La French retail tech valley résiste encore et toujours à Amazon

Dans le domaine de la distribution, de nouveaux acteurs sont en passe de réinventer des pans entiers de l’activité grâce à la technologie. Et la France est à la pointe de cette révolution de la retailtech.

Dès qu’un secteur d’activité donne naissance à quelques start-up qui se proposent de le digitaliser, il se voit affublé du suffixe "tech" pour désigner ces trublions. L’émergence et le dynamisme de cet écosystème dans notre pays tiennent à quatre facteurs qui s’y trouvent réunis de manière unique. 

Le premier est un vivier rare de talents, où se côtoient des managers qui ont fait leurs armes dans les grandes enseignes nationales, des spécialistes de la technologie qui bénéficient souvent de l’expérience pionnière des adtechs, et des experts de la donnée, issus de l’excellente filière mathématique française. 

Le second facteur est la maturité et la solidité des investisseurs nationaux, capables de comprendre l’intérêt de propositions de valeur novatrices et de soutenir les startups de manière efficace et conséquente. Près de 100 millions ont été investis dans des sociétés retailtech depuis 2 ans. 

Le troisième facteur, ce sont les success stories comme celle de Criteo dans le domaine connexe de l’Adtech. Cette réussite montre qu’il est possible de produire des licornes en France, et un tel précédent décomplexe et encourage tous les acteurs. 

Enfin, le quatrième facteur tient à l’existence dans les domaines de la distribution et de la communication de grands groupes d’envergure internationale.

La France, terre à retailers

La France est un territoire suffisamment riche et vaste pour avoir donné naissance à quelques-uns des leaders mondiaux de la grande distribution comme Carrefour, les enseignes du Groupe Mulliez, etc… et de la distribution spécialisée, mais trop petit néanmoins pour leur permettre de se laisser aller au confort de leur situation. Confrontées à une concurrence acharnée, les enseignes nationales sont poussées à s’internationaliser et à innover sans cesse, et se montrent de ce fait particulièrement réceptives à toutes les idées nouvelles. Ouvertes mais exigeantes, structurées mais agiles, rigoureuses mais pragmatiques, ce sont des partenaires idéaux pour les start-up qui, auprès d’eux, progressent à pas de géant. En France, la compétitivité est particulièrement forte : Amazon y enregistre sa plus faible pénétration d’Europe. La France résiste, et ses enseignes vivent une guerre de tranchée continue. Dans ce cadre, les nouveaux concepts et les nouvelles technologies y sont en terrain favorable.

Ce contexte très favorable a permis l’explosion ces deux dernières années de toute une génération de start-up positionnée en B2B sur le secteur de la distribution. Loin de chercher à disrupter les enseignes, ces retailtechs se proposent au contraire de les aider à réussir leur virage digital. Les distributeurs sont en effet à la croisée des chemins. Ayant pris conscience qu’ils n’avaient guère à gagner à courir après les pure players del’e-commerce, ils se recentrent aujourd’hui sur leurs réseaux de magasins. Mais pour valoriser cet actif qui fait leur force, et continuer à séduire une clientèle dont les attentes évoluent rapidement, il leur faut innover d’urgence.

Dans le domaine de la communication, la dernière révolution remonte à 25 ans avec l’émergence de la carte de fidélité, des coupons, du ticket de cagnotte, et du fameux pensum de Tesco : "every little helps", symbolisant les programmes de fidélité personnalisés. L’enjeu est désormais de créer de nouveaux scénarios digitaux, modernes, qui engagent et font la différence. De l’ère de la dématérialisation et de la personnalisation au client, on rentre dans l’ère de la démultiplication : savoir engager des dispositifs publicitaires digitaux spécifiques à chaque magasin d’une enseigne physique, comme ultime arme contre Amazon.

C’est pourquoi on trouve des retailtechs positionnées tout au long du parcours client. Chacune avec un objectif ultime : permettre de réinventer tout ou partie du métier de retailer grâce à sa technologie. Certaines interviennent en amont, pour digitaliser la communication de proximité et accroître la fréquentation des magasins. D’autres investissent les espaces de vente pour mieux connaître les comportements et augmenter l’expérience d’achat en proposant en temps réel informations, services ou promotions. D’autres enfin s’attachent à suivre le client après sa visite afin de pérenniser et valoriser la relation. Les investissements technologiques à chacune de ces étapes sont variés, complexes, structurants, si bien qu’un directeur marketing nouvelle génération a la lourde tâche de savoir marier ces nouvelles solutions entre elles.

D’autant plus complémentaires qu’elles partagent la même matière première des données clients, recueillies tantôt en ligne, tantôt en magasin, ces différentes briques esquissent un modèle de retail omnicanal, appelé à devenir le standard de l’expérience commerciale de demain. En s’appuyant sur le savoir-faire précurseur des retailtechs nationales, les distributeurs français ont ainsi l’opportunité de basculer dans l’ère digitale et de prendre rapidement une longueur d’avance sur leurs concurrents internationaux. Et de continuer à attirer les gens en magasin !

Dan Gomplewicz & David Baranes, cofondateurs d'Armis