Chococookie et Chocococo : marques descriptives et procédure abusive !

Le titulaire des marques "CHOCOCOOKIE" et "CHOCOCOCO" déposées en classe 30 pour viser le café aromatisé doit subir les affres de l'annulation pour défaut de caractère distinctif et se voit également condamné pour procédure abusive, dans des termes qui ne peuvent que susciter l'intérêt.

Le propriétaire de la chaîne de cafés Colombus Café, Wagram Finances, a dû faire face à un contentieux en droit de la propriété intellectuelle engagé par les titulaires de deux marques verbales, "CHOCOCOOKIE" et "CHOCOCOCO", déposées en classe 30 pour viser certains produits alimentaires, en l'occurrence du café aromatisé. 

Les titulaires de ces marques ont en effet considéré que la commercialisation, dans les Colombus Café, de sirops Monin dénommés "Chocolate Cookie", portaient atteinte à leurs droits sur ces marques et ont assigné Wagram Finances pour contrefaçon en lui réclamant de substantiels dommages et intérêts. 

L'affaire partait mal : c'est devant le Président du Tribunal de commerce de Bordeaux que les titulaires des marques ont présenté une requête aux fins de constat, contournant ainsi non seulement les règles relatives à la saisie-contrefaçon, mais surtout celles gouvernant la compétence matérielle des juridictions, puisque le Tribunal de grande instance est seul compétent en matière de marques. L'ordonnance rendue, ainsi que le procès-verbal de constat dressé en exécution, ne pouvaient qu'être annulés.

Sur le fond, l'action en contrefaçon pouvait également apparaître un brin audacieuse, tant les signes "CHOCOCOCO" et "CHOCOCOOKIE", déposés pour viser du café aromatisé, apparaissaient descriptifs de la composition des produits et étaient donc sujets à un fort risque d'annulation pour défaut de caractère distinctif. L'on sait qu'une marque n'est valable que pour autant qu'elle est capable de distinguer des produits ou des services, ce qui implique qu'elle ne décrive pas ce qu'est ce produit ou ce service, ni sa composition, ni ses qualités, etc. L'article L. 711-2 b° du Code de la propriété intellectuelle rend nulle toute marque qui viserait à décrire "une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service". 

En l'état, les noms "CHOCOCOCO" et "CHOCOCOOKIE", qui résultaient de la juxtaposition de termes aisément compréhensibles, "CHOCO" pour chocolat et "COCO" pour noix de coco, "COOKIE" pour... cookie, risquaient fortement l'annulation. Et c'est bien ce qu'il s'est passé, puisque le Tribunal de grande instance de Paris a dénié toute validité à ces marques et, partant, a débouté leurs titulaires de leurs demandes au titre de la contrefaçon (de même qu'au titre de la concurrence déloyale).

Les demandeurs ont toutefois cru devoir interjeter appel du jugement et, devant la Cour d'appel de Paris, nous seulement ils s'exposaient à une confirmation de la solution de première instance, mais ils allaient devoir également faire face à une demande de condamnation pour procédure abusive. Une telle demande est fréquemment formulée, mais rarement obtenue. Il faut, à son soutien, démontrer une réelle intention de nuire ou de tromper la juridiction. C'est alors que le droit d'agir en justice ou d'interjeter appel confinent à l'abus.

En l'espèce, la Cour d'appel de Paris a entendu les demandes de Wagram Finances sur ce fondement et y a fait droit. Après avoir confirmé le jugement au titre de la validité des marques - au motif notamment qu'en appel aucun élément nouveau n'était apporté, elle a également condamné les appelants pour procédure abusive, en retenant l'argumentation suivante :

"Considérant que les appelants, en dépit de la clarté et de la qualité du jugement rendu en première instance, en ont fait appel, ce qui ne peut en soi leur être reproché ; qu'ils ont cependant, à cette occasion, cru devoir augmenter substantiellement (par 6) leur demande indemnitaire chiffrée, et ce, sans apporter la moindre pièce nouvelle en appel ni même faire soutenir oralement leur cause à l'audience, leur conseil ayant choisi de déposer son dossier ; que ces circonstances traduisent une légèreté blâmable caractérisant l'abus du droit d'agir en justice." 

Dans cette affaire, l'abus résulte donc d'une accumulation de travers : un appel interjeté sans élément nouveau, mais avec une augmentation très importante du montant des demandes, sans justification et sans soutenance orale lors des plaidoiries... Voici une décision qui redonne un peu de lettres de noblesse à une pratique que l'on pensait désuète à l'heure de la justice par voie électronique !

Et bien mal en a pris aux titulaires des marques, qui ont été condamnés à payer à l'intimée 3.000 euros pour procédure abusive et 8.500 euros au titre des frais de justice. Cruelle leçon pour un cookie...