Stéphane Setbon (MyFab.com) "Nous visons des ventes US au même niveau qu'en France dès 2010"

Le site de fabrication à la demande MyFab.com vient de s'implanter aux Etats-Unis. Son PDG détaille sa stratégie et ses ambitions.

 

JDN. Vous avez lancé MyFab.com aux Etats-Unis fin février. Etes-vous armés pour attaquer le plus grand marché e-commerce du monde ?

Stéphane Setbon. L'e-commerce américain est déjà mature, les consommateurs ont dépassé toutes les craintes portant sur l'achat en ligne. De plus, le marché de la vente en ligne de meubles dépasse là-bas le milliard de dollars. Contrairement aux Français, les Américains n'ont pas d'état d'âme à acheter en ligne cette catégorie de produits.

En outre, aux Etats-Unis, où les consommateurs sont plutôt friands de meubles rustiques, nous travaillons sur la niche que constitue le meuble européen, plus design. En dehors d'Ikea, qui l'a démocratisé, très peu d'acteurs se partagent le segment. Or dès que l'on monte un peu en gamme, les prix sont astronomiques. En Europe, le meuble design contemporain tel que nous le proposons représente 80 % du marché, contre 10 % environ aux Etats-Unis. Bref nous avons une offre de niche, mais vu la taille du marché, c'est une niche géante.

Par quelles actions allez-vous vous y faire une place ?

Une dizaine d'articles de presse importants, dans Forbes ou Yahoo notamment, ont assuré le démarrage. Beaucoup de blogs ont déjà commencé à parler de nous, or les Américains, très attentifs aux nouveautés, les consultent beaucoup. Le bouche-à-oreille fonctionne bien aux Etats-Unis. Plus récemment, nous avons commencé à faire un peu de publicité sur les canaux traditionnels, comme Google. Nous allons maintenant ouvrir tous les canaux. Le mois prochain, nous commencerons l'affiliation et nous ferons référencer par les comparateurs de prix.

"Vendre du vêtement nous paraît facile à mettre en œuvre"

Nous prévoyons de plus de conclure plusieurs partenariats. Nous négocions avec des portails et des acteurs médias pour le marketing online, mais aussi avec des retailers offline, qui n'ont par exemple pas la possibilité d'aller faire fabriquer leurs produits en Chine. Nous réalisons déjà 10 à 15 % de notre chiffre d'affaires en BtoB - nos clients pro sont des retailers mais aussi des restaurants, des discothèques, etc. - et nous allons également développer cette activité aux Etats-Unis.

Quels autres leviers comptez-vous utiliser ?

Nous voulons toucher une clientèle plus large grâce à de nouveaux produits. Vendre du vêtement nous paraît facile à mettre en œuvre : le marché est déjà important et les articles sont beaucoup plus faciles à retourner que les meubles. En France, nous faisons des tests depuis un an et d'ici la fin du mois, nous sortirons une offre un peu plus récurrente. Aux Etats-Unis, nous lancerons cette catégorie de produits vers l'été. Un autre atout est que grâce au travail des grands distributeurs tels que H&M ou Zara, les goûts en matière d'habillement sont désormais assez uniformes entre les Etats-Unis et la France. Nous n'avons donc qu'à procéder à des ajustements sur les différences de tailles.

Quasiment toute l'offre européenne de MyFab est proposée aux Américains. A l'avenir, prévoyez-vous de proposer des produits dédiés au marché US ?

Nous allons essayer avec quelques meubles typiquement américains comme les recliners, ces fauteuils-canapés qui s'inclinent grâce à une manette. En Europe, nous trouvons cela affreux, mais nous allons essayer d'en fabriquer pour les Etats-Unis. Côté vêtements, les Américains ont quelques basiques qu'on trouve moins en Europe. Je pense par exemple aux pantalons beiges de type Dockers, omniprésents chez les employés de bureau. Nous comptons faire des essais de ce type dans l'habillement.

Dans quelles villes vous êtes-vous installé aux Etats-Unis ?

En tant que plus gros port de la côte Ouest, Los Angeles attire plutôt les entreprises logistiques. C'est pour cela par exemple qu'Ikea y est implanté. Pour sa part, San Francisco est plus spécialisée dans l'IT : les profils Internet y sont beaucoup plus présents. Nous avons donc pris les atouts des deux villes : notre plate-forme logistique est à Los Angeles, où les produits arrivent de Chine, mais nos bureaux sont à San Francisco.

"Nous ne savons pas encore si les Américains vont accrocher au modèle de MyFab"

Nous avons aussi des bureaux et un deuxième centre logistique à New York. Les deux-tiers de la population américaine habitant dans le tiers Est du pays, nous avions absolument besoin d'une plate-forme pour livrer cette zone et gérer les retours, qui plus est avec le décalage horaire entre les deux côtes.

Vous avez confié la direction de l'activité nord-américaine à Kara Parsons, ex-directrice marketing de Macys.com. En quoi consiste son job ?

D'une part Kara est responsable de la logistique. Elle travaille sur la fiabilité des processus, afin que les produits arrivent à la bonne heure chez les clients. D'autre part elle s'occupe du marketing online : elle développe les canaux et les partenariats pour s'assurer que les gens visitent le site. Au siège, à Shanghai, nous nous chargeons de l'offre et de la fidélisation.

Quels sont vos objectifs sur le marché américain ?

Nous souhaitons que fin 2010, les ventes réalisées aux Etats-Unis soient au même niveau qu'en France. Le démarrage est très encourageant, mais nous n'avons encore aucun moyen de savoir si les Américains vont accrocher au modèle de MyFab. Ce qui joue en notre faveur, c'est qu'ils sont des fanas du deal, des bonnes affaires. Et ce sont certes des gens pressés mais sur notre créneau, Ikea mis à part, nos 3 mois de délais de livraison sont plutôt plus courts que chez nos concurrents.

Depuis l'ouverture de MyFab en 2008, nous avons enregistré 120 000 clients, la plupart arrivés en 2009. Grâce en particulier aux Etats-Unis, nous comptons atteindre 500 000 clients à la fin de cette année. Aujourd'hui nous sommes présents en France, en Allemagne, au Luxembourg et en Belgique, aux Etats-Unis et dans un mois nous ouvrons au Royaume-Uni. Nous avons commencé par les principaux pays de l'e-commerce.

Allez-vous poursuivre votre expansion internationale ?

"En Chine, il est très facile de doubler sa capacité de production en deux semaines seulement"

Oui. La deuxième vague d'ouvertures comprendra cette année l'Autriche - qui sera lancée depuis l'Allemagne - et le Canada - depuis les Etats-Unis -, l'Australie début 2011, la Chine en 2011 et ensuite toute la plate-forme Asie : Taiwan, la Corée du Sud et le Japon. L'objectif est d'ouvrir un pays tous les trois mois.

Si nous pouvons nous étendre si vite, c'est d'une part parce que nous voulons vendre les mêmes produits dans tous les pays, à la manière d'Ikea ou de Renault, et d'autre part parce qu'en Chine, où se situent nos usines, il est très facile de doubler sa capacité de production en deux semaines seulement.

Quels sont vos autres relais de croissance ?

Nous allons pouvoir élargir encore notre offre. Nous allons prochainement sonder nos clients sur les appareils de sport et plus largement sur les produits de loisirs. Nous avons eu de bons retours sur les babyfoots et allons enchaîner avec les billards. Nous avons aussi essayé les bijoux.

Ce qui marche bien et qui correspond parfaitement à notre modèle, c'est toutes les catégories "pas transparentes". Par exemple, un meuble en bois peut valoir 30 fois le prix du bois sorti d'usine. Pour un bijou en or, ce rapport est plus proche de 50 ou 60. Le cas extrême est celui du parfum, 100 fois plus cher que la matière qui le compose, flacon mis à part. Nous n'irons toutefois pas sur ce dernier segment, car il est bien trop difficile de se battre contre ces marques. Toujours est-il que ce phénomène touche beaucoup de secteurs et que beaucoup nous intéressent.