Reconfinement : la distribution face à un cauchemar sans fin

Le reconfinement annoncé le 28 octobre par Emmanuel Macron, va-t-il finalement donner raison aux Cassandres qui prédisent depuis des années " la fin du commerce de détail " ? Une question légitime si l'on observe la situation globale de la distribution.

Ce reconfinement annoncé hier soir par Emmanuel Macron, va-t-il finalement donner raison aux Cassandres qui prédisent depuis des années « la fin du commerce de détail » ?  Une question légitime si l’on observe la situation globale de la distribution. Ce secteur qui, rappelons-le, représente 3,2 millions d’emplois et génère près de 312,3 milliards d’euros de recettes par an en France, semble aux abois. D’Alinéa à La Halle, en passant par Conforama, Camaïeu ou Naf Naf… De nombreuses enseignes emblématiques sont en crise profonde, voire en processus de disparition avancé. Le cabinet Forrester évoque même une perte de 1 800 milliards de dollars pour la distribution dans le monde. Pourtant dans ce contexte morose, il est bon de se rappeler comment, lors du premier confinement, de nombreuses enseignes ont su faire preuve de créativité en repensant leurs modèles de distribution pour s’adapter rapidement à la situation. Une capacité de réinvention qui devrait se répéter durant les quatre prochaines semaines.

Dans un contexte de reconfinement, le commerce en ligne sera définitivement consacré

En France, citons l’exemple de Carrefour et son offre par abonnement de paniers hebdomadaires, « Les essentiels ». Ou de Franprix qui a noué un partenariat avec Deliveroo pour livrer plus rapidement en ville. Le confinement aura permis aux enseignes de remettre le consommateur au cœur de leurs stratégies commerciales.  Nous sommes ainsi passés, en quelques semaines, d'une obligation de se déplacer pour consommer, à une possibilité de consommer ce que l’on souhaite, où et quand on le souhaite.

Le boom du e-commerce n’est plus un sujet. A l’approche des fêtes de fin d’année, et dans un contexte de reconfinement, le commerce en ligne sera définitivement consacré.  Pendant longtemps, les distributeurs ont centré leurs stratégies commerciales autour du magasin et de son emplacement. Tout était pensé afin de retenir le client un maximum de temps et lui faire acheter un maximum d’articles. Or, le premier confinement a amplifié la volonté des consommateurs d’avoir des produits personnalisés, de les recevoir rapidement, et sans avoir à se déplacer. Des pratiques encore marginales il y a quelques mois, comme les courses alimentaires en ligne, se sont normalisées.

En effet, les commandes en ligne se sont envolées, enregistrant des pics de croissance jusqu'à + 96% sur la deuxième quinzaine d'avril, avec une hausse de 40% des ventes de biens non-alimentaires. Et malgré la réouverture des magasins, cet engouement n’est quasiment pas retombé. Les semaines du 11 et du 18 mai affichent ainsi des hausses de 23% et 14% par rapport à la période pré-crise. Plus de 85% des acheteurs en ligne préfèrent désormais se faire livrer chez eux, même s’ils peuvent à nouveau se déplacer sans contraintes. Une révolution, alors qu’ils n’étaient que 15% à le faire avant la crise.

Le magasin n’est pas mort mais ne peut pas rester en l’état

Déjà mis sous pression par les pure players du e-commerce, les distributeurs se trouvent obligés de s’adapter en engageant une réelle transformation de leur modèle économique. Le magasin physique n’a évidemment pas vocation à disparaître. Mais avec la persistance du virus et la peur (légitime) de la contamination qui gagne la population, il doit changer de rôle.

Dans cette optique, de grandes enseignes françaises comme Decathlon, Bricomarché, Jules, ou Sephora lancent ou intensifient déjà leurs options de retrait de commandes en click-and-collect ou en drive. Mais il faut désormais aller plus loin : à l’image des Etats-Unis où certains commerçants ont lancé le « curbside pickup » (en français le ramassage sur le trottoir). Il s'agit de commander et de payer sur Internet, via une application comme Tock, puis de se rendre devant le magasin, où un employé remet le produit. Meilleure expérience client, simplicité de mise en place et rentabilité maximum sont les maîtres-mots de ce dispositif. Il n’est donc pas étonnant que deux tiers des américains ayant testé le « curbside pickup », durant le confinement, continueront à le pratiquer.

« Penser hors du cadre »

Les écosystèmes adjacents voire opposés peuvent servir d’inspiration voire de modèle quand il s’agit de se réinventer. C’est ce qu’a fait Apple. En 2019, pour la première fois depuis son lancement, les ventes de l’iPhone connaissaient une forte baisse. Pourtant Tim Cook ne s’en est pas inquiété outre-mesure. Et pour cause ! Le successeur de Steve Jobs avait déjà en tête l’étape d’après, inspirée des acteurs de la SVOD : capitaliser sur son milliard de clients en proposant un abonnement unique regroupant tous ses services en ligne actuellement disponibles séparément. Aujourd’hui ses revenus liés aux services et aux abonnements se montent à 12,7 milliards de dollars au dernier trimestre, et sont même en passe de dépasser durablement ceux de l’iPhone.

Dans la distribution, Walmart incarne, à sa façon, cette pensée hors-cadre. Le distributeur de Bentonville vient de lancer coup sur coup deux innovations. A la fois servicielles et expérientielles. Un magasin, dans l’Arkansas, sans lignes de caisse traditionnelles et… Un centre de santé en Floride. Evidemment, il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin dans l’immédiat. En revanche, il est indispensable que nos distributeurs assument leur devoir d’inventaire sur des aspects très précis… Dès maintenant.