Google entend limiter la visibilité des noms de domaines « descriptifs »
Le nom de domaine, réservation d’une adresse électronique IP (Internet Protocol) sur internet permettant à une entreprise d’être présente sur le web, est un signe distinctif au même titre que l’enseigne ou le nom commercial.
Le nom de domaine est aussi un point de repère pour le consommateur. Aussi, en pratique, il est nécessaire que le nom de domaine soit attractif pour la clientèle.
Pour être valide, il n’est pas nécessaire que le nom de domaine soit original. Il est parfaitement autorisé (et même recherché dans la pratique) de choisir une expression ou un terme descriptif du contenu du site. En effet, avoir des mots révélateurs de l’activité de l’entreprise dans un nom de domaine permet d’être rapidement trouvé par les consommateurs et peut s’avérer être un atout commercial. Mais les noms de domaines dits « descriptifs » sont de plus en plus menacés, tant par google que juridiquement.
* Google entend limiter la visibilité des noms de domaines « descriptifs »,
c’est à dire composés de mots-clés.
En effet, la société Google estime que les noms de domaines composés de
mots-clés (les Exact Match Domain) sont
de mauvaise qualité.
La société vient de mettre en place un nouvel algorithme visant à réduire leur
visibilité dans les résultats des recherches effectuées sur Google. Qui dit un
référencement moindre, dit un accès moins évident pour les consommateurs. L’intérêt
commercial des noms de domaine descriptif en prendrait un coup.
L’objectif de Google : favoriser les entreprises faisant l’effort de
construire une marque et de la développer contrairement à ceux qui se
contentent d’utiliser des termes descriptifs pour attirer les consommateurs sur
leur site internet.
A ce stade, selon les déclarations de Matt Cutts, responsable chez Google,
cet algorithme ne serait pour l’instant mis en place que pour les noms de
domaine en langue anglaise, aux Etats-Unis. Mais une version française ne
saurait tarder, mettant en danger de nombreux noms de domaine descriptifs.
* Une protection juridique menacée pour les noms de domaines génériques. En outre, le manque de distinctivité du nom de domaine réduit les chances
pour son titulaire d’agir contre un concurrent détenant un nom de domaine
quasiment identique.
Un arrêt récent de la Cour d’appel de Versailles[1]
confirme une jurisprudence constante sur le sujet. L’affaire opposait deux
sociétés spécialisées dans la vente de matelas, sommiers et de literie. La
première exploite un site internet sous le nom de domaine chambres-et-literies.fr.
Elle assigne la deuxième pour exploiter le site chambres-et-literie.com et demande
100.000 euros de réparation au regard de l’atteinte à son image et à sa
notoriété mais aussi de la perte d’impact de son site internet. Elle estime que
son concurrent « parasite » sa clientèle et provoque la confusion
dans l’esprit du consommateur.
La société demanderesse est déboutée, la Cour jugeant que les termes
« chambres-et-literie » « ne
sont que la juxtaposition d’un article et de mots de langage courant, et
évoquent l’objet même de l’activité » de vente de matelas, de sommiers
et de literie. Ainsi, ils n’identifient pas une entreprise spécifique. Peu
importe que « les parties ne vendent
aucun mobilier ou objet de décoration pour la chambre, la literie se rapportant
nécessairement à la chambre dans l’esprit du consommateur ». Selon la
Cour, le nom de domaine est « descriptif
du contenu du site, les termes chambres et literie s’apparentant à des mots
clés ».
Cette décision confirme une jurisprudence constante qui, depuis un arrêt de
2005, considère, au nom de la libre concurrence, que « seul est protégeable un nom de domaine distinctif [2]».
La protection des noms de domaines descriptifs ou génériques est
juridiquement difficile. Du fait de leur faible valeur distinctive, il n’y a
pas d’association directe dans l’esprit du consommateur entre ces termes et une
entreprise. En effet, ils peuvent s’apparenter à des mots clefs et il n’y a
aucune raison pour accorder un monopole à une personne en particulier.
Un nom de domaine doit être par conséquent un minimum distinctif de
l’activité proposée sur le site. Sinon, la réservation ultérieure par un concurrent
d’un nom de domaine similaire ne pourra pas être empêchée. Il convient de préciser
que les extensions des noms de domaines (.fr
ou .com) ne sauraient être prises
en compte pour déterminer si le nom de domaine a un caractère distinctif.
Cette jurisprudence montre encore une fois la fragilité de la protection
des noms de domaine. Les noms de domaines génériques ne semblent alors plus que
protégés par la règle « le premier arrivé, le premier servi ». Seules
des circonstances particulières permettront de voir un concurrent condamné (par
exemple une charte graphique du site accentuant la confusion dans l’esprit du
consommateur).
Ces décisions
nous rappellent aussi l’importance que représente le choix d’un nom de domaine
d’une entreprise. Il faut d’abord évaluer la distinctivité des noms de domaine
envisagés mais aussi étudier les noms de domaine existants dans le secteur
concurrentiel concerné. Avant tout enregistrement, il est également
conseillé de faire une recherche d’antériorité auprès du registre des marques de
l’INPI et du Registre du commerce et des sociétés.
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[1] CA Versailles, 17 juillet 2012, RG n°11/01111
[2] CA Paris,
14è ch. A, 25 mai 2005, SA OGF c/ SA Pompes funèbres de la Ville de Paris,
Juris-Data n° 2005-280879, servicesfuneraires.fr c/ services-funeraires.fr