La 5G et le Wi-Fi sont-ils les meilleurs ennemis ?

L’Union européenne est partisane de la 5G. Dans ce cas, pourquoi les députés européens ont-ils adopté, le 17 avril dernier, une norme basée sur le Wi-Fi pour les véhicules connectés, en version 802.11p donc capable de supporter des vitesses dépassant les 200 km/h et des portées de plusieurs centaines de mètres ?

On entend évidemment les arguments du consortium 5G Automotive Association, regroupant plusieurs constructeurs automobiles, équipementiers télécoms et opérateurs mobiles, qui veut promouvoir une technologie récente, la 5G. Mais on écoute également ceux du consortium "Car 2 Car" réunissant un grand nombre de constructeurs et équipementiers automobiles, qui prônent quant à eux l’adoption d’un écosystème mature, le Wi-Fi. Au final, il semble bien que ce dernier réponde aux principaux besoins pour les véhicules connectés européens, dans un calendrier que la 5G ne peut pas respecter. Comme le résume la commissaire européenne aux Transports Violeta Bulc, le Wi-Fi est "une technologie qui a fait ses preuves et qui n’est pratiquement plus brevetée. Il est disponible dès maintenant, facile à mettre en œuvre et bon marché. C’est abordable pour tout le monde".

Ce constat n’enlève rien aux qualités intrinsèques de la 5G nous promettant un saut technologique de performance tant sur les débits, la latence, l’efficience spectrale, la vitesse de déplacement, que sur la densité d’objets connectés. Mais il interpelle au regard de l’offensive marketing de l’industrie de la téléphonie mobile. Oui, la 5G sera un élément essentiel pour les smart cities et l’industrie 4.0. Mais cela ne se fera pas sans une cohabitation intelligente avec les technologies actuelles et en particulier le Wi-Fi qui, version après version et notamment depuis la dernière norme Wi-Fi 6 (802.11ax), s’améliore sur les mêmes critères précédemment listés en s’appuyant en outre sur un parc existant d’objets connectés très conséquent. En effet, plus de 45% du trafic IP mondial transitera en 2019 par un point d’accès Wi-Fi, selon l'étude VNI Mobile de Cisco.

L'atout de la 5G : le HetNets

Les deux technologies ont des zones évidentes de confort, l’outdoor pour la 5G et l’indoor pour le Wi-Fi ainsi que des zones de recouvrement, le choix européen pour la norme C-ITS en étant une illustration. Dans cette compétition, la 5G dispose d’un atout majeur et spécifique, qui, s’il ne permet pas des démonstrations grand public spectaculaires, peut néanmoins s’avérer déterminant pour porter la numérisation des verticaux : le HetNets pour "Heterogeneous Networks". Cette fonction permet à la 5G le support de communications "sans couture" sur les fréquences sous licence (2G, 3G, 4G, 5G) et celles hors licence (Wi-Fi et 5G).

Concrètement cela signifie que les terminaux, véhicules et objets bénéficient en 5G d’un double avantage : en premier lieu d’une connectivité fluide d’un réseau à l’autre et en second lieu d’un débit supérieur par la capacité d’agréger en parallèle plusieurs canaux de communication mixant fréquences exclusives et libres. Ainsi, l’utilisateur ne se souciera plus de savoir sur quels réseaux il doit se connecter et pourra bénéficier de tous les réseaux et ressources disponibles en un point donné.

La 5G et le Wi-Fi vont être en compétition et les équipementiers vont nécessairement offrir des solutions d’interopérabilité impliquant en contrepartie une gestion très complexe des communications sur réseaux hétérogènes. Les opérateurs mobiles seront donc particulièrement bien positionnés auprès des industriels et collectivités pour proposer un service de bout en bout "indoor" et "outdoor" valorisant l’ensemble des réseaux déployés.