Le goût, l'odorat, l'ouïe... L'IoT prend tous ces sens

Le goût, l'odorat, l'ouïe... L'IoT prend tous ces sens Augmenter les capacités sensorielles des capteurs IoT permet aux industriels de faire face à la crise en optimisant leurs processus.

Qui a dit qu'un capteur IoT n'avait aucun sens ? Certains appareils s'appuient pleinement sur les capacités sensorielles pour soutenir les industriels dans leurs besoins d'automatisation et accroître leurs performances. Utiliser les cinq sens dans l'IoT n'est pas nouveau (lire notre article Les machines deviennent humaines grâce à ces technos imitant les 5 sens) mais l'intérêt va grandissant depuis la reprise d'activité faisant suite à la crise sanitaire. "La demande pour des interfaces homme-machine (IHM) s'intensifie car les industriels ont besoins d'automatiser leurs processus, observe Anna Pugach, cofondatrice de la start-up bordelaise Touch Sensity, spécialisée dans l'haptique (sens du toucher). Dans la conception de ces IHM, il est pertinent de recourir au biomimétisme, car cette méthode d'ingénierie permet des développements rapides."

Une vision perçante

Parmi les cinq sens, la vue est la plus utilisée dans l'industrie. La raison : "Cet organe est le plus facile à étudier et notre système biologique se révèle à la fois très rapide et très performant", souligne Luca Verre, cofondateur et CEO de la start-up Prophesee, qui commercialise une caméra basée sur la vision humaine qui n'enregistre que le mouvement. Résultat : seuls les événements sont diffusés, économisant l'envoi de données inutiles à visualiser. En se basant sur le fonctionnement d'une rétine artificielle, Prophesee est capable de filmer à 10 000 images par seconde en consommant moins de 10 mW. Dans la logistique, où les besoins d'automatisation s'accélèrent, l'eye-tracking est plébiscité et la vision se développe de plus en plus dans la robotique, "car les clients veulent des interactions plus humaines". Preuve de cet intérêt, Sony s'est associé à Prophesee pour codévelopper deux types de capteurs de vision destinés aux équipements industriels.

Un  toucher délicat

En robotique, pour accroître les performances des machines, Luca Verre observe une nouvelle tendance, celle d'associer à la vue le toucher. Une orientation confirmée par Anna Pugach, chez Touch Sensity, qui a débuté son activité pour donner le sens du toucher aux robots. "L'intérêt est manifeste dans la maintenance prédictive. Les industriels ne peuvent plus se permettre de subir des pannes et avec le toucher, il n'y a plus besoin de placer un capteur dans une zone critique pour détecter une anomalie de manière ponctuelle. Les matériaux indiquent en temps réel s'ils sont endommagés", explique Mehdi El Hafed Pocard, cofondateur de Touch Sensity, qui travaille sur ces sujets dans l'aéronautique. Au-delà de l'industrie, d'autres secteurs peuvent bénéficier du toucher. "Nous avons une carte à jouer dans le textile pour rendre sensible le tissu et récupérer des données sur les mouvements du corps."

Une ouïe fine

Dans les usines, si les robots sont trop sensibles aux ondes, ou que les capteurs sont perturbés dans la géolocalisation indoor par un trop grand nombre d'appareils, l'alternative est celle de l'ouïe, en recourant aux ultrasons. "Cette onde, que l'oreille n'entend pas mais que le corps perçoit, est universelle et on ne peut pas la pirater, des arguments de taille dans l'IoT", met en avant Emmanuel Ruiz, CEO et fondateur de l'entreprise française CopSonic. Toutefois, depuis la reprise d'activité, le secteur dans lequel l'IoT acoustique a le plus d'avantages est le sans contact. Son intérêt ? "Envoyer des ordres à des boutons connectés sans les toucher", comme par exemple dans les ascenseurs.

Le nez creux

Les capteurs analysent les molécules pour déterminer par IA les odeurs. © Microsoft

L'odorat profite lui aussi de la crise sanitaire, en permettant de détecter dans un bâtiment de mauvaises odeurs. La qualité de l'air est devenue en 2021 le troisième usage majeur des capteurs IoT, selon l'étude Révélations IoT 360, présenté en octobre au salon IoT World. C'est d'ailleurs pendant le confinement que Benjamin Cabé, principal program manager chez Microsoft, a développé un nez artificiel avec de l'intelligence artificielle, qui pourrait permettre de nombreuses applications professionnelles en le connectant à un ensemble d'objets via Azure IoT. "Pour avoir un nez artificiel, il suffit d'utiliser plusieurs capteurs de rétro-olfaction dans le hardware (4 capteurs de gaz ont été utilisés). Par contre, pour qu'il fonctionne, l'important est de ne pas négliger l'étape d'apprentissage avec de bonnes bases de données pour que l'IA fasse les corrélations entre les molécules", confie Benjamin Cabé, qui, lui aussi, met en avant la combinaison des sens pour proposer des offres innovantes aux industriels.

Un goût sûr !

La langue artificielle a été développée en 2000. © Sofiane Bensizerara / Alpha MOS

Une position aussi adoptée par Alpha MOS, entreprise française spécialisée dans les solutions d'analyse sensorielle, qui a conçu en premier lieu un nez électronique en 1993 avant de développer un capteur de goût en 2000 avec Astrée, sa langue électronique. Le besoin principal se situe dans l'agroalimentaire. "Les consommateurs changent fréquemment de goût et les industriels ne peuvent pas suivre le rythme de nouveautés en se basant sur des testeurs pour essayer les produits. L'IoT permet grâce à l'analyse sensorielle de réduire par deux les cycles de production", explique Pierre Sbabo, PDG d'Alpha MOS. L'entreprise, qui collabore avec un géant européen de produits laitiers, enregistre une forte demande dans le contrôle qualité. "Les acteurs ont du mal à recruter, ils sont obligés d'automatiser leurs processus et l'IoT y contribue", remarque Pierre Sbabo avant de conclure : "Construire des modèles sensoriels rassure les industriels car cela permet d'obtenir dans les tests des résultats similaires à ceux des collaborateurs, qui resteront toujours à l'étape de vérification dans les usines."