous avons beaucoup travaillé pour prendre en compte les verbatim clients afin de faire évoluer la proposition de l'entreprise. Mettre en place une politique client, de nouveaux KPI et fixer des niveaux de service a permis de transformer l'expérience client. Nous avons aussi impliqué toutes les équipes pour accroître la qualité de service en travaillant sur la ligne éditoriale, la personnalisation et l'automatisation. La fréquence d'achat a progressé, le taux de contact par commande a baissé, la productivité des fonctions support s'est améliorée... Cette transformation, très transverse, a fait du client la préoccupation de tout le monde. C'est ce qui nous permet de viser collectivement l'excellence opérationnelle.