Enedis branche ses métiers sur la 5G

Enedis branche ses métiers sur la 5G Le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité français expérimente six usages en 5G pour améliorer ses performances et accroître la sécurité de ses techniciens.

Chez Enedis, électricité rime désormais avec 5G. Le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité français prévoit de connecter ses métiers avec cette nouvelle technologie cellulaire et a déjà lancé les premières expérimentations. "Le réseau est de plus en plus communiquant, entre les compteurs Linky et les postes électriques bardés de capteurs. Nous avons besoin de monitorer tous les équipements à distance et nous voulons le faire sans fil", explique Emmanuel Villalta, responsable du domaine collecte au pôle Telecom chez Enedis. Cette volonté se concrétise à travers le projet 5G3E (pour Enedis, Explore, Expérimente la 5G, ndlr).

Ce projet de co-innovation a pris forme il y a plus d'un an et demi, lors d'une rencontre à Marseille entre les présidents d'Enedis et d'Orange, alors que l'opérateur présentait l'arrivée de la 5G. En est né un partenariat entre Enedis, Orange, Nokia et Schneider Electric pour expérimenter différents usages, présentés lors du Sido à Paris le 9 novembre dernier. "Pour les définir, nous avons impliqué une douzaine de métiers chez Enedis. Les échanges ont débuté en mars 2020, au moment du confinement, nous avons travaillé à distance pour lister une trentaine d'usages pertinents avec de la 5G, retenu une douzaine et nous en expérimentons six pour en valider l'intérêt", détaille Emmanuel Villalta.

La première expérimentation, propre à Enedis, concerne la télé-action entre producteurs d'énergie : "En cas d'incident sur un tronçon du réseau, Enedis coupe le courant. Si sur ce tronçon des producteurs d'énergie (éoliennes, photovoltaïques, etc.) sont présents, le risque est par exemple qu'un technicien touche un câble en pensant qu'il n'est plus alimenté, alors qu'il l'est toujours. La réglementation nous impose de couper l'arrivée d'énergie en moins de 70 millisecondes par télé-action mais les opérateurs ne peuvent pas le garantir à tout instant de la journée en 4G. Aujourd'hui, nous sommes donc obligés d'avoir une liaison filaire pour cette télé-action. Grâce à une liaison en 5G, cela pourra être fait à tout moment", explique Emmanuel Villalta. Un test en conditions réelles a débuté fin novembre sur le site de R&D Les Renardières d'EDF près de Fontainebleau. "Cet usage en 5G propre au monde électrique est novateur", se réjouit Emmanuel Villalta.

La 5G se mettra aussi au service des techniciens, pour assurer leur sécurité lors des interventions. "Dans le domaine public, ils font parfois face à des situations qu'ils n'ont jamais rencontrées et qui peuvent être dangereuses", souligne Gilles Sabatier, directeur de la co-innovation et des écosystèmes chez Orange. Pour ces opérations atypiques, la 5G intervient au travers de lunettes de réalité augmentée avec commande vocale, leur permettant d'échanger sans latence avec un expert les guidant dans leur intervention. Dix techniciens de la base de Marseille Salengro essaient dans leur quotidien ces lunettes qu'Orange leur a proposées avec son partenaire Xperteye. Les premiers retours sur le son, la réactivité et la qualité d'image sont satisfaisants, aux dires de Gilles Sabatier.

La technologie est aussi utilisée par les techniciens d'intervention spécialisés dans les infrastructures lourdes. Les équipes de Schneider Electric ont développé une plateforme numérique de réalité augmentée : sur celle-ci sont modélisés les équipements en 3D pour leur apporter une assistance. "Par un jumeau numérique, nous permettons aussi aux techniciens de préparer leurs interventions dans l'environnement à venir et de s'entraîner", ajoute Claude Grelier, en charge de déployer les offres de services pour les grands comptes de Schneider Electric.

Un compteur d'électricité 5G

Pour accroître la performance de ses activités, Enedis teste par ailleurs à Marseille un prototype de robot vidéo effectuant des contrôles dans les postes sources – les infrastructures où l'électricité issue du réseau de transport de l'entreprise RTE passe de 63 000 à 20 000 volts. Enedis dispose de 2 300 postes sources, la plupart en zones rurales. "Ce robot fait des rondes autonomes, cela nous permet d'avoir des yeux déportés avec une vidéo en haute définition et en temps réel grâce à la 5G, au lieu de faire des déplacements inutiles", ajoute Emmanuel Villalta.

Les drones sont aussi de la partie pour surveiller les lignes. Une expérimentation a démarré à Lannion avec le matériel de l'entreprise Dron'istair. "Grâce au flux vidéo en HD transmis en 5G, Enedis peut substituer les surveillances en hélicoptère par des drones", déclare Edouard Castellant, responsable de l'activité des entreprises en France chez Nokia, qui travaille actuellement sur l'analyse de différents types d'encodage de ces flux vidéo.

Enfin, dernier projet encore à l'étude chez Enedis : la 5G appliquée à la télérelève des compteurs. "Les données des compteurs Linky sont transmises en CPL jusqu'au poste de distribution, puis en 2G, 3G ou 4G vers le système central de télérelève. Avec la 5G, le compteur pourra détecter des pannes ou être interrogé en temps réel, un bénéfice pour les particuliers", explique Emmanuel Villalta. Son équipe échange encore avec les fournisseurs de devices en vue de définir ce nouveau compteur, projet "de long-terme".

Les résultats de ces six expérimentations et leur ROI conditionnera le calendrier de déploiement de la 5G chez Enedis. "Il est évident que la 5G fera bientôt partie des métiers d'Enedis mais la technologie pose encore de nombreuses questions", reconnaît Emmanuel Villalta. A commencer par l'apport du network slicing (lire notre article Industriels, avec la 5G, préparez-vous à l'arrivée du network slicing). Enedis évaluera en parallèle les atouts de la 5G pour connecter massivement des objets connectés, qui seront déployés à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires. La 5G sera partie prenante de l'industrialisation de ces solutions.