Les dark kitchens s'imposent comme modèles pour la création culinaire

Les dark kitchen vont perdurer malgré la réouverture des restaurants, tant elles représentent un nouveau moyen d'accéder à la diversité et au prestige culinaire. Nées avant la crise et galvanisées dans un contexte où la distanciation sociale s'est imposée comme une nouvelle norme, les dark kitchens ont permis aux restaurateurs de continuer à proposer leur cuisine hors les murs.

Véritables laboratoires, elles s’avèrent très utiles pour développer et optimiser les services de livraison et toucher plus de clients à des coûts (en apparence) réduits.

Mais peut-on les réduire à cela uniquement ? Ce concept disparaîtra-t-il avec la réouverture complète des établissements ?

Cuisine fantôme ou restaurant virtuel ?

Ne confondons pas « cuisine fantôme » et « restaurant virtuel ». Contrairement aux premières, les restaurants virtuels ne louent pas d’espace de cuisine par l’intermédiaire d’un tiers. Ils utilisent leurs propres cuisines pour répondre aux commandes en ligne et proposent souvent un menu dédié aux livraisons.

Les cuisines nomades avaient pris leur essor avant la pandémie et des concepts comme Tontine s’étaient déjà fait une place dans la culture Food. Ce restaurant familial éphémère créé par Julien et Céline Pham, avait accueilli des chefs talentueux en 2019, et le pari avait été accueilli à bras ouverts. Aujourd’hui, s’affranchir des murs d’un restaurant ne fait plus peur, et donne même de la valeur à celles et ceux qui travaillent en cuisine.

Vivre la cuisine autrement

Pour ceux qui cherchent à évoler vers un modèle à emporter, le concept de restaurant virtuel présente un intérêt indéniable, les ventes à emporter ou les commandes placées à l’avance apportant une source de revenus complémentaire pour couvrir les coûts de l’établissement physique. 

L’équipe du restaurant Le Fitzgerald à Paris* a par exemple récemment ouvert une dark kitchen sous le concept Fitzgerald To Go, qui permet de commander en livraison ou à emporter. Antoine Roussier, Directeur d’exploitation, explique ce choix : « Il nous a semblé essentiel de proposer notre offre culinaire autrement pour continuer à créer, innover, développer notre empreinte et garder le contact avec nos clients. Notre dark kitchen complète nos concepts déjà existants mais n’a pas été créé par dépit. C’est une nouvelle approche, un autre moyen de partager nos créations de manière plus confidentielle, avec des clients qui souhaitent conserver leurs habitudes culinaires au maximum, découvrir notre cuisine via un autre canal. 

D’où l’importance d’utiliser des outils numériques adaptés pour nous accompagner dans la gestion quotidienne. Ils nous permettent de regrouper les demandes émises par tous nos clients, nouveaux ou habitués, les habitants du quartier, ou même des clients qui n’auraient jamais poussé notre porte en temps normal. Ces plateformes et notre propre e-shop nous permettent aujourd’hui de consolider, fidéliser et enrichir notre base de clients, et forgent désormais la base des nouveaux métiers de l’hôtellerie-restauration. 

Nous avons plus évolué en un an que nous ne l'aurions fait en 10 dans un contexte normal. Ces changements sont structurels car ils répondent à de nouveaux modes de consommation qui s'inscrivent dans le temps. C’est pourquoi nous envisageons de consolider notre position dans le domaine et projetons d’ouvrir plusieurs autres dark kitchens rapidement".

Moins de contraintes, plus d’autonomie

Au-delà d’un modèle par dépit, les dark kitchens sont surtout l’opportunité pour les chefs de faire une place de choix à la créativité et à l’audace. 

Mais les frais de service élevés et la crainte d’une relative complexité opérationnelle préoccupent toujours les intéressés. Les plateformes ont un vrai rôle à jouer puisqu’elles représentent un nouveau point de contact entre clients et restaurateurs ; en réunissant dans une interface unique la gestion des commandes et des stocks, la comptabilité ou encore le management, elles font gagner un temps précieux et facilitent la transmission des informations entre membres de l’équipe, qui gagnent ainsi en autonomie, en efficacité et en réactivité.

Habitudes bouleversées et opportunités

Aujourd’hui 40% des français revendiquent le choix des points de contacts (achat en ligne, click & collect) ;  parmi eux, ¼ a pris goût à savourer la cuisine du restaurant à la maison, et 52% des répondants à l’échelle européenne continueront de commander à emporter ou à se faire livrer, même après la réouverture des restaurants.

Ce modèle permet aussi d’anticiper la cristallisation de certaines attitudes sociales et habitudes de consommation : 33% des Français sont sensibles à la distanciation des tables. Entre capacités d’accueil réduites et envies de liberté, les dark kitchens répondent à un changement de comportement pérenne, tout en maintenant le contact avec les clients qui ne pourraient ou ne voudraient plus venir en salle.

Garder le lien avec les fidèles, attirer les clients qui n’oseraient pas entrer dans des établissements prisés ou prestigieux, populariser la découverte culinaire : les dark kitchens remplissent une nouvelle mission et assument un positionnement propre dans l’environnement gastronomique.

Les ouvertures de dark kitchens se multiplient dans les grandes métropoles et représentent déjà des millions d’euros. En quelques mois, les restaurateurs ont opéré un changement structurel vers une autre conception de l’identité culinaire, avec de nouveau moyens d’interagir. Les clients, qui attendent tous de retrouver le chemin des restaurants d’une manière ou d’une autre, comptent bien profiter de ce choix. La digitalisation des outils dans la restauration cristallise ces évolutions et représente un levier essentiel pour l’économie du secteur.