Les initiatives pour pallier la fin des prospectus papier

Les initiatives pour pallier la fin des prospectus papier Des distributeurs comme Leclerc et Monoprix ont déjà annoncé qu'ils ne distribueraient plus de catalogues en papier. Les solutions digitales prennent le relais que ce soit pour fidéliser ou acquérir de nouveaux clients.

Leclerc ne distribuera plus de catalogues papier dans les boîtes aux lettres à partir de septembre 2023. Cora France fait de même depuis le 10 janvier 2023 et Monoprix depuis 2019. "Nous avons aussi réduit puis arrêté nos impressions en magasin fin 2021. Il y avait pour nous un enjeu environnemental et sociétal. Nous avons préféré développer une plateforme digitale avec des offres personnalisées pour être au plus près du client", explique Sandrine Sainson, directrice expérience client de Monoprix. En parallèle, le ministère de la Transition écologique a lancé depuis septembre 2022 et pour trois ans l'expérimentation Oui Pub : dans 14 collectivités territoriales françaises, les consommateurs qui souhaitent recevoir des prospectus doivent apposer un autocollant Oui Pub sur leurs boîtes aux lettres, a contrario du dispositif Stop Pub qui donne la possibilité depuis 2004 de refuser les publicités.

Un climat favorable au digital

Pour Laurent Landel, le CEO de Bonial France, une application proposant les catalogues et promotions des enseignes géolocalisés, "Oui Pub est inévitable car il y a une forte pression des consommateurs. Les préoccupations des Français sont l'environnement et le pouvoir d'achat. Le problème du prospectus papier est que 80% de ceux qui sont imprimés ne sont jamais ouverts, le meilleur déchet est celui que nous ne produisons pas". Le spécialiste du retail Olivier Dauvers a fait les comptes en décembre 2022 à Libourne, qui fait partie des zones d'expérimentation Oui Pub. Seules 15% des boîtes aux lettres affichaient l'autocollant, 33% dans certains quartiers, ce qui est encore trop peu pour que la diffusion de prospectus papier reste rentable.

Ce contexte encourage les alternatives digitales, 66% des distributeurs se disent prêts à la généralisation d'un Oui Pub à l'échelle nationale, d'après une étude menée par Bonial et LSA auprès de 218 décideurs entre le 19 septembre au 14 octobre 2022. Ils sont 8 sur 10 à souhaiter basculer tout ou partie de leurs budgets papier vers le digital, alors que le prix du papier a presque doublé en 1 an. "Ils ont travaillé leurs plans de transition. Pour atteindre les mêmes taux de lecture que sur le papier, par exemple pour 100 000 catalogues distribués avoir 20% de lecteurs, il faut que j'arrive à toucher 20 000 personnes avec mon prospectus digital", juge Laurent Landel. Pour pallier l'absence du catalogue papier, c'est un véritable mix média qui se met en place. "Avec le digital nous touchons beaucoup moins de monde, il faut donc décupler les taux de transformation. De facto, l'ultra personnalisation est très importante", ajoute Romain Charles, CEO de Lucky Cart, une entreprise qui propose des promotions sur les sites marchands et de drive des grandes surfaces alimentaires.

Un catalogue digitalisé

Depuis l'arrêt de la distribution de prospectus papier, Monoprix a fait le plein d'outils : "Nous avons développé notre stack de communications multicanales avec diverses solutions. Nous faisons de l'optimisation continue pour donner accès à nos promotions au plus grand nombre", témoigne Sandrine Sainson. Pour la digitalisation de ses catalogues, Monoprix est passé par RelevanC, une entité du groupe Casino indépendante et spécialisée dans le marketing digital. "Quand nous parlons de digitalisation du catalogue papier, il y a trois solutions : abandonner ce schéma de communication, travailler à l'édition d'un PDF plus ou moins interactif ou reprendre les codes de l'e-commerce avec un produit qui délivre toutes les semaines des promotions en fonction de mon magasin et avec une brique de personnalisation", explique Dine Rabehi, managing director data and digital services de RelevanC.

Les promotions que Monoprix aurait mises en avant dans un catalogue papier sont maintenant disponibles sur le site et l'application de l'enseigne. "Avec les données d'achat, nous tirons un comportement et nous le rattachons à une catégorie de client qui nous permet de personnaliser les promotions en fonction des habitudes de consommation de ce client. A travers notre back office, nous restructurons toutes les données promotionnelles du magasin et nous les mettons à disposition des différents média. Le back office va nourrir l'ensemble des canaux de communication", explique dans le détail Dine Rabehi. La plateforme est déjà en discussion pour proposer ses services à des enseignes qui ne font pas partie du groupe Casino.

Clients fidèles et prospects

Chez Monoprix cette solution de digitalisation permet de toucher d'abord les clients membres du programme de fidélité et utilisant l'application. Les newsletters et les push de notification permettent ensuite d'emmener une autre partie des clients vers le site. Pour les prospects, "nous avons une stratégie média pour porter à leur connaissance les promotions à l'aide des réseaux sociaux et de la programmatique", continue Sandrine Sainson. Pour Laurent Landel, dans le détail, "il y a d'abord les clients fidèles qui sont touchés via WhatsApp ou par mail avec les newsletters. Ensuite des applications comme Bonial permettent d'augmenter le nombre de consommateurs touchés, puis viennent les achats média sur Meta, Google, en PQR, de l'affichage ou de la radio. Le digital amène des contacts qualifiés".

Un ciblage plus fin grâce à l'IA

Là où le catalogue papier était diffusé à grande échelle, les solutions digitales apportent de la précision et de la personnalisation. "Les distributeurs vont nous confier des budgets pour intéresser des consommateurs à leur offre sur une dizaine de jours. Sur Facebook, l'algorithme a besoin de temps pour cibler correctement alors qu'une promotion ne dure pas. Nous faisons du temps réel, nous comprenons ce que les consommateurs veulent. Nous savons quelles sont les offres intéressantes en fonction du contexte, de la météo, nous adaptons les offres que nous poussons", explique Laurent Landel.

Chez Lucky Cart ce sont les données de 20 milliards de tickets de caisse qui sont exploitées : "Nous les nettoyons avec nos algorithmes et nous arrivons ensuite à faire le lien entre un identifiant de connexion et un précédent achat pour pousser des promotions. Nous nous intégrons sur les sites et les applications des retailers pour communiquer en temps réel avec leurs interlocuteurs. Nous poussons des campagnes personnalisées et des bannières sur les sites de nos clients", indique Romain Charles.

Le bon message au bon moment

La plateforme Notify s'est spécialisée dans l'envoi du bon message au bon moment sur le bon canal. Pour son directeur général Ous Ouzzani, "les activations sont devenues du bruit blanc pour les clients. S'il n'y a pas de dialogue, au bout de 3 ans, le client est supprimé de la base de données. L'enseigne va devoir acquérir à nouveau, ce qui coûte plus cher que de la fidélisation, un client qu'elle avait déjà initialement dans sa base de données". Notify agrège des données sur les taux de clics, d'ouvertures, les données de navigation des consommateurs afin de connaître la disponibilité du client. "Nous les croisons avec des données open data comme la météo. Notre algorithme va déterminer le bon endroit, le bon moment et le bon canal pour communiquer avec un client", explique Ous Ouzzani. Avec Notify le message n'est pas envoyé à toute la base en même temps mais la plateforme prédit le moment de la semaine où le client sera le plus disposé à le recevoir et sur le bon canal. Tout comme il y a un enjeu à limiter la diffusion de catalogues papier, "il y a aussi un enjeu RSE à limiter le nombre des envois numériques", conclut Ous Ouzzani.