Réseau IoT : Helium gonfle ses chiffres mais peine à convaincre en France

Réseau IoT : Helium gonfle ses chiffres mais peine à convaincre en France Les hotspots LoRaWAN et mineurs de cryptos de l'américain se multiplient : 550 000 dans le monde, pratiquement tous installés en 2021… mais seulement 2 600 dans l'Hexagone. Pas assez pour les acteurs locaux.

L'envolée d'Helium est "impressionnante" dans l'IoT, reconnaît Ludovic de Nicolay, directeur général du groupe français de solutions numériques Zekat, très impliqué dans la multiconnectivité. L'américain, qui propose depuis juin 2019 un réseau IoT décentralisé et open-source basé sur des points d'accès publics LoRaWAN (lire notre article Pour créer son réseau IoT, Helium vend des hotspots… mineurs de cryptos), comptabilise plus de 551 400 hotspots dans le monde, avec une progression de près de 83 000 nouveaux rien qu'en janvier 2022. Après Los Angeles et ses 6 500 hotspots, Londres est la deuxième ville dans le monde recensant le plus de hotspots, avec 4 500 appareils, suivie de Toronto (3 500) et Berlin (3 000). Qu'en est-il en France ? Paris se positionne à la 81e place des villes les plus couvertes, avec 624 hotspots. Au total, la France compte en février 2022, un an après son lancement dans l'Hexagone, près de 2 600 hotspots répartis sur son territoire.

"Le réseau Helium est autant disponible aux Etats-Unis que le cellulaire"

Les avantages de ce réseau sont "indéniables" et il va aussi "rencontrer un vif succès en France", assurent les acteurs interrogés. En premier lieu grâce à sa couverture. "Le réseau Helium est autant disponible aux Etats-Unis que le cellulaire. En utilisant un mode participatif et l'attrait d'une rémunération (l'acquéreur d'un hotspot mine des cryptomonnaies à chaque fois que son device est utilisé, ndlr), Helium a trouvé la bonne recette pour se déployer à grande échelle", observe Cyril Florin, business development director aux Etats-Unis chez Actility, fournisseur français de services réseau IoT, partenaire d'Helium pour les solutions de roaming. En France, la couverture n'est pas encore très dense mais se construit progressivement. "Quand trop d'antennes sont disposées dans une même zone, les gains en crypto sont divisés pour inciter les acquéreurs de hotspots à les déplacer et à étendre la couverture", signale Vincent Delbeau, précurseur du réseau Helium en France, pour lequel il a créé la société Heeliot. "Helium représente une vraie option pour quand la 2G sera arrêtée", poursuit Cyril Florin. Y compris avec le coup de mou actuel des cryptomonnaies ? "Le 27 janvier dernier, 86 000 HNT ont été reversés à la blockchain, cela a représenté 1,7 million de dollars. La prochaine fois que le cours remonte, cela va devenir très intéressant. Le réseau n'est donc pas prêt de s'arrêter", répond Vincent Delbeau.

Helium ouvre le tracking à LoRa

Pour les acteurs de l'IoT, cette couverture mondiale est une opportunité d'accélération de la mise sur le marché à l'international. C'est ce qui a décidé l'entreprise française de traceurs GPS Invoxia. "Le réseau LoRa n'est pas aussi bien déployé aux Etats-Unis qu'en France et ne fonctionne pas sur les mêmes bandes de fréquence. Helium nous a permis d'y commercialiser rapidement notre traceur", explique Amélie Caudron, sa CEO, ravie de la réactivité des équipes d'Helium quant à ses questions.

Autre atout, avec son réseau, Helium ouvre aux utilisateurs de LoRa de nouvelles opportunités. "Certains usages, comme l'asset tracking de palettes, n'étaient jusqu'à présent pas possibles avec LoRa (à cause de la portée de 10 kilomètres des gateways, ndlr). Les industriels n'avaient pas d'autre option que le réseau de Sigfox avec un abonnement mensuel. Avec Helium, ces usages deviennent possibles en LoRa pour un usage éphémère et à coût moindre. Tout le monde est placé à la même échelle et paie selon le nombre d'objets et la fréquence de transmission", souligne l'ingénieur Paul Pinault, aka Disk91, auteur d'un blog référence dans le secteur de l'IoT. Une possibilité dont entend bien se saisir Actility : "Actility déploie des réseaux privés en LoRa sur des sites industriels bien définis. Avec Helium, nous allons proposer des solutions capables de traverser les pays, notamment en logistique", confirme Cyril Florin, qui annonce la sortie d'un traceur pour animaux sous la marque de sa filiale Abeeway.

Une redondance du réseau

Malgré ses atouts, Helium n'a pas encore remporté la partie en France, les entreprises ne sont pas toutes convaincues. Heeliot n'a sur le territoire français qu'une poignée de clients expérimentant le réseau Helium et le bon fonctionnement de capteurs associés, dont myDevices pour du relevé de températures. "Helium est utilisé aux Etats-Unis pour des usages BtoC, nous sommes encore sceptiques de l'utilisation de LoRa dans ce domaine mais l'initiative est très intéressante pour de la couverture indoor", indique Maurice Zembra, président et cofondateur de Vertical M2M, un éditeur français de logiciels IoT. "Il ne fait aucun doute que nos produits seront compatibles avec Helium mais nous ne l'avons pas encore déployé, nous étudions encore sa qualité de service", confie de son côté Ludovic de Nicolay chez Zekat, craignant que les gateway acquises par les particuliers ne tombent plus souvent en panne. "La qualité de service par hotspot est peut-être moindre mais le design est fait pour assurer une redondance. Les hotspots n'ont besoin d'offrir qu'une portée de 500 mètres, au lieu des 10 km classiques d'un réseau LoRa, évitant par là même les problèmes de scalabilité qui peuvent être évoquées", assure Paul Pinault, donnant l'exemple de Clermont-Ferrand, qui comptabilise 10 antennes d'opérateurs mais déjà près d'une centaine de hotspots Helium.

"La plateforme dédiée au réseau est différente de celle du minage de cryptomonnaie."

"Les Français peuvent être réticents face au fonctionnement par blockchain", ajoute-t-il. Heeliot a en effet beaucoup travaillé sur l'aspect réglementaire et légal. "Nous avons créé l'entreprise a cette fin, même si le taux d'imposition n'est pas facile à supporter, pour ne pas être dans l'illégalité. Mais la réglementation n'est pas claire", reconnaît Vincent Delbeau. Paul Pinault rassure de son côté sur cet aspect : "La plateforme dédiée au réseau est différente de celle du minage de cryptomonnaie. Il est possible d'adopter la connectivité sans faire de minage." Pour ce dernier, le principal point bloquant est la pénurie de composants. Il a en effet fallu plus de six mois à Invoxia pour recevoir sa gateway et la tester. "Il y a tant de demandes que les constructeurs n'arrivent pas à suivre le rythme. Certains distributeurs n'ont encore pas livré des commandes passées il y a un an", confirme Vincent Delbeau.

En dépit de ces obstacles, les perspectives de croissance d'Helium restent d'autant plus importantes que l'entreprise prévoit le déploiement de réseaux 5G à partir de ses hotspots. "Cette possibilité n'est cependant pas pour tout de suite en France, il faudra utiliser des fréquences libres ou avoir l'autorisation de l'Arcep", prévient Paul Pinault. Les perspectives sont prometteuses pour Vincent Delbeau chez Heeliot, qui conclut : "Helium suscite beaucoup d'attentes. Faire transiter des données sur la blockchain consomme des cryptomonnaies, son usage a un impact dans le monde réel, ce qui la rend avant-gardiste. D'ici cinq ans il pourrait devenir le réseau IoT le plus utilisé à l'échelle mondiale."