Les forces de vente peuvent-elles toujours générer des revenus ?

Réduire les pertes d'une entreprise de façon contre-intuitive, en regardant si les Ventes et le Marketing (pourtant dédiés à la création de CA) performent réellement. Bienvenue au Sales Enablement.

Etonnant paradoxe. Comment deux fonctions à priori complémentaires, ayant comme but commun de maximiser les ventes, pourraient-elles être source de pertes financières pour l'entreprise ? Comment peuvent-elles aller à l’encontre de ce but commun, et finir par être parfois dangereusement inefficaces ? Beaucoup de raisons à cela. 

Leur rivalité est notoire, chacune cherchant à s’attribuer les raisons d’un succès commercial et à défendre son pré carré autant que ses ressources budgétaires. Puis dans la réalité, leurs équipes se heurtent à des obstacles pratiques gênant leur bon fonctionnement. A la racine du problème, on trouve des différences fondamentales de méthode et d’approche, qui génèrent souvent frictions et incompréhensions.

EN CAUSE, DES APPROCHES DIFFERENTES

Il est courant en effet que les équipes commerciales soient incapables de savoir si elles utilisent les informations les plus récentes, ignorent où celles-ci sont stockées, quelle documentation nouvelle a été créée. Elles tendent alors à fabriquer leur propre contenu en adaptant l’ancien, pas forcément avec bonheur. Tandis que les équipes Marketing ne peuvent que déplorer le très mauvais usage que les commerciaux font de leur production. Selon les sources, entre 60 et 70% du contenu marketing n’est jamais utilisé ; il est créé en pure perte.

Les deux équipes finissent par travailler avec des informations provenant de multiples plateformes internes de gestion de contenu et de CRM, sans moyen simple d’assurer un suivi des clients ni de mesurer leur succès. Ni de faire remonter du terrain du renseignement susceptible d’offrir de nouvelles opportunités commerciales.

Il devient alors impossible d’identifier les contenus qui stimulent le plus les ventes. Et par conséquent, de déterminer les budgets, le temps nécessaires pour développer de nouvelles ressources pour le marketing. Ses équipes devraient à minima savoir comment le contenu qu’elles créent, les campagnes qu’elles conçoivent génèrent des revenus pour l’entreprise. Rendons à César…

De leur côté, confrontés à des directives insuffisantes, les commerciaux se retrouvent à exécuter des scénarios de vente de toute façon obsolètes. Alors qu’ils auraient besoin d'une formation continue sur ce qu’ils doivent promouvoir, basée sur les données et non sur l'intuition. Une meilleure coordination leur permettrait de connaître et de partager les bonnes pratiques et les scénarios de vente les plus efficaces, et de comprendre à leur tour leur impact réel sur le cycle de vente.

Enfin, l’entreprise se retrouve incapable de recruter ni de former rapidement une équipe afin de la rendre opérationnelle immédiatement, ni d’apporter une formation de base régulière, indispensable à la mise en œuvre des initiatives stratégiques. Et les commerciaux, frustrés de ne pouvoir atteindre leurs objectifs, s’en vont.

EVITER UN LENT DESASTRE

Voilà qui ressemble à un scénario catastrophe où mauvaises décisions et actions contradictoires s’enchaînent, aboutissant à un lent désastre. Mais cette suite implacable, pourtant trop souvent vécue, aide à mieux comprendre en quoi l’alignement entre les deux fonctions devient un enjeu stratégique. 

Ce qui est loin d’être anodin. Les entreprises ayant pu réaliser cette adéquation entre leurs équipes Ventes et Marketing se montrent 67% plus efficaces pour conclure des contrats et 58% plus aptes à fidéliser leurs clients. Elles appliquent ce que l’on appelle le Sales Enablement, autrement dit : la mise en capacité des équipes de vente à réaliser leur plein potentiel. 

Cette approche, théorisée il y a une dizaine d’années aux Etats-Unis, assure que les fonctions commerciales et marketing travaillent de conserve, améliore la mesure de l’efficience des contenus utilisés, garantit leur bonne adoption par les commerciaux, et permet de les former sur les nouvelles offres et la façon de les présenter. Pas question ici cependant de pressions accrues bien inutiles : il s’agit juste d’inviter les gens à mieux travailler ensemble, de façon plus fluide et plus cohérente.

Ce processus stratégique continu qui connaît un développement rapide s'avère être un atout puissant pour les entreprises qui le mettent en œuvre. Selon le G2, 76% des entreprises voient leurs ventes augmenter de 6 % à 20 % après l’avoir adopté. Il consiste à apporter aux équipes de vente le contenu, les directives, la formation et l'encadrement dont elles ont besoin pour interagir efficacement avec les acheteurs (lire : tous les décisionnaires impliqués) et pouvoir transmettre en retour des informations précieuses aux équipes marketing. 

MIEUX COMPRENDRE LES ACHETEURS SUR LE TERRAIN

Cette façon nouvelle de concevoir le cycle de vente fait de plus en plus d’émules en Europe, où elle a trouvé un vrai écho depuis la pandémie. A ce moment-là en effet, les commerciaux ont assisté à un changement dans leur façon de vendre et d’interagir avec leurs clients. Avec le passage au distanciel et l’avènement du numérique, le parcours de l'acheteur a évolué. Il est devenu plus complexe, avec des processus plus nombreux, de nouvelles mentalités et façons de travailler. D’autres générations ont pris le pouvoir, sont devenues décisionnaires, avec leurs références et leurs propres préférences en ce qui concerne leurs modes d’interaction avec les commerciaux. Au grand dam de ces derniers. 

Même s’il est plus convivial, le face-à-face n'a pas toujours la cote. Il fait "perdre du temps" et convient mieux désormais aux dernières étapes d’un deal – et encore. Le relationnel a changé. Mais nombre de commerciaux ne se sentent pas à l’aise avec un mode d’interaction numérique…

Aujourd’hui, les vendeurs ne viennent plus simplement présenter leur offre. Une grande majorité des prospects effectue des recherches en ligne en amont sur ce dont il sera question au premier rendez-vous. Il est impératif que les commerciaux soient préparés à répondre à leurs attentes et aux questions concrètes qui leur seront posées, et viennent avec des solutions à des problématiques qu’ils se doivent d’avoir bien comprises par avance.

Il faut pour cela les équiper, les former, les encadrer, afin de leur donner les moyens d'aller en temps réel à la rencontre des acheteurs avec les bons argumentaires, tout en restant en ligne avec les objectifs commerciaux de leur entreprise. Sous peine pour ces dernières de voir leur performance commerciale et leur chiffre d’affaires se dégrader, et de perdre aussi bien la confiance des acheteurs que leur position sur le marché.

Elles seront bien avisées de s’intéresser aux processus visant à accroître et enrichir les échanges avec les acheteurs. Cela doit passer par une remise à plat de leurs activités marketing – liées à la création de contenu – et celles qui concernent les ventes – liées à la génération de revenus. 

Rationaliser la collaboration entre les Ventes et le Marketing pour garantir des taux de réussite commerciale élevés ; réduire les frais généraux, la déperdition de temps, le taux d’attrition des équipes ; améliorer l’expérience client et les retours-terrain. Voilà le triptyque qui pourrait être la priorité managériale des mois qui viennent.