Et si la protection des données personnelles représentait une opportunité pour les éditeurs de site web ?

Les éditeurs de site pourraient voir d’un mauvais œil la recommandation de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) les obligeant à donner aux internautes la possibilité de gérer leurs cookies. Mais légiférer dans le sens des utilisateurs ne revient pas à attaquer frontalement les éditeurs de site.

Les objectifs de la loi européenne - et a fortiori ceux de la CNIL - sont clairs : donner une marge de manœuvre aux utilisateurs dans la gestion de leurs données, certes, mais également soutenir le développement de l’économie numérique. Si les deux enjeux peuvent de prime abord sembler contradictoires, comprendre l'ensemble des tenants et aboutissants de la recommandation met en lumière les opportunités qu’une mise en conformité offre, aux internautes comme aux éditeurs de site.

Au cœur de la recommandation se trouve l’obligation d’obtenir le consentement de l’utilisateur, avant le dépôt de cookies.
Définir le consentement n’est pas chose facile, surtout lorsque l’on sait que (dès lors que l’utilisateur a été correctement informé) la poursuite de la navigation vaut pour consentement. La validité du consentement tacite implique deux impératifs de la part de l’éditeur : d’une part, un devoir d’information claire sur le rôle et l’utilité de chaque famille de cookies (webanalyse, publicitaires, sociaux, etc.). D’autre part, la visibilité de ces informations est nécessaire : sous la forme d’un bandeau, visible dès la première page sans action de la part de l’utilisateur et bien distinct du reste du contenu du site. Voilà ce que dit la recommandation. Mais l’idée n’est pas d’alerter l’internaute sinon, au contraire, de lui montrer que l’e-commerçant ne recueille pas ses données dans le but de l’espionner. Aussi la recommandation lutte-t-elle contre une utilisation abusive des cookies et non contre leur utilisation pure et simple : l’utilisateur ne peut pas, par exemple, désactiver les cookies nécessaires au fonctionnement du site.

La CNIL souhaite rendre l’utilisateur conscient et actif et cela semble tout à fait légitime

Cela dit, il faut qu’elle donne aux éditeurs le moyens de reconnaître une solution de gestion des cookies parfaitement en conformité avec ses recommandations. Parmi les solutions existantes, à la commission de préciser lesquelles sont adéquates et pourquoi, avant de sanctionner.
Aux questionnements des éditeurs concernant le contenu de la recommandation s’ajoute la problématique de son champ d’application. En Europe, les réglementations ne sont pas harmonisées; or elles ne s’exportent pas en fonction de la nationalité de l’éditeur : un éditeur français doit donc se conformer à la législation de chaque pays dans lequel il déploie un site web, ce qui le contraint à une alternative : déployer la même solution sur l’ensemble de ses sites internationaux (en sachant que la loi française est particulièrement stricte), ou bien adapter une solution pour chaque site.

La création d’un label, garant de la validité d’une solution, serait d’une grande aide pour les éditeurs.

Car si aucune échéance de mise en conformité n’a été fixée pour l’instant, les éditeurs ont tout intérêt à promptement se conformer à la recommandation, en prévision du moment où la CNIL estimera qu’elle est en droit de sanctionner. Et il ne s’agit pas de voir les exigences de la commission comme un nouveau rapport de force entre utilisateurs “représentés” par la CNIL et éditeurs, mais comme une mise à égalité de tous les acteurs. La loi ne s’en prend pas au marketing digital, la commission étant mieux placée que quiconque pour savoir que la publicité fait vivre les sites au contenu gratuit.
En informant les utilisateurs sur les cookies et leur utilité, il s’agit de montrer que ces fichiers aident aussi à proposer des services dont les internautes sont demandeurs et auxquels ils sont habitués, même inconsciemment. Autrement dit, la récolte des données permet une navigation enrichie qui sert l’utilisateur. Encore faut-il qu’il en soit averti, pour éviter les excès. Les internautes comprennent alors qu’ils peuvent continuer à naviguer comme ils le faisaient avant, mais en connaissance de cause.
Les éditeurs, quant à eux, comprennent que c’est en établissant une relation de confiance avec les internautes que l’économie numérique pourra continuer à croître, dans de bonnes conditions.