La deuxième jeunesse de l’affiliation

Face à l’éclosion rapide de multiples canaux d’acquisition, le marketing d’affiliation est trop souvent perçu comme une pratique une peu datée qui se renouvelle peu. Pourtant si elle existe depuis les débuts du e-commerce, il doit y avoir une raison.

L’hiver vient. Il est temps de faire son stock de livres pour les longues soirées qui s’annoncent. Que diriez-vous d’un livre qui vous projette dans l’avenir, tout en vous expliquant le passé et le présent ? Ambitieux, non ? Et je ne suis pas en train de vous parler du dernier roman d’anticipation, mais d’un livre qui ne paie pas de mine, mais se révèle très intéressant. Enfin, très, intéressant, c’est relatif, surtout pour les professionnels du marketing digital, car pour les autres, il n’est pas certain qu’ils soient passionnés. Je lève le suspens, il s’agit de « Performance Partnerships » de Robert Glazer.

Bon, Robert Glazer, ça ne parle à pas grand monde, mais voilà un monsieur qui a fait carrière dans le marketing d’affiliation outre-Atlantique et qui dresse un portrait en trois temps fort instructif de cet univers. Sachant que ce qui se déroule aux États-Unis en matière de e-commerce est très souvent annonciateur des tendances à venir en Europe, lire ce livre n’est pas une perte de temps. Il bouscule quelques idées reçues en les remplaçant par quelques idées fortes, que voici.

1°) L’affiliation n’est pas morte… 

Après plusieurs années de stagnation, le marché de l'affiliation aux Etats-Unis connaît depuis trois ans une forte croissance. Pour preuve, les investissements en affiliation après avoir baissé entre 2008 et 2010, ont plus que doublé entre 2011 et 2016. Et bon nombre de grandes marques, comme DELL, viennent d’annoncer la réouverture de leur programme d'affiliation. Bref, après quelques années moroses, il semblerait qu’un vent de renouveau souffle sur l’affiliation.



2°) ...elle serait même en bonne santé…
Le cabinet Forrester Consulting prévoit pour les années à venir, une poursuite de la croissance d’environ 10% par an pour atteindre près de 7 Mds US$ à l'horizon 2020. 

   3°) …son écosystème est florissant…
Pour Robert Glazer, les raisons de cette évolution très favorable sont de plusieurs ordres. D’abord, une prise en compte de la marque dans les processus d’affiliation. En effet, durant longtemps les considérations autour de la marque n’étaient que peu intégrées dans les métiers de l’affiliation aux États-Unis. Seule la génération de chiffre d’affaires était valorisée. Et les acteurs de l’écosystème ont progressivement pris conscience que cette négligence nuisait à la croissance de la profession.

Ensuite, une meilleure maîtrise des mécanismes d'attribution et des valeurs contributives des sources de trafic. L’arrivée d’outils d'analytique a permis de mieux évaluer les contributions de tous les apporteurs de trafic. Cette vision plus globale a favorisé, après quelques tâtonnements, une meilleure valorisation des apports de chacun y compris, mais pas seulement, parmi les affiliés et d’évacuer des partenaires à plus faible contribution y compris, mais pas seulement, parmi les affiliés !

Autre raison de l’évolution positive de l’affiliation, l’arrivée de nouveaux partenaires est venue enrichir le panel des éditeurs. Les blogueurs, les influenceurs, les acteurs du social media, mais aussi du mobile sont devenus en peu de temps des piliers incontournables de l’univers de la performance. 

4°) …et l’internalisation de l’affiliation est synonyme de croissance…

Mais, selon Robert Glazer, c’est surtout l’internalisation massive de l’affiliation et le recours à des solutions en mode SAAS (marque blanche) qui explique cette croissance nouvelle. Google a longtemps été, aux États-Unis, un acteur important de l’affiliation. Lorsque Google a arrêté cette activité, beaucoup de ses clients, plutôt que de retourner vers une autre plateforme du marché, se sont équipés de solutions en mode SAAS. Nombre d'entre eux ont ainsi considéré que cette modalité leur permettrait de trouver non seulement des économies intéressantes, mais surtout un moyen de s'affranchir de leur dépendance toujours plus forte vis à vis de Google, Facebook voire Amazon.
Par ailleurs, avec le développement de l'internalisation des outils d'affiliation et de gestion de partenariat, sont apparus des nouveaux métiers - agence d'affiliation, formation...- qui ont permis de faire de ces expériences des succès. 

5°) …et de transformation de l'affiliation en partenariat à la performance.

Après s’être équipés d'outils performants, ayant fait évolué leur doctrine en matière de performance et toucher du doigt les limites du modèle d'attribution au dernier clic, les annonceurs ont commencé à mettre en place ce que Robert Glazer appelle les « Partenariats à la performance ».
L'idée est de mieux appréhender les contributions de chacun : plus de trafic pour les uns, plus de nouveaux clients pour les autres, un bon travail de mise avant de la marque et des produits pour d’autres encore... Ces contributions identifiées, le niveau de performance de chacun peut être redéfini en fonction des objectifs qui lui sont attribués. Ensuite, les structures de rémunération sont adaptées, tout en gardant systématiquement une part de pourcentage sur le chiffre d’affaires généré.

Ces « Partenariats à la performance » se révèlent non seulement rentables à court terme, mais permettent de s'affranchir un peu plus de sa dépendance en matière de génération de trafic. En outre, cela permet à l'annonceur de se créer des réseaux de partenaires avec lesquels il peut mieux travailler son territoire de marque et sa politique commerciale.

Où en sommes-nous en France de cette évolution ? Difficile à dire précisément, mais il est certain que l’ensemble des conditions sont réunies pour suivre la même tendance. Et quelques acteurs de l’affiliation, parmi les plus avancés, sont déjà présents sur les chantiers de la modernité : gestion des influenceurs, mise en place de modèles contributifs, mise à disposition de solution d’affiliation en mode SaaS, formation, logistique des flux financiers, etc. Ils construisent ainsi l’ensemble des pièces nécessaires à l’éclosion d’un nouvel l’écosystème. Ils parient sur la force retrouvée des notions de partenaire et de performance, qui sont, rappelons-le, les fondements « historiques » de l’affiliation.