DMA et Google Business Profile : comment démêler le vrai du faux ?

Depuis quelques mois, des rumeurs circulent à propos des impacts éventuels du Digital Market Act (DMA) de la Commission européenne, sur l'affichage de Google Maps : Partoo vous livre son point de vue.

Quel lien entre le DMA et Google Business Profile ?

Depuis quelques mois, des rumeurs circulent à propos des impacts éventuels du Digital Market Act (DMA) de la Commission Européenne, sur l’affichage de Google Maps et des fiches Google My Business - aujourd’hui appelé Google Business Profile.

Tout a commencé avec la parution le 21/11/2022 d’une tribune dans le Journal du Net (JDN) intitulée “Mars 2024 ou la fin du positionnement dominant de Google My Business” : cet article prévoyait en effet une “diminution de la visibilité de Google My Business de 90 à 95% en Mars 2024”. Cette affirmation ne s’appuie cependant sur aucun élément concret. Ce contenu a ensuite été relayé par différentes sociétés ayant intérêt à tirer des conclusions hâtives sur le sujet. 

Malgré tout, la question de l’impact du DMA sur Google Business Profile reste ouverte.

La société Partoo propose à plus de 200 000 points de vente (commerçants et enseignes à réseaux) des solutions de store-locators et de Presence Management, c’est à dire de diffusion d’informations locales sur différents annuaires (Google, Facebook, Apple Plan, Waze, Here…). Par conséquent, la fin de l’hégémonie de Google Business Profile serait plutôt une bonne nouvelle pour son activité. Cependant, face à l’inquiétude grandissante de certains annonceurs, l’entreprise Partoo a décidé de clarifier les impacts éventuels du DMA sur Google Business Profile.

En particulier, Partoo a fait appel aux services de Maître Jules de Perthuis, avocat spécialisé en matière de nouvelles technologies.

Qu'est ce que le Digital Marketing Act ?

Pour donner un peu de contexte, le Digital Market Act (DMA) est une loi européenne visant à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles des GAFAs et autres sociétés technologiques. Cette loi inclut notamment de très nombreuses obligations comme la facilité de désinstallation des applications, le consentement des utilisateurs sur la récolte des données ainsi que diverses interdictions comme celle d'imposer des logiciels à l'installation d'un système d'exploitation.

C'est donc une loi extrêmement vaste qui va potentiellement impacter Spotify, Booking, Zalando, Facebook, l'App Store ou encore Google Shopping. Paradoxalement cette loi ne fait jamais référence à Google Maps ou Google My Business en particulier. Et encore moins à la disparition du "local pack", les trois résultats locaux qui apparaissent parfois dans Google Search.

L’interdiction "d’auto-préférence"

L’impact anticipé du Digital Market Act sur Google Business Profile est déduit de l’article 6.5 du DMA qui reste cependant assez vague sur son périmètre d’application : 

"Le contrôleur d’accès n’accorde pas, en matière de classement ainsi que pour l’indexation et l’exploration qui y sont liées, un traitement plus favorable aux services et produits proposés par le contrôleur d’accès lui-même qu’aux services ou produits similaires d’un tiers. Le contrôleur d’accès applique des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires à ce classement."

D’une analyse plus approfondie des impacts du DMA, deux points nous semblent importants à souligner.

Une négociation sur les 3 prochaines années

D'une part, si des mises en conformité étaient nécessaires de la part de Google, elles seraient soumises à négociations ultérieures avec la Commission Européenne, pour une mise en application effective dans environ 2 ou 3 ans, soit vers 2025 ou 2026.

Selon Maître Jules de Perthuis, “l’interdiction « d’auto-préférence » mentionnée par la tribune du 21/11/2022 n’est pas directement applicable au jour de l’entrée en vigueur du DMA mais soumise à négociations ultérieures entre Google et la Commission Européenne.” 

Aujourd'hui, il est impossible de déterminer la nature et le périmètre exact des obligations nouvelles qui seront mises à la charge de Google pour l’exploitation des services Google Business Profile. “Il est parfaitement inexact d’affirmer que l’entrée en vigueur du DMA entraînera le déréférencement automatique des services « Google Business Profile » à l'horizon 2024” explique Maître de Perthuis.  

Une mise en application du règlement du 20 juin 2019 

D’autre part, dans l’attente des nouvelles règles issues de la négociation à venir, le DMA renvoie expressément aux lignes directrices prises en application du Règlement européen du 20 juin 2019, applicables en Europe en matière de “classement” des résultats de recherches 

En matière de classement des résultats de recherche (Google vs. les services de tiers), le DMA précise que les lignes directrices, édictées en application du règlement du 20 juin 2019 de la Commission Européenne, peuvent servir de référentiel pour respecter l’interdiction “d’auto-préférence” du DMA.

En d’autres termes, dans l’attente des nouvelles règles issues des négociations à venir entre Google et la Commission européenne, le DMA renvoie à des principes déjà en vigueur depuis plusieurs années pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne (comme Google Business Profile). 

Il est donc fort probable que Google soit déjà en conformité avec ces obligations ou, du moins, que les écarts entre les obligations du Règlement du 20 juin 2019 et celles du DMA post négociations ne soient pas significatifs.

Un impact à relativiser

Ces deux éléments permettent de relativiser certaines conclusions hâtives sur différents aspects, notamment : 

  1. Sur le périmètre d’action du DMA, puisque rien ne prouve que Google Business Profile ne soit pas déjà en conformité avec les règles édictées par le DMA.
  2. Sur la temporalité, puisque Mars 2024 ne correspond en aucun cas à la “fin du positionnement de Google Maps” mais au début des négociations éventuelles avec la Commission Européenne - qui devraient durer entre 2 et 3 ans.
  3. Sur l'impact en lui-même des éventuelles mises en conformité, les négociations n’ayant pas encore débuté !

De manière générale, il est important de rappeler que le rôle de la Commission Européenne est de mettre en place des législations dans l'intérêt des concitoyens. Par conséquent, il est douteux d’affirmer qu’elle mettra terme à Google Business Profile, un outil consulté près de 800 milliards de fois par an par des citoyens français et qui a donc déjà prouvé son utilité dans le quotidien de millions d’internautes.

Affaire à suivre.