Pour ne rien oublier du nouveau « droit à l’oubli »

Depuis mai 2014, Google propose aux internautes un formulaire de «droit à l’oubli » et des milliers d’internautes se sont déjà précipités pour adresser leurs demandes. A l’origine de cette initiative, l’arrêt du 13 mai 2014 de la Cour de Justice européenne sur le « droit à l’oubli » peut être salué comme une décision historique.

Mais sa portée doit être relativisée. Au nom du principe de la protection de la vie privée, la directive 95/46/CE a conféré aux ressortissants européens des droits à l'égard des responsables des traitements de leurs données personnelles.
La revendication d’un « droit à l’oubli » a surgi avec la généralisation des usages d’internet. Informations anciennes, inexactes ou privées : le web garde tout en mémoire et chacun se trouve dès lors à la merci d’une image, plus ou moins fidèle, circulant sur internet, qui constitue notre  e-réputation.
Dès 2010 en France, une Charte consacrée au « droit à l’oubli numérique a été rédigée … mais ni Google ni Facebook ne l'ont signée. Trois ans plus tard, la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen a adopté un « Paquet » sur les données personnelles, incluant un droit nouveau pour les citoyens : le droit de demander la suppression de données.

C’est dans ce contexte que la grande chambre de la CJUE a rendu son arrêt du 13 mai en s’appuyant sur la directive 95/46/CE de 1995, un texte européen qui, vingt ans après, fait encore référence en matière de protection des données à caractère personnel.
La Cour a estimé que l’exploitant du moteur de recherche était tenu de supprimer, sur demande, les liens vers des pages web à condition que la démarche soit justifiée.

Pour autant, la Cour ne consacre pas un « droit à l’effacement des données », mais un « droit à la désindexation » par le moteur de recherche. Les liens restent accessibles, notamment à partir du site américain Google.com, à un internaute européen. Par ailleurs, la décision de retrait reste à l’appréciation de Google.
La solution proposée par la Cour reste donc en-deçà de celle du projet de Règlement remplaçant la directive de 1995, qui prône un réel effacement des données, et qui doit être adopté « au plus tard en 2015 » par la France et l’Allemagne. L’entrée en vigueur du Règlement devrait rendre caduque la décision de la Cour, en offrant un droit à l’oubli plus puissant que celui consacré le 13 mai.
La portée de l’arrêt du 13 mai doit être d’autant plus relativisée que le droit à la « désindexation » existait déjà dans plusieurs Etats de l’Union européenne, notamment en France et en Allemagne. Le citoyen américain, en revanche, ne dispose pas d’un tel droit.
Le véritable apport de la décision du 13 mai 2014 est ailleurs.
Il réside dans l’application de la directive de 1995 à Google Inc., société de droit californien.
La Cour de Justice considère en effet que « les activités de l’exploitant du moteur de recherche et celles de son établissement situé dans l’Etat membre concerné sont indissociablement liés ».