Nouvelles extensions : quel bilan après la Norvège ?

Le Conseil d'administration de l'Icann, le régulateur de l'Internet, vient de dédier une de ses réunions à la question des nouvelles extensions. Alors, cette ouverture du premier niveau du Web annoncée depuis juin 2008 va-t-elle enfin voir le jour ?

Bruxelles, juin 2010. Le Conseil d'administration de l'Icann tape du poing sur la table. Son président, Peter Dengate Thrush est clair : les retards engrangés sur le programme de création des nouvelles extensions Internet, ça suffit !
 
Trondheim (Norvège), les 24 et 25 septembre derniers. Afin de sortir enfin du statu quo, le Conseil consacre une réunion entière à la question. Le but : permettre la finalisation du "manuel du candidat". Ce "Applicant Guidebook (AG)" comme l'appellent les américains, contient les règles que devra suivre tout candidat à la création d'une extension.
 
Quatre versions de travail ont déjà été publiées, la première remontant au 24 octobre 2008. Or ce n'est qu'une fois la version définitive sortie que le programme des extensions peut être lancé. A l'issue de sa réunion norvégienne, le Conseil de l'Icann a donc fait plusieurs déclarations visant à rendre possible la rédaction de cette version finale du manuel.
 
Spécialistes du lobbying 
Mais qu'est-ce qui bloque ? Depuis l'annonce de ce programme en 2008, les pros et les antis pratiquent le lobbying tout azimut pour faire avancer leur cause. Des actions axées sur de problèmes considérés comme bloquants, comme la protection des droits juridiques face au déploiement d'un grand nombre de nouvelles extensions. Il s'agit, par exemple, de ne pas obliger les propriétaires de marques à déposer des noms de domaine équivalents dans chacune des nouvelles extensions.
 
En Norvège, le Conseil est revenu sur cette question. L'URS, ce dispositif parfois surnommé "UDRP light" doit permettre d'agir contre un nom de domaine contrefaisant une marque. Certaines de ses modalités vont être revues pour rendre la procédure plus rapide et permettre ainsi à ces détenteurs de marques qui se verraient lésés par le dépôt d'un nom de domaine d'obtenir des résultats plus vite.
 
Des frais pour tous 
Autre sujet, celui de la protection accordée aux noms géographiques. Les gouvernements avaient demandé une protection sur tous les noms de ce type, qu'ils apparaissent au niveau de l'extension ou du nom de domaine. Pour empêcher qu'une extension .FRANCE soit demandée, par exemple. Mais également pour bloquer des dépôts comme un WWW.FRANCE.MON-EXTENSION.
 
Le premier cas paraît logique. Qui d'autre que la France pourrait en effet sérieusement être autorisé à revendiquer un .FRANCE ? Mais le deuxième l'est beaucoup moins. Car pourquoi, par exemple, une société ayant déposé son nom en tant qu'extension ne pourrait-elle pas y enregistrer des noms de domaine en fonction des pays où sont implantés ses différentes filiales ?
 
De plus, les gouvernements avaient demandés à être dispensés des frais de procédure s'ils ont à contester l'attribution d'un nom géographique. Leur argument : un gouvernement ne veut pas payer pour récupérer ce qui lui appartient de toute façon, c'est à dire son nom. Voilà qui a semblé bien injuste aux acteurs privés comme les sociétés, qui doivent régulièrement payer pour récupérer un nom de domaine contenant leur marque.
 
En Norvège, le Conseil de l'Icann a fort logiquement refusé l'argumentation des gouvernements et annoncé maintenir la règle les obligeant à payer une procédure de contestation, comme n'importe qui d'autre.
 
Pas casser ! 
Autre question importante, celle du nombre d'extensions qu'il est raisonnablement possible d'ajouter sans casser l'Internet. Le Conseil a répondu : 1 000 par an. Cette limite technique fera donc partie des règles.
 
A noter que depuis quelques mois, l'Icann avait déjà indiqué ne pas pouvoir traiter plus de 1 000 candidatures par an, le travail de validation de ces candidatures étant trop important. Là, il ne s'agit pas de candidatures mais bien d'extensions accordées. Pour illustrer la nuance, l'Icann pourrait recevoir 1 500 demandes d'extensions, mais n'en valider que 750. Dans ce cas, la limite de traitement s'impose - l'équipe de validation de l'Icann mettra un an et demi à traiter tous ces dossiers - mais pas la limite technique.
 
La fin est proche ? 
Des réponses concrètes du Conseil sur plusieurs points, une volonté claire de démarrer le processus prochainement, tout cela plaide en faveur d'un dénouement proche.
 
Un membre du Conseil me l'a d'ailleurs confirmé en privé, après la réunion de Trondheim. Tout en me rappelant que "même si nous avons la ferme intention de rendre définitive la version du manuel qui sera publiée pour décembre 2010, certains grains de sable peuvent encore venir enrayer la machine."
 
Ceux que le Conseil semble redouter le plus sont les gouvernements. Le comité consultatif qui les regroupe au sein de l'Icann (appelé "GAC" pour "Governmental Advisory Committee") a quasiment pouvoir de véto et pourrait prolonger le supplice pour l'ensemble de ceux, candidats potentiels ou non, qui attendent avec impatience l'arrivée des nouveaux espaces de nommage sur Internet.
 
Mais là aussi, l'optimisme est de mise puisque juste avant la réunion de Trondheim, le GAC a envoyé une lettre au Conseil dans laquelle, mais si ce comité fait état de plusieurs points restants à traiter, il affiche son soutient pour le programme des nouvelles extensions.