Le Productising, le nouveau couple publicitaire et designer industriel

La rencontre de deux cultures créatives : d’un côté les publicitaires qui produisent des opérations immatérielles ponctuelles et divertissantes, de l’autre les designers industriels qui créent des produits physiques, fonctionnels et durables.

"Dans le productising, c’est le produit qui devient le message, c’est une publicité en lui-même" pour citer Georges Mohammed-Chérif, le fondateur de l’agence Buzzman. La forme du productising est arrivée suite à une lassitude et une passivité des consommateurs devant la publicité dite traditionnelle. Son objectif est de valoriser une marque et son image via un produit ou un service différenciant et unique. Au-delà d’un spot de publicité c’est le produit en lui-même qui devient vecteur du message ciblé par l’annonceur.

 

C’est un process qui bouscule : habituellement les publicitaires ont la mission promouvoir une marque et son produit une fois qu’il est commercialisé. Avec le “producting”, ils se placent très en amont, à l’origine du produit innovant qui fera le buzz et qui proposera une expérience inédite tout en incarnant le message de la marque. Il faut alors imaginer la bonne idée, qui communiquera le bon message tout en proposant un usage pertinent et attractif pour le consommateur. C’est à ce moment où le publicitaire rencontre le designer industriel, avec son idée folle sous le bras pour la concrétiser. C’est cette touche de folie qui distingue les meilleures publicités qui nous marquent !

 

Cette liberté créative apporte un souffle de folie aux designers produits parmi des projets dans l’industrie électronique, robotique ou médical. En effet notre process habituel de design industriel nous amène à jongler avec les nombreuses contraintes d’usage, d’ergonomie, technique et marketing de l’entreprise. Ces contraintes sont inhérentes à l’industrialisation des produits, car les investissements en hardware sont lourds avant de pouvoir commercialiser un nouveau produit qui répond à un besoin des usagers.

 

Avec le productising l’objectif premier n’est pas de vendre le produit mais de proposer une expérience nouvelle au consommateur afin de communiquer, de faire le buzz. Le ROI n’est donc pas en termes de marge produit mais en termes de notoriété de l’entreprise. Cela permet, dans un certain sens, de s’affranchir des réalités marketing, techniques et industrielles pour proposer une expérience unique et temporaire (dans un premier temps). Le process est différent et beaucoup plus rapide. Il permet de se concentrer sur l’expérience utilisateur et le message à transmettre. Etant dans une optique de communication, le produit est très vite dévoilé et présenté au public (contrairement à de longues phases de R&D confidentielles avant un lancement commercial classique).

 

Le couple publicitaire / designer devient donc indispensable pour développer en quelques semaines un produit innovant et fonctionnel. Les phases de design : étude d’usage et de recherches créatives (esquisses, ergonomie, maquettes) sont nourries par le pitch des créatifs publicitaires. Pour les projets hardware l’équipe est complété par des ingénieurs en électronique ou autres spécialistes pour arriver à des prototypes ou pré-séries fonctionnels ! Ce qui permet de développer des projets assez fous, comme le masque olfactif Nosulus Rift dévoilé cet été avec Ubisoft dont l’équipe était composée de publicitaires, designers, ingénieurs électroniques, et de parfumeurs.

 

Le plus gros défi est là : donner vie à une idée folle afin de fabriquer le produit en plusieurs exemplaires et le mettre dans les mains du consommateur. Car l’intérêt du productising, selon moi, est aussi cet aspect qui me tient à cœur : “expérimenter”. Les premiers prototypes du produit sont immédiatement mis entre les mains des consommateurs (et journalistes, influenceurs…). C’est d’une certaine manière un living lab et une étude consommateur pour tester les retours des usagers au sein de la campagne de communication.

 

Bien évidemment, il y a toujours le risque de tomber dans le gadget ou l’inutile… mais le fait d’être intégré à une campagne de communication, rend le consommateur plus enclin à tester une expérience événementielle divertissante plutôt qu’à acheter un produit. Inscrit dans la culture du publicitaire, le productising permet de s’affranchir des limites habituelles, cela doit être fun et percutant. Jouer sur l’affect des consommateurs est une des clés de réussite, la bonne humeur est universelle et notre société actuelle à besoin de fun. C’est une valeur que l’on prône dans tous les designs de produit. Au-delà des contraintes incontournables que sont l’ergonomie, la technique, le coût & l’esthétique ; l’affect bienveillant du consommateur pour le produit (et la marque) est primordial. C’est une combinaison d’une bonne expérience utilisateur et d’une identité de marque ajustée.