Nos goûts sont-ils solubles dans les algorithmes ?

La nouvelle étude BETC Havas, consacrée à notre rapport au divertissement, vient de sortir. Elle fait le point sur notre rapport complexe aux sources « d’entertainment », ces flux qui ont progressivement envahi notre quotidien et commencent à nous déborder. Tant d’heures passées à regarder des images, écouter des programmes, qui finissent par nous questionner sur leur sens et leur apport dans nos vies.

En France, seules 15% des personnes interrogées considèrent que les propositions faites par les algorithmes influencent leurs choix (pour les contenus musicaux, vidéos etc.) alors que les Chinois sont 50% à le reconnaître. Serait-ce notre légendaire libre-arbitre français qui s’exprime à travers ce chiffre ?
Serait-ce que les gens ne souhaitent pas, au pays de Molière, que les divertissements culturels puissent être issus des recommandations d’une machine ? Tout cela est déclaratif. 

Un surprenant paradoxe

80% des programmes que nous regardons sur Netflix sont issus des recommandations des algorithmes, basées sur nos choix précédents. De même, près de 40% des écoutes sur les plateformes de streaming se font aujourd’hui via des playlists, c’est-à-dire sans un choix précis des morceaux de la part des auditeurs… Et pourtant, seuls 15% des Français déclarent que les algorithmes les influencent dans leur choix ! Il y a comme un hiatus, non ?

Avouez, si vous écoutez de la musique régulièrement, qu’il vous est bien souvent arrivé de vous laisser bercer par le flot continu et « subi » de contenus recommandés par la machine. Ce sentiment d’être conduit sur des chemins familiers, balisés, rassurants, avec juste de temps en temps une petite pointe d’inattendu. Des propositions toujours plutôt agréables puisque correspondant bien à vos goûts. Point d’aventure, point de découverte saisissante, un flux, parfois un peu tiède mais qu’on aime bien. 

Alors, oui, lorsqu’on nous pose la question, on n’a pas envie du tout de dire qu’on aime in petto ces propositions subies, ces écoutes et visionnages un peu résignés et, en public, on rejette l’algorithme… qui pourtant nous a nourri. Cet écart énorme entre les comportements et le déclaratif semble être un paradoxe auquel nous allons devoir faire face de façon croissante dans le marketing. Les options, loin d’être si mauvaises, proposées par la data, peuvent être considérées comme peu valorisantes par les utilisateurs. 

Vers la fin annoncée des algorithmes de recommandations ?
Bien sûr que non. Je crois plutôt que les algorithmes auront simplement besoin de bonnes agences. Je trouve par exemple qu’Apple Music a une approche intéressante dans la mise en avant de ses playlists, issues d’algorithmes.
D’une part dans leur description, qui aide à valoriser la pertinence de la personnalisation des sélections (un « interlude musical pour vous détendre, fait sur mesure » « une sélection toute fraîche concoctée spécialement pour vous ») et surtout par leur rythme, qui n’est pas sans rappeler celle d’un bon programme relationnel. Les playlists hebdomadaires sont poussées sous la forme d’une programmation, comme des rendez-vous réguliers. 

Mon rendez-vous du vendredi est un « Mix Découvertes » quand j’ai l’esprit libéré de la semaine de travail, et le « Mix Chill » du dimanche revient à un moment plus propice à l’abandon… Ces choix issus de la data n’ont ainsi pas tout à fait la même saveur qu’un simple flux. Parce qu’ils sont simplement mieux éditorialisés et valorisent l’auditeur que je suis dans ses goûts.

Dans un monde où il ne sera pas question de se passer des algorithmes de recommandation -dont la pertinence ne va cesser de s’améliorer- notre métier va consister à apprendre à toujours mieux les valoriser pour aider les gens à mieux les apprécier. C’est une réflexion que Netflix devrait mener, me semble-t-il.

Si j’en crois les résultats de notre étude BETC digital X Index -baromètre qui mesure la perception de l’expérience des marques par leurs utilisateurs- alors que Netflix trône en troisième place du classement en France, elle est déjà reléguée à la 27ème place aux Etats-Unis, où elle pourrait bien devenir une « commodité », un flux de contenus pléthoriques banalisé, faute d’être suffisamment valorisé…
Pour ne pas s’y noyer, il est grand temps de redonner du sens aux flux qui nous inondent.