Le reconditionné, un business moins écolo qu'il n'en a l'air

Le reconditionné, un business moins écolo qu'il n'en a l'air Les ventes de produits reconditionnés se sont envolées en France. Mais deux smartphones réhabilités sur trois vendus dans l'Hexagone sont importés depuis l'étranger.

Avec près de 3 millions de smartphones reconditionnés vendus en France en 2021, un chiffre en hausse de 20% sur un an, l'Hexagone est devenu un terrain de choix pour les acteurs de la filière et un marché estimé à 700 millions d'euros (pour 14% des ventes annuelles de smartphones en volume). A l'heure de l'inflation galopante et de la pénurie de composants électroniques, le reconditionné continue à faire recette : "C'est une activité mineure par rapport au cœur de métier du groupe Fnac Darty, mais qui affiche une croissance à deux chiffres", se félicite Martin Aunos, la directrice seconde vie de Fnac Darty. Une bonne nouvelle pour la planète ? Oui… mais peut mieux faire.

Des smartphones sourcés à l'étranger

"En France, chaque année 1 million de téléphones sont collectés et près de 3 millions se vendent, donc une part du reconditionné écoulé dans l'Hexagone vient de l'étranger", détaille Augustin Becquet, le PDG de Recommerce, un sous-traitant spécialisé dans les solutions de reprise pour des acteurs comme Bouygues, Amazon ou encore Samsung. Le marché du reconditionné en France fait donc la part belle aux importations. "Certains acteurs du reconditionné ont un business modèle qui consiste à acheter des lots et des produits sur des marchés excédentaires et subventionnés comme le Japon, les Etats-Unis ou l'Australie, où les consommateurs ont des forfaits à 100 dollars et récupèrent donc un nouveau mobile tous les 24 mois. Puis, il les revendent sur les marchés français et européens", explique Augustin Becquet. Recommerce, de son côté, privilégie plutôt le sourcing de produits en local. Frédérick Baby-Marinpouy, à la tête d'Expodispo.fr, une plateforme de revente de modèles d'exposition explique que "les flux du reconditionné se sont taris avec la pandémie et la pénurie de matières premières".

Pour améliorer le marché du reconditionné, l'entreprise souhaite que plus de pièces détachées soient disponibles pour que les produits deviennent plus faciles et moins chers à réparer. "Nous reprenons 600 000 produits par an sur 7 000 références, explique Augustin Becquet, il y a certains produits que nous ne pouvons pas réparer car les pièces détachées ne sont pas disponibles. Au recyclage, il y a peu de récupération car les composants sont mélangés et l'extraction des matières devient alors complexe. En ayant des pièces détachées génériques sur ces produits nous arriverions à faire descendre les prix", poursuit-il. Si d'un point de vue écologique, importer des produits du continent américain ou asiatique pour les revendre en Europe est discutable, la démarche reste en partie vertueuse pour le PDG de Recommerce, car "il n'y a pas d'extraction de nouvelle matière". Augustin Becquet est devenu partie prenante d'Eurefas, une association pour défendre les intérêts des acteurs du reconditionné au niveau européen. Les membres de l'association signent une charte dans laquelle ils s'engagent à favoriser une économie circulaire.

Une solution locale possible

"Chez Fnac Darty, nous nous concentrons sur des produits plutôt issus de notre écosystème, reconditionnés par un de nos quatre ateliers en France ou avec nos partenaires en circuit local, a contrario d'un marché du reconditionné qui est très sourcé aux Etats-Unis", remarque aussi Martin Aunos. Le reconditionné chez Fnac Darty occupe une quarantaine de salariés adossés au SAV du groupe qui représente lui plusieurs milliers de personnes. "Nous reprenons par exemple les PS4 via YesYes à Caen et nous les revendons ensuite. Notre objectif est de boucler la boucle". D'après le baromètre Recommerce Kantar, seuls 27% des Français ont déjà revendu leur mobile d'occasion. Les autres les gardent en réserve en cas de besoin ou éviter que leurs données soient piratées, ou le donnent à un proche. "Il existe un réservoir de reprise en France, note Augustin Becquet, le PDG de Recommerce. Les smartphones sont principalement réutilisés dans le cercle familial ou amical, et une grande partie atterrit dans les tiroirs. La personne ne va ensuite l'utiliser que 2 ou 3 jours vu qu'il ne sera plus à jour technologiquement le jour où il en aura besoin. Il faut donc les inciter à les revendre", poursuit-il. Et une fois ce pari réussi, la mission écologique du reconditionné sera parfaitement atteinte.