Marché du bricolage : contre l'escalade des prix, le choix de l'accélération digitale

Confrontées à des révisions de prix aussi brusques qu'imprévisibles, les enseignes ne peuvent plus se permettre de naviguer à vue. Mais sont-elles pour autant contraintes de rogner leurs marges ?

5 à 10 % d’inflation en un an dans le secteur du bricolage. Flambée spectaculaire de l’énergie et des métaux. Pénurie de matériaux de construction. Face au défi de la hausse des prix, les enseignes indépendantes sont soumises à une pression constante non seulement de la part de leurs fournisseurs, mais aussi de leur clientèle avec une cote d’amour en baisse.

Après deux ans de lune de miel, le secteur est confronté à un tassement. La fluctuation des prix, à l’origine de l’essor de l’étiquette électronique il y a quinze ans, revient sur le devant de la scène, soulevant de nombreuses questions dans la mesure où toutes les enseignes n’ont pas eu le réflexe d’intégrer ces fondamentaux, à l’instar de grands groupes comme Castorama, Leroy Merlin ou L’Entrepôt du Bricolage. Frilosité budgétaire ? Freins technologiques ? Faible prise de conscience des nouveaux enjeux ? Toujours est-il que les prévisions inflationnistes actuelles nécessitent plus que jamais une réactivité en temps réel qui ne se fasse pas au détriment des collaborateurs ou du gonflement de la masse salariale, et, par contrecoup de la relation client.

Trop de magasins continuent d’utiliser des étiquettes papier, certes moins onéreuses à court terme, mais clairement limitées sur le plan humain et opérationnel. Le risque est critique pour les indépendants qui n’ont pas encore pris le tournant du numérique. Dans quelle mesure la volatilité des prix creuse-t-elle davantage la fracture entre les enseignes, plus que jamais sous le coup de l’épée de Damoclès des contrôles ? Ayant réussi à créer une relation de proximité avec leur clientèle, les magasins ne craignent pas une baisse de la consommation. Le vrai débat est ailleurs : comment éviter de naviguer à vue dans un contexte d’incertitude parti pour durer?

La fluctuation des prix bouscule un marché déjà sous tension

Les changements de prix affectent en France les plus de 1 500 magasins toujours équipés en étiquettes papier, soit près d’un tiers du chiffre d’affaires du secteur. Sur une année, cela représente un manque à gagner de dizaines de milliers d’euros. Non seulement parce que les enseignes n’auront pas pu maintenir leur marge, mais aussi parce qu’elles n’auront pas pu changer leurs prix à temps. Contrairement à certains de leurs concurrents qui n’ont pas attendu la pandémie pour opérer leur transformation digitale en intégrant de nouvelles fonctionnalités innovantes à leurs étiquettes électroniques (géolocalisation, aide à la mise en rayon ou au picking pour le drive...) afin d’enrichir toujours plus l’expérience client.

Les enseignes pour professionnels sont loin d’être épargnées. La plupart ont ouvert des magasins libre-service pour diversifier leur clientèle et accueillir des semi-pros ou des particuliers, ce qui les oblige à afficher également leurs prix TTC. Elles doivent donc s’appuyer sur des technologies pérennes, économes et durables comme la communication optique sans fil. Objectif : gagner en réactivité et en fiabilité pour pouvoir suivre les fluctuations des prix et s’aligner sur la concurrence. Sauf que le coût d’investissement perçu à court terme est bien réel. Alors que se passerait-il si l’une de ces enseignes décidait de ne pas jouer le jeu ?

Les enseignes de bricolage face au défi de la hausse des prix

Prenons le cas de Daniel, entrepreneur, qui dirige un magasin de bricolage spécialisé en région Grand Est et dont la majorité des achats se fait via une centrale. Il a 15 salariés. Son magasin fait près de 1 000 mètres carrés. Toutes les semaines, ce chef d’entreprise reçoit des appels de ses fournisseurs ou des instructions de sa centrale d’achat lui disant qu’ils vont devoir lui appliquer des hausses tarifaires. Concrètement, cela signifie pour ses équipes qu’elles vont devoir effectuer 500 à 2 000 changements de prix manuellement, puis placer les étiquettes en rayon. Pour ce type d’opération, il faut compter a minima deux à quatre jours, voire six.

Et à peine la semaine écoulée, les mêmes fournisseurs vont lui annoncer de nouvelles augmentations. C’est sans fin. Sans parler du risque d’erreurs induit par une pose d’étiquettes à la hâte, et qui pourrait s’avérer fatal en cas de contrôle de la DGCCRF. En plus, cela risque de peser sur les marges de Daniel, qui, s’il répercute cette hausse trop tard, vendra ses articles vendu à un prix qui ne correspondra plus au prix d’achat.

Pour éviter d’avoir à gérer cette complexité, notre entrepreneur peut être tenté d’anticiper les hausses à venir sur certains articles et augmenter d’emblée de 15% plutôt que de 5 ou 10. Mais ce faisant, il va rentrer dans une dynamique plus inflationniste encore.

Une tentation à éviter : rogner ses marges pour remporter la guerre des prix

La demande des consommateurs risque d'être étouffée par l’inflation. L’augmentation de leur facture énergétique grignote leur budget discrétionnaire. Les enseignes vont devoir arbitrer : augmenter leurs prix, ou rogner sur leurs marges. La concurrence entre retailers est à couteaux tirés. Certains vont probablement faire le pari du prix coûtant pour augmenter leur part de marché.

Mais cette stratégie ne peut fonctionner qu’à condition de ne pas voir les coûts salariaux plombés par l’énorme demande en main-d’œuvre que représente la pose massive d’étiquettes papier. Ceux qui pourront mener ce type d’opération offensive dans un contexte globalement défensif en ressortiront probablement gagnants, mais pas si elles doivent le faire au péril des conditions de travail de leurs employés et de la relation client. Rappelons que grâce aux étiquettes électroniques, la recherche du produit en rayon est passée d’une moyenne de 50 secondes à moins de 5 secondes, permettant de se concentrer sur l’accueil, le conseil et la préparation de commandes.

Flexibilité, réactivité et intégrité doivent rester au cœur des pratiques

Une autre solution pour les distributeurs pourrait consister tout simplement à communiquer sur des prix bas pour certains produits d’appel, mais se laisser de la marge de manœuvre sur d’autres produits. En d’autres termes, avoir a minima des paniers d’achat constants, baisser les prix là où cela ne se voit pas et répercuter la hausse là où ça se voit. Or, pour ce faire, il faut avoir la possibilité de changer rapidement ses étiquettes prix. Flexibilité, réactivité et intégrité doivent, par conséquent, rester au cœur des pratiques. Il est parfaitement compréhensible que les enseignes, notamment indépendantes, soient réticentes à investir dans un contexte où elles ne savent pas ce que seront leur marges. Mais si elles misent sur ces technologies de communication optique déjà appliquées au secteur alimentaire et dont la fiabilité, la performance et la réactivité ont été éprouvées dans des industries aussi exigeantes que l’aéronautique ou le médical, elles auront à terme une meilleure marge.

Naviguer à vue, contraints et forcés, dans un contexte d’incertitude ? Oui. Mais que ce ne soit pas au détriment de la pensée long terme. Car il ne faudrait pas qu’une nouvelle fracture se crée et s’intensifie entre les chaînes intégrées et les indépendants, avec pour principaux gagnants les intégrés en raison de leur avance sur leur transformation digitale. Avant, on pouvait survivre sans étiquettes. Aujourd’hui, c’est devenu clairement impossible, tous distributeurs confondus. Et il convient d’y remédier au plus vite et dans des conditions qui soient profitables à tout le monde.