Marc Schillaci (Oxatis) "Oxatis va encore gagner en modularité"

La plate-forme de création d'e-boutiques clé en main compte sur les 4 millions d'euros qu'elle vient de lever pour enrichir sa solution, cibler les PME et prendre le pas sur ePages en Europe de l'Ouest.

JDN. Vous venez de boucler un tour de table de 4 millions d'euros auprès de Crédit Agricole Private Equity et de A Plus Finance. Qu'allez-vous en faire ?

Marc Schillaci. Notre premier axe d'investissement fort est la R&D. Nous devons encore mieux intégrer notre solution dans l'écosystème de l'e-commerçant. Celui-ci devient de plus en plus complexe : les processus de paiement, les calculs de port et la gestion de catalogue sont complexes, il est nécessaire de proposer des connecteurs avec les ERP, de permettre une présence sur les réseaux sociaux... Il nous faut intégrer tous ces aspects tout en maintenant sa facilité d'usage. Composée de 7 personnes aujourd'hui, l'équipe de R&D aura doublé d'ici 3 ans.

Nous allons aussi continuer à nous développer commercialement. Nous avons 300 revendeurs en France, qui assurent 28 % de notre chiffre d'affaires, contre moins de 5 % en 2007. Nous voulons les faire monter en compétences. Avant, nous nous adressions beaucoup aux TPE. Maintenant que notre solution concerne aussi les PME, nous voulons former les revendeurs sur ces offres.

Vous allez aussi pouvoir asseoir vos ambitions européennes...

L'Europe est en effet l'autre axe de notre développement. Nous souhaitons progresser encore pour atteindre le point d'inflexion en Italie et en Espagne, où nous sommes déjà présents.

Nous avons aussi beaucoup de projets pour le Royaume-Uni. C'est un marché très mature mais explosé. Il n'y a pas un leader comme en France, mais de nombreuses solutions e-commerce disposant d'un millier de clients environ. De plus, les solutions y sont moins belles technologiquement qu'en France. Notre approche là-bas sera donc plus marketing, afin de mieux faire valoir Oxatis. Pour gagner du temps, nous passerons par une acquisition, qui interviendra dans les 12 mois qui viennent. Nous examinons déjà plusieurs dossiers. Les acteurs britanniques de notre secteur ont pour la plupart investi dans leur positionnement commercial mais interrompu leur R&D. Ce sont donc des cibles intéressantes.

"Au Royaume-Uni, pour gagner du temps, nous ferons une acquisition dans les 12 prochains mois"

En Allemagne en revanche, l'Allemand ePages, notre concurrent européen, est très dominant. Lorsque nous nous affrontons en Espagne, nous sommes à égalité. Mais nous n'irons sur le marché allemand que de façon opportuniste.

Prévoyez-vous des acquisitions en France ?

Si nous en réalisons, elles ne concerneront pas des petits concurrents qui nous apporteraient 200 ou 300 clients. Nous les aurions de toutes façons acquis en quelques mois et en outre, il est compliqué de faire changer de technologie à un client. Il s'agirait donc plutôt d'acquérir des technologies qui enrichiraient nos solutions, par exemple sur le calcul de ROI. Nous n'examinons aucun dossier en particulier, mais nous en recevons toutes les semaines.

Vous visez dorénavant des clients plus gros que les TPE.  Quel travail sur votre solution cela demande-t-il ?

On ne propose pas le produit de la même façon aux TPE et aux PME. Certes, nous avions pour clients des entreprises d'assez grande taille qui utilisaient notre solution pour TPE, car elle est solide et dispose d'une véritable profondeur fonctionnelle. Mais nous avons jugé utile de mieux la packager et de lui apporter des fonctions spécifiques aux besoins des PME. Ainsi, elle comprend des connecteurs avec des systèmes beaucoup plus complexes que ceux qu'utilisent les TPE : SAP, Microsoft Dynamics, AS/400...

Vous adresser à des entreprises de plus grande taille vous oblige-t-il à développer la modularité de votre offre, à la manière des solutions open source ?

S'il existe encore beaucoup d'entreprises qui programment leur site marchand, c'est parce que les plates-formes e-commerce sont encore pauvres en modularité. C'est notre devoir d'augmenter le niveau de paramétrage et la profondeur fonctionnelle de notre offre. Mais dans le cas des solutions libres, pouvoir tout modifier a pour conséquence immédiate que les clients ne peuvent plus profiter des évolutions de la solution. Par exemple, un marchand met en place la gestion multilingue et dans un deuxième temps le connecteur Paypal Express Check-out. Problème : ces deux briques, développées indépendamment l'une de l'autre, ne sont pas compatibles. Tandis que chez nous, si. Et dès que nous sortons une nouvelle fonctionnalité, le client peut en bénéficier.

"En 2013, 40 % des sites marchands seront full SAAS"

Comment voyez-vous l'avenir du marché ?

En France aujourd'hui, entre 10 000 et 15 000 sites utilisent des solutions e-commerce SAAS comme la nôtre, ce qui représente 15 à 20 % des 65 000 sites marchands du pays. Je suis sûr que les petits marchands n'ont pas besoin de coder leur site. Il nous faut leur apporter plus de fonctionnalités, pour couvrir plus de cas. Il va se passer avec la vente en ligne ce qu'il s'est passé il y a 20 ans avec la comptabilité d'entreprise. Avant, chaque entreprise faisait développer sa comptabilité. Depuis, elles utilisent Sage, EBP, etc. En 2013, 90 % des sites marchands utiliseront du SAAS, autrement dit des solutions comme Oxatis, BazaarVoice... Et 40 % seront "full SAAS", y compris sur la structure de leur site.

Qui sont vos concurrents ?

Tout le monde est concurrent de tout le monde, même si nos solutions sont différentes. Le business model de notre plus gros concurrent, ePages, me semble toutefois avoir un défaut : il ne commercialise pas ses produits en direct. Quand il arrive sur un marché, disons l'Espagne, cela lui apporte d'abord un avantage, puisqu'il passe des partenariats avec des opérateurs télécoms ou des hébergeurs qui lui paient une licence : la première année, son chiffre d'affaires est meilleur que celui d'Oxatis qui, au début, ne vend en direct qu'à 200 clients. Mais au bout de 3, 4 ou 5 ans, l'avantage se renverse. Mes clients sont mes clients, et non les clients de mes clients. Par exemple, nous connaissons le comportement d'achat des consommateurs, ce que nous pouvons faire valoir auprès de nos clients qui ne peuvent se payer les services d'un 1000mercis.

Espérez-vous que cette levée de fonds vous permette de distancer définitivement vos concurrents français ?

Nos autres concurrents sont plus petits, or il existe une très importante prime au leader. Ils peuvent bien entendu continuer de se développer, mais convaincre un banquier est plus difficile quand on est numéro 3 ou 4 du marché. Ceci dit, nos concurrents sont très bons. Si PowerBoutique n'était pas si bon, notre produit ne serait pas aussi bon non plus.

Quel est votre chiffre d'affaires ?

Sur l'exercice clôturé fin juin 2010, nous réaliserons entre 3 et 3,5 millions d'euros de chiffre d'affaires, soit 50 % de croissance environ. Notre clientèle augmente de 35 % par an et notre revenu par client augmente également.

Marc Schillaci est étudiant à Paris en 1981 lorsqu'il développe et vend le premier logiciel de planification pour PC : Plan IT. A partir de 1984, il dirige sa société de services, DFL. En 1997, il part en Californie fonder Ebz.com, plateforme de vente en ligne destinée aux PME qui compte environ 15000 clients. En 2001, il cède sa société et rentre à Marseille créer Oxatis.