Comment les e-commerçants français dépendants de la Chine gèrent la crise

Comment les e-commerçants français dépendants de la Chine gèrent la crise Découvrez comment Polette, Miliboo et Dualist ont adapté leur activité en Chine dès le mois de janvier avant les mesures de confinement en Europe.

Avec des premiers cas avérés de coronavirus dès le mois de novembre, la crise sanitaire a touché la Chine avant le reste du monde. Or l'empire du Milieu compte 2 100 entreprises françaises présentes sur son sol, qui ont donc dû organiser leur activité en amont de la propagation du virus en Europe. A l'image de la marque de lunettes Polette, propriétaire de deux laboratoires d'assemblage et actionnaire d'une usine de verres en Chine depuis ses débuts en 2011. "Fin janvier, la situation s'est accélérée avec l'annonce des mesures de confinement et la fermeture des usines, retrace le cofondateur, Pierre Wizman. Durant les deux premières semaines, nous avons eu peur pour notre business car nous n'avions aucune visibilité. Pendant ce temps-là, les commandes se sont accumulées et nous ne pouvions livrer aucun client. C'était très compliqué." Fort de son expérience en tant qu'expatrié en Chine durant 12 ans, Pierre Wizman a gardé en tête l'adage local "Méi wènti", autrement dit "pas de problème". 

Polette : la solidarité pour maintenir l'activité

Polette mise alors sur la transparence auprès de ses clients. La DNVB communique sur des délais de livraison rallongés et offre à ses clients un bon de réduction pour leur prochain achat tandis que les 400 employés de Polette en Chine vivent le confinement. "Certains clients ont mal réagi au fait de ne pas recevoir leur commande dans les temps et nous avons essuyé quelques critiques. A ce moment-là, seule la Chine était confrontée à l'épidémie et l'Europe n'avait pris aucune mesure", se remémore Pierre Wizman. Mais l'activité de Polette n'a pas été au point mort pour autant. Pour le siège social situé à Hong Kong, l'équipe de designers basée à Amsterdam et les showrooms disséminés entre la France, l'Angleterre, la Belgique et les Pays-Bas, la solidarité envers les salariés de Polette en Chine est restée la priorité. "Nous avons envoyé du gel hydroalcoolique, des masques et de la nourriture pour soutenir nos équipes sur place. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, ce soutien nous a été rendu, sourit le cofondateur. En Chine, la culture est différente, les habitants sont soudés et d'un naturel très impliqué." Ainsi, les salariés de Shanghai se sont mobilisés pour assembler des lunettes en tournant à bas régime malgré le confinement, dans le respect des règles d'hygiène en vigueur. Sur les mois de janvier et février, les ventes de Polette en Chine ont été en hausse de 40% par rapport à la normale. Et depuis la fin du déconfinement officiel le 25 mars, la production redémarre à 80% de son potentiel contre 10% pendant le confinement. 

Dans l'intervalle, le coronavirus a gagné l'Europe, et en France, les mesures de confinement sont entrées en vigueur le 16 mars. "Je ne suis pas inquiet. Tous nos showrooms européens sont fermés mais notre production et nos ateliers asiatiques sont désormais opérationnels. Nous avons constaté une chute des ventes importantes au début du confinement européen mais nous sommes en train de remonter la pente", souligne Pierre Wizman, optimiste. Surtout, le cofondateur de Polette, confronté à la peur du virus en Chine, a pu anticiper les réactions des salariés européens. "Le fait d'annoncer que nous sommes en guerre inquiète les gens. Nous avons pris du recul sur la situation pour rassurer au mieux nos équipes."

Miliboo : la gestion des stocks du Nouvel An chinois 

Dans le secteur du mobilier, le site marchand Miliboo en service depuis 2005 (70 salariés au total), a noué des relations étroites avec la Chine en y implantant sa filiale à Hangzhou en 2011. "La Chine est un pays stratégique dans notre activité, elle représente la moitié de nos approvisionnements et toutes les opérations du continent asiatique sont pilotées depuis la Chine", explique Guillaume Lachenal, PDG et cofondateur de Miliboo.

Si le site de e-commerce n'a pas échappé au confinement de son équipe chinoise, l'activité des salariés s'est poursuivie. "Quand la crise est arrivée en Chine, nous avons basculé l'équipe d'une dizaine de personnes en télétravail sans que cela nécessite une organisation complexe car la plupart de nos outils sont basés en France sur un cloud propre à l'entreprise. Au moment où la crise s'est déplacée en France, la situation avait comme un air de déjà-vu", relate Guillaume Lachenal, qui a anticipé le télétravail des salariés de Miliboo en France avant les annonces officielles du confinement. Un moyen de préserver la continuité de l'activité sans rien arrêter. Relation avec les usines et suivi du contrôle qualité, mise en production, la filiale chinoise de Miliboo n'a pas subi de contrecoup dû au contexte. Il faut dire que le Nouvel An chinois, célébré aux prémisses de la crise sanitaire, est une période traditionnellement intense pour le site marchand qui a l'habitude de surstocker. "Nous savons gérer l'aléa et notre stock de sécurité a bien fonctionné. Selon les références, notre approvisionnement est garanti entre 4 à 7 mois", complète Guillaume Lachenal. Si l'activité se porte bien, le PDG porte un regard attentif sur l'Inde où les usines sont fermées, et en Malaisie. "Nous avons anticipé notre organisation du travail en France car la Chine nous a sans doute préparé mais personne ne connaît la durée de cette situation et si ce contexte devait s'allonger on finirait par être impacté", admet le cofondateur. 

Dualist : les pré-commandes pour compenser le retard d'approvisionnement

Autre marque, autre approche. Née en octobre 2019, la marque végane de parkas et doudounes réversibles pour hommes et femmes, Dualist a connu un début d'année chaotique. "Une bonne partie de notre approvisionnement vient de Chine et un grand nombre des productions engagées ont pris du retard en raison de la crise sanitaire", témoigne Déborah Janicek, fondatrice de la DNVB. Une usine en particulier, près de Shanghai, n'a pu livrer les produits finis de Dualist. "Nous avons vécu cette situation en deux temps, car lorsque la Chine a été prête à livrer la production, c'est l'Europe qui a été bloquée", abonde Déborah Janicek. En tout, le retard des livraisons en provenance de la Chine pourrait atteindre quatre mois. De quoi mettre en péril le démarrage de la saison été et des parkas légères. Afin d'éviter le pire, la fondatrice de Dualist a décidé de lancer des précommandes à partir des premiers échantillons en provenance de Chine et des photos de la nouvelle collection prises avant le confinement. "Nous dévoilerons un nouveau produit chaque semaine et toutes les commandes seront livrées à la fin de la crise. Le système des précommandes permet de ne pas rompre le lien avec la communauté", assure Déborah Janicek. Pour elle, "il n'y a pas de problèmes, il n'y a que des solutions".