Non, les GAFA ne nous dominent pas grâce à leur audience et à leur data !

Spoiler, les GAFA nous dominent car n'importe qui peut leur acheter de la publicité en moins de 5 clics.

Nous, éditeurs, sommes indéniablement dépassés en termes de revenus publicitaires digitaux par les GAFA. C'est un fait, une certitude. Année après année, étude après étude, il faut se rendre à l'évidence, la croissance du marché publicitaire digital profite principalement à Google et Facebook.

A longueur d'alliance publicitaire et data, le marché des éditeurs essaye de gonfler son reach et son offre pour la rendre la plus proche possible des Walled Garden de nos chers concurrents américains.

Mais il faut savoir… Ce n'est pas (uniquement) leur audience et leur data qui font de ces acteurs des concurrents redoutables de nos sites internet de contenus. Ce qui fait réellement leur succès c'est la simplicité avec laquelle tout le monde a accès à l'achat publicitaire sur leurs plateformes. En un mot : leur DSP (Demand Side Platform) est utilisable par un enfant de 6 ans.

Pour être encore plus concret, n'importe quel auto-entrepreneur qui vend des bijoux en ligne, artisan local ou encore gérant d'association peut acheter de la publicité sur Facebook ou Google en moins de 5 clics.

Et pendant ce temps, dans le monde merveilleux des médias digitaux…

Dans le monde des agences et tradings desk, un trader programmatique, s'il veut activer un deal programmatique de type deal ID (la négociation d’un prix d’achat sans volume garanti sur un site ou un réseau de sites géré par un éditeur et intégrant souvent un ciblage particulier) doit réaliser 15 clics minimum (hors trouble shooting).

La photo est peut être légèrement schématique mais c'est une réalité. Plus de la moitié des deals display mis en place entre un éditeur et un trading desk en France ne fonctionnent pas du premier coup (voir ne fonctionnent jamais pour certain). Et de source concordante, les DSP estiment que plus de 80% des problèmes rencontrés sur les deals sont générés côté acheteur. Aux chapitres des erreurs les plus fréquentes on notera les mises à jour de white list, les bids en dessous du tarif fixé, les erreurs de dates de début et de fin, ou encore des problèmes sur les créations… La liste est longue.

Et pourquoi cela ? 

1.     Des équipes insuffisamment formées : c'est un fait, la programmatique a explosé plus vite que la capacité du marché à former les bons profils. Ce monde qui déplace des sommes importantes est principalement géré au quotidien par des juniors dont ce n'est pas le métier. On ne peut pas leur jeter la pierre, entre une solution qui marche facilement du premier coup et une autre qui nécessite 1 semaine d'échange avec le support de la DSP le choix est vite fait. A noter que le niveau de maturité et de formation diffère d’un type de trading desk à l’autre.

2.     L'offre est trop éclatée. Faire le choix de l'inventaire à acheter est déjà extrêmement compliqué avant même de mettre en place le deal

3.     Les DSP sont trop compliquées à utiliser. En moyenne il y a 15 clics à faire pour lancer une campagne contre 5 chez les GAFA

4.     Les systèmes communiquent mal. Entre un acheteur et un diffuseur il peut y avoir : DSP, SSP, mesureur, DCO, first, second ou third party etc. Autant d'acteurs qui prennent une part de la valeur et qui peuvent à leur échelle obstruer ou complexifier l'achat de l'inventaire souhaité.

5.     Personne n'a le temps de faire évoluer les choses. C'est un fait, personne n'a le temps de faire évoluer les méthodes et outils côté acheteur ni côté vendeur. Du coup, statut quo, cela ne fonctionne pas mais on ne change rien.

6.     Enfin, il est quand même plus simple et moins cher pour l’acheteur de procéder en open auction. C'est un fait, acheter en open auction reste globalement plus simple, moins cher et plus rapide pour un trader qui garde le contrôle de A à Z sur ce qu'il fait.

Et maintenant qu’allons-nous faire ?

Le reflexe actuel côté éditeur est de staffer, toujours plus staffer pour trouble shooter. Ainsi on embauche en nombre pour répondre aux problèmes de la machine. Parmi les médias qui ont fait ce choix la réalité actuelle est que très peu d’entre eux en tirent un revenu supérieur à leurs coûts salariaux. Ce n’est donc pas la bonne solution à date.

A priori 2 grandes options s'offrent aux éditeurs :

1.     Arrêter d'insister sur les deals type Prefered et Private et se concentrer uniquement sur l'Open Auction et le Programmatique Garanti. En général cela fonctionne, pour des raisons différentes mais au moins cela fonctionne...

2.     Essayer de faire changer les choses via trois options qui se présentent :

Apporter un plus grand support aux Trading Desk dans la mise en place de leurs deals. Quitte même à les setupper à leur place. Encore faut-il que les trading desk en question soient ouverts à cette solution.

Se rapprocher des DSP pour faire en sorte que nos inventaires soient eux aussi accessibles en 5 clics. Encore faut-il que les DSP souhaitent aller vers plus de simplicité.

Créer, en tant qu’éditeur, des surcouches entre le DSP et le trader pour simplifier l’achat de l’inventaire souhaité. Il faudra être très attentif à l’hypothétique ROI de ce genre de solution.

La deuxième option semble la plus acceptable pour le marché mais il faudrait dans ce cas s'y mettre à plusieurs et rapidement avant que tous les budgets aient basculé ailleurs.

L’internalisation des budgets d’achat programmatique chez certains clients semble aussi être une lueur d’espoir car un client qui veut vraiment acheter un inventaire y met le temps et l’investissement humain nécessaire en général.

A l’ère du Digital Ad Trust, de la transparence et de la montée en puissance du contexte on ne peut pas choisir ses lieux de diffusion en partie par défaut. Une part des budgets des annonceurs est investie sur des plateformes parce que les deals « ça ne marche pas et ça prendrait trop de temps de le faire marcher ».

Au final, une fraction des investissements destinés à une diffusion sur des sites dits premium se retrouvent diffusés sur des réseaux quantitatifs non déterminés ou chez les GAFA. Outre la grande qualité de leurs solutions, ces investissements sont aussi faits par défaut, faute de meilleure solution sur le marché ou par gain de temps (et parfois d’argent pour certains intermédiaires). Cette vision est peut-être schématique mais elle reflète une bonne partie du quotidien des équipes commerciales programmatiques et delivery de nombreux éditeurs de sites internet français.