Fournisseurs et distributeurs : quels sont les échanges d'information possibles ?

Les fournisseurs qui vendent directement leurs produits ou services sur Internet se trouvent souvent en situation de concurrence avec d'autres distributeurs à qui ils fournissent leurs produits.

Avec le fort développement des ventes en ligne, les fournisseurs qui vendent directement leurs produits ou leurs services sur Internet se trouvent souvent en situation de concurrence avec les distributeurs à qui ils fournissent leurs produits ou services par ailleurs. Des lignes directrices publiées le 28 juin 2022 sont venues apporter des précisions bienvenues quant à la nature des informations sensibles qu’ils peuvent échanger entre eux au regard du droit de la concurrence et du risque de qualification d’entente.

Partant du double constat d’un développement de la distribution duale – et notamment avec les ventes en ligne – et d’un encadrement insuffisant de la concurrence horizontale entre le fournisseur présent sur le marché aval sur lequel sont déjà actifs ses distributeurs, le règlement d’exemption par catégorie applicable aux accords verticaux n°2022/720 du 10 mai 2022 est venu préciser quelques points sur la double distribution, et notamment sur le partage d’informations entre le fournisseur et ses distributeurs lorsque ce premier vend des biens ou des services non seulement en amont à ses distributeurs indépendants, mais aussi en aval.

Zone dangereuse

Cette situation interpelle forcément puisque c’est un jeu d’équilibriste auquel le fournisseur doit se livrer : concilier son besoin d’obtenir de ses distributeurs des remontées d’informations sur le marché afin de pouvoir améliorer la production et la distribution des biens et services, tout en se gardant de solliciter des informations stratégiques, confidentielles, précises et actuelles, afin d’éviter toute qualification d’entente.

Si le règlement 2022/720 indique désormais que les échanges d’informations ne bénéficient d’une exemption que "lorsque l’échange d’informations est à la fois directement lié à la mise en œuvre de l’accord vertical et nécessaire pour améliorer la production ou la distribution", c’est dans les lignes directrices sur les restrictions verticales du 28 juin 2022 que le fournisseur devra se reporter pour avoir un éclairage sur cette formulation. Elles proposent des listes non exhaustives d’exemples d’informations, pouvant selon les circonstances, bénéficier de l’exemption, ou à l’inverse, qui n’en bénéficieraient pas.

Des clarifications nécessaires

Ainsi, pourraient bénéficier de l’exemption :

  1. les informations techniques relatives aux biens ou services contractuels,
  2. les informations logistiques relatives à la production et à la distribution des biens ou services contractuels telles que celles relatives à l’inventaire ou aux stocks,
  3. dans une certaine mesure, les informations relatives aux achats par les clients des biens ou services contractuels telles que les préférences client, les retour d’informations client, pour autant qu’elles soient nécessaires pour permettre au fournisseur ou à l’acheteur de satisfaire aux exigences d’un utilisateur final particulier, ou pour accorder à l’utilisateur final des conditions particulières, ou pour fournir des services de prévente ou des services d’après-vente, ou encore pour mettre en œuvre ou contrôler le respect d’un accord de distribution sélective ou d’un accord de distribution exclusive, 
  4. les informations relatives aux prix de vente par le fournisseur à l’acheteur,
  5. dans une certaine mesure, les informations relatives aux prix de vente conseillés ou maximaux du fournisseur pour autant qu’elles ne soient pas relatives aux prix futurs auxquels le fournisseur et/ou l’acheteur a l’intention de vendre,
  6. dans une certaine mesure, les informations relatives à la commercialisation des biens ou services contractuels telles que les campagnes de promotion ou informations sur les nouveaux biens ou services et
  7. les informations relatives à l’exécution du contrat comme celles agrégées par le fournisseur s’agissant des activités de marketing et de vente d’autres acheteurs, pour autant que cela ne permette pas à l’acheter d’identifier les activités des de certaines acheteurs concurrents.

A l’inverse, ne bénéficierait pas de l’exemption :

  1. les informations sur les prix futurs du fournisseur ou de l’acheteur
  2. dans une certaine mesure, les informations détaillées permettant d’identifier les utilisateurs finals,
  3. les informations relatives aux biens vendus par un acheteur sous sa propre marque.

Des questions en suspens

Si ces listes ont le mérite de présenter différentes typologies d’informations et leur caractère sensible, elles présentent néanmoins l’écueil de ne pas offrir aux acteurs sur le marché une sécurité suffisante. Aussi, ils ne pourront se dispenser d’une analyse au cas par cas dont la conclusion dépendra aussi du système de distribution mis en place.

Enfin, si la problématique de l’échange d’information dans le cadre de la double distribution est maintenant abordée, on peut regretter que ni le règlement ni les lignes directrices sur les restrictions verticales abordent d’autres problématiques liées à la distribution duale comme celle de la libre concurrence sur le marché aval qui peut être mise à mal par l’obligation de loyauté d’un fournisseur à l’égard de son distributeur. Qu’en sera-t-il lorsqu’un distributeur sollicitera une indemnisation à son fournisseur qui aura réussi à attirer la clientèle séduite par des achats directement auprès du fournisseur ?