Marc Lolivier (Fevad) "Beaucoup d'e-commerçants seront pénalisés par le règlement ePrivacy"

Débattu au sein de l'Union européenne, le règlement ePrivacy pourrait confier la clef des cookies aux navigateurs Internet. Une proposition qui inquiète le délégué général de la Fevad.

En quoi le nouveau règlement ePrivacy pourrait changer la donne pour les e-commerçants ?

Marc Lolivier est délégué général de la Fevad © S. de P. Fevad

Aujourd'hui, les cookies sont essentiels à l'économie numérique. Déposés lors de la première navigation Internet avec accord de l'internaute via une bannière, ils permettent de sécuriser, d'améliorer l'expérience utilisateur sur les sites et de cibler la publicité. Ce système est certes imparfait, mais il a ses avantages car il met en contact les éditeurs directement avec les internautes. Ce modèle économique ne pourrait plus vivre avec un régime cadenassé. Demain, avec la proposition de texte, l'internaute pourrait choisir dès l'installation du navigateur quels types de cookies il souhaite accepter (refus total, cookie first, cookie tiers…). Autrement dit, avec le règlement ePrivacy , les logiciels de navigation seront l'alpha et l'oméga des cookies.

Beaucoup d'e-commerçants seront pénalisés par ce mécanisme, notamment ceux qui ont une logique de média avec de la publicité ciblée. On comprend que ces navigateurs soient un outil, mais ils ne doivent pas être les seuls. Sinon, on laissera l'ensemble de la gestion des données personnelles à quelques acteurs dominants, en particulier Google Chrome, Internet Explorer et autre Safari. Pourquoi confier cette tâche à des sociétés non-européennes ? On sacre ces entreprises dominantes comme des gardes-barrières du web. Le règlement ePrivacy ne doit pas conduire à renforcer la position des grands acteurs du Web en leur confiant les clés d'Internet.

Quelles sont les prochaines étapes clefs?

Le parlement européen pousse pour une adoption rapide entre septembre et décembre 2017. L'Union européenne souhaite synchroniser ce texte en même temps que la mise en application du règlement général sur la protection des données (RGPD) pour le 25 mai 2018. On veut nous faire croire qu'on peut traiter le cas des cookies en quelques mois. Ce n'est pas possible, car le sujet demeure technique, complexe et essentiel. Voilà pourquoi tous les acteurs du numérique concernés agissent main dans la main. C'est du jamais vu : des professions intermédiaires aux e-commerçants en passant par la presse et les annonceurs. Après la position commune adoptée en juin dernier par une quinzaine d'organisations professionnelles du numérique pour demander la révision du texte, nous travaillons maintenant sur les solutions envisageables à soumettre aux décideurs publics. Nous ne rejetons pas l'encadrement des cookies, mais nous voulons un encadrement intelligent, adapté, équilibré, qui tienne compte de la réalité opérationnelle et économique du numérique.

Quelle solution proposez-vous ?

Il nous faut déjà éviter le "une fois pour toute" lors de l'installation du navigateur Internet. L'éditeur doit pouvoir garder un contact direct avec l'internaute. Ce dernier fait souvent confiance à certains médias ou à certains marchands en ligne. Nous voulons que sa décision exprimée sur un site soit prise en compte par les navigateurs. Par exemple, le choix effectué en toute connaissance de cause sur un Vente-privée, un Zalando ou un média doit être respecté par Chrome. Il ne faut pas oublier que même sans cookie, il y aura toujours de la publicité. Sauf que celle-ci risque d'être beaucoup plus présente et sans intérêt pour l'internaute. Est-ce que le consommateur en sortira gagnant ? Contrairement à certaines idées reçues il est tout à fait possible dans ce domaine de faire coïncider l'intérêt des internautes et celui des entreprises. Et c'est tout l'enjeu de cette nouvelle réglementation.

Marc Lolivier est le délégué général de la Fédération e-commerce et vente à distance (Fevad), le premier réseau d'e-commerçants en France avec 600 entreprises membres. Il est également délégué général Vice-president de L'Union française du marketing digital (UFMD).