Les e-commerçants ne peuvent plus continuer à jouer perso !

De plus en plus d’e-marchands refusent de rétribuer des acteurs ayant participé à la vente sans poser le dernier cookie. Une vision à court terme, encouragée par l’illusion de la clairvoyance absolue sur les origines du trafic procurée par les web analytics, qui risque de faire vaciller l’écosystème du e-commerce. Comment faire pour que ceux qui ont participé à déclencher l'acte d'achat soit rémunéré pour leur juste contribution ?

Et si demain, arbitrairement, on décidait que dans les équipes de football, seuls les joueurs qui marquent des buts étaient payés ?
Les autres, les passeurs, les défenseurs, les récupérateurs, etc. ne recevraient que notre considération.
En effet, pourquoi dupliquer les salaires des autres joueurs, puisqu'ils n'auront pas transformé les occasions en but. Inconcevable ?
C'est pourtant une pratique qui se développe dans le secteur du e-commerce à travers la déduplication des commandes. Une démarche qui consiste à attribuer une vente à un seul canal d'acquisition, en général le dernier utilisé, même si plusieurs autres canaux ont également été empruntés par l'acheteur.

Prenons l'exemple typique d'un internaute souhaitant acquérir un produit en ligne.

Il clique sur une bannière publicitaire, se renseigne sur le produit, mais n'effectue pas d'achat. Le lendemain, il revient sur le site marchand via un lien sur les adwords de Google, mais il hésite encore. Ce n'est que le surlendemain qu'il se décide à réaliser son achat après avoir suivi une bannière de retargetting. Qui doit alors être rémunéré pour la vente ? Le dernier clic qui a été déclencheur ou le premier, l'initiateur, sans lequel, peut-être, la vente n'aurait pas été possible ?
 
La déduplication doit prendre en compte un processus d'achat complexe

Ainsi, comment peut-on durablement concevoir un système où tout le monde participe, mais où seuls quelques-uns sont rémunérés ? Si l'on peut comprendre, en théorie, la volonté des e-marchands d'avoir une visibilité maximale sur leurs ventes afin de maîtriser leurs coûts d'acquisition, dans la pratique, on aboutit à une situation qui s'avère contre-productive. La déduplication des commandes s'affiche donc comme une démarche emprunte de rationalité, mais qui peut aboutir à des conclusions trop hâtives.
C'est une vision à court terme qui, au final, alimente une augmentation du coût par clic, et démotive les affiliés qui ont participé à la vente, mais qui n'ont pas laissé le dernier cookie.
C'est aussi une vision illusoire car les e-marchands paient déjà plusieurs fois leurs ventes (en payant Google au CPC) et parce qu'un tel procédé s'inscrit à contre temps de l'évolution des habitudes d'achat. En effet, le nombre de sites consultés avant l'achat augmente au fur et à mesure que le marché devient mature. En France, un internaute visite en moyenne 5 sites avant d'acheter. Et cela devrait encore croître dans les années à venir.
 
Google Analytics s'ouvre à la conversion multi canal
 
Preuve, s'il en faut, de la nécessaire prise en compte de l'approche multi canal, Google vient d'implémenter une nouvelle fonction dans son outil Google Analytics.
Nommée « Entonnoirs de Conversion Multicanaux », elle permet de visualiser simplement le comportement des cyberacheteurs et donc l'apport concret des différentes sources d'acquisition. C'est une évolution fondamentale qui prend enfin en compte la complexité du processus de vente. Elle va permettre de sensibiliser les e-marchands sur ce phénomène, occulté par les précédentes versions de Google Analytics.
Celles-ci ne permettaient qu'un jugement sommaire sur cet aspect, avec pour conséquence, l'appréhension de l'affiliation comme le seul canal pouvant servir de variable d'ajustement.
 
L'affiliation équitable, vers une meilleure répartition du coût d'acquisition

Aussi, si l'on souhaite que l'écosystème, qui a fait le succès du e-commerce de sa création à nos jours, perdure, il va falloir accepter de se pencher sur un système de rémunération plus adapté à la réalité des processus d'achat actuels. L'objectif étant de tendre vers un système d' « affiliation équitable » qui proposerait une répartition de la rémunération selon des critères communs acceptés par tous.
Pourquoi, par exemple, ne pas rémunérer le premier clic, qui servira à qualifier un internaute qui sera retargetté, même si ce n'est que quelques dizaines de centimes du clic ?
Une des pistes sérieuses possibles, consisterait à attribuer une rémunération à la vente un peu moins élevée pour le dernier intervenant, et payer tous les autres acteurs selon un coût au clic, dont le montant serait fixé d'avance.
Quelle que soit la solution retenue, il est nécessaire de trouver un nouveau point d'équilibre où il faudra sans doute payer moins les différents canaux, mais payer tous ceux qui ont participé à la vente. Déclencher un acte d'achat en ligne est et restera un travail collectif.
Comme dans le football, si l'on souhaite que les occasions continuent à se transformer en buts, il parait évident que seul le nombre de joueurs motivés dans l'équipe restera la clé pour gagner les matches !