DNVB de mode, à quel prix elles sont écoresponsables ?

DNVB de mode, à quel prix elles sont écoresponsables ? Etre écoresponsable est inhérent au modèle économique des DNVB de mode. Mais combien cela coûte-t-il ? Et quelle est la facture pour le consommateur ?

L'une des particularités des DNVB qui ne figure pas dans l'acronyme qui les définit est la transparence. Un critère devenu une exigence pour les consommateurs toujours plus désireux de connaître la composition des produits sur lesquels ils jettent leur dévolu, même si la question du prix n'est jamais bien loin. Avec la crise sanitaire, l'éco-organisme Refashion, qui accompagne les marques de mode sur le volet de l'écoconception, a été davantage sollicité, assure-t-il. Il faut dire que le modèle économique des marques digitales de mode autour de l'écoresponsabilité a de quoi susciter l'inspiration. "Les DNVB prouvent qu'il y a de nouvelles façons d'appréhender la conception des produits", résume Alain Claudot, directeur général de Refashion. Mais la conception éthique implique à la fois des coûts et des concessions.

Le coût de production 

Chez Adresse Paris, spécialisée dans la mode masculine urbaine depuis 2019, choix est fait de confectionner les vêtements au sein de l'Union européenne. Conséquence, le coût de confection est entre 3 et 6 fois plus élevé comparé au Bengladesh, selon Adresse Paris. Mais pas question de tout résumer au coût, pour la cofondatrice Alexandra Mulliez. "En Chine, on peut aussi trouver de la qualité. La question est surtout de savoir où l'on veut investir l'argent, et dans quelle économie. Nous souhaitons faire vivre l'économie européenne." Et les coûts peuvent aussi s'avérer avantageux sur le Vieux continent : pas de frais de douane selon les pays, culture similaire, déplacement rapides, monnaie unique. "Les marques traditionnelles font l'erreur de ne regarder que leur ligne de marge alors que les DNVB voient plusieurs lignes", souligne Alexandra Mulliez. 

"Les marques traditionnelles font l'erreur de ne regarder que leur ligne de marge alors que les DNVB voient plusieurs lignes"

"La fabrication locale fait partie de notre ADN mais nous avons aussi envie de proposer des prix abordables afin que les clients ne se sentent pas contraints de se tourner vers la fast fashion. Et on doit être en mesure de justifier nos prix", explique de son côté Clément Maulavé, cofondateur de Hopaal, marque spécialiste des vêtements recyclés. Avec 80% des vêtements conçus en France, Hopaal mise sur la vente directe propre aux DNVB via son site Internet et une boutique à Biarritz. La marque privilégie les préventes pour ne produire que le strict nécessaire. Elle enregistre des marges "seulement" deux fois supérieures au prix de revient. "Cette marge nous permet de réinvestir dans nos process, d'élargir nos gammes, de rémunérer les salariés et de financer notre indépendance", justifie Clément Maulavé.

Le positionnement des DNVB pose ainsi la question du prix fixé par les retailers traditionnels. Celui-ci serait-il biaisé ? Thomas Huriez, fondateur de 1083 répond :  "Chez une grande marque de jeans, vous payez 100 euros alors que vous débourserez environ 30 euros pour le même produit dans une enseigne de fast fashion. Le client s'attend à une différence sur la qualité alors qu'en observant les étiquettes, ces jeans sont fabriqués dans le même pays et sont de la même matière." Le fondateur de 1083 a décidé de se placer sur le segment haut de gamme en vendant des jeans à 100 euros mais en réalisant des marges moindres. "Grâce à cette marge de 33 euros, nous sommes en mesure de financer la confection, le délavage, le tissage, la teinture, la filature ainsi que l'achat du coton bio", indique Thomas Huriez.

Le choix des matières et des fournisseurs 

En se concentrant sur les matières originaires de l'Union européenne, Adresse Paris bénéficie des certifications des tisseurs et ennoblisseurs sur les conditions de traitement. "Nous mettons en avant la qualité de nos produits grâce à des fibres synthétiques recyclées. Au final, le coût n'est pas énorme. Ce qui pose problème, c'est davantage la quantité de matière disponible", pointe Alexandra Mulliez. Même discours chez Hopaal : "Etre une DNVB responsable, cela implique de bien choisir les chaînes d'approvisionnement mais aussi les matières et ce n'est pas si cher", affirme Clément Maulavé. La marque reverse 1% de son chiffre d'affaires à des associations engagées en faveur du développement durable.

Le chemin vers la production peut en revanche être semé d'embûches. Thomas Huriez évoque notamment la nécessité de relocaliser le savoir-faire. 1083 a racheté Tissage de France dans les Vosges, l'une des dernières usines de filature de coton en France. "Nous sommes devenus industriels afin de préserver la filière sur notre territoire", assure le fondateur.

Les chaussettes Archiduchesse comptent quant à elles parmi les premières à avoir recouru aux textiles Oeko tex, sans substance nocif, depuis sa création en 2009. "Nous sourçons les matières avec nos fabricants partenaires et nous nous assurons que les matières comme le coton proviennent de pays où les normes des travailleurs sont respectées", explique Camille Zamo, à la tête de la structure depuis quatre ans. Depuis 2019, Archiduchesse utilise davantage de matières recyclées en partenariat avec son fabricant de chaussettes, à partir de textiles et bouteilles plastiques recyclés. 

Quel type de distribution ?

Avec ces contraintes, impossible pour les DNVB de mode de passer par des intermédiaires pour écouler leur production. "Occasionnellement, cela peut arriver mais structurellement, on ne peut pas se le permettre, calcule la cofondatrice d'Adresse Paris. Les marques digitales de mode comme la nôtre préfèrent investir pour la qualité des produits. Or, ce choix conditionne notre mode de distribution." Adresse Paris achemine ainsi ses produits conçus au sein de l'Union européenne par la route, évitant ainsi d'être soumis à la fluctuation du transport mondial lors d'événements tels que le Nouvel An chinois ou la fête des célibataires. "On perd sur la partie confection en investissant davantage que les marques traditionnelles mais on gagne sur d'autres lignes. A la fin, l'équilibre n'est pas total mais il y a des choix à faire en analysant le business model dans sa globalité", explique Alexandra Mulliez.

Chez Hopaal, le consommateur peut opter pour un packaging réutilisable au moment de valider sa commande. Cet emballage spécifique coûte trois euros car il nécessite un traitement en entrepôt avant d'être renvoyé à la marque. "Malheureusement, nous ne pouvons pas supporter ce coût supplémentaire en raison de nos faibles marges. Nous l'avons expliqué à nos clients et nous proposons cette option. Nous ne pouvons pas tout faire mais nous essayons de prendre les meilleures décisions", explique Clément Maulavé. 

Le marketing au régime

Indéniablement, la communication reste le parent pauvre chez les DNVB de mode. Car la transparence à l'échelle du site Internet est une chose mais cela ne suffit pas pour capter de nouveaux clients. Un point faible soulevé par Alexandra Mulliez : "Les DNVB investissent davantage dans les produits et moins pour le marketing. Or, l'enjeu de notre modèle c'est la notoriété pour fidéliser." D'après Clément Maulavé, la transparence doit rester le leitmotiv. "Rien n'est opaque chez Hopaal. Nous voulons élever le niveau d'exigence des consommateurs en étant le plus sincère possible." Et Thomas Huriez de conclure : "L'argent que nous ne plaçons pas pour le marketing et la visibilité de masse est investi dans notre production. Et nous misons sur la transparence."