La fin des verticaux dans l'IoT

Notre façon de penser l'Internet des objets est sectorielle (smart home, etc.). Mais on constate une nouvelle dynamique de transition de l'Internet of Things (IoT) à l'Internet of Everything (IoE).

La catégorisation sectorielle de l’Internet des objets est extrêmement ancrée dans notre manière de penser. Si bien qu’elle a donné naissance à des termes qui n’existaient pas il y encore quelques dizaines d’années : smart home, smart city, smart farming.

Cette conception a longtemps influencé la manière dont les entreprises du secteur ont créé et développé de nouveaux produits et services : des systèmes fermés avec une application de contrôle dédiée pour un usage spécifique. Le meilleur exemple est la domotique. La smart home est restée pendant 20 ans une juxtaposition de services hermétiques qui ne pouvaient pas communiquer entre eux : Philips Hue pour les lumières, Somfy pour les fenêtres, Netatmo pour le chauffage…

Sous la pression de nouveaux acteurs (par exemple Amazon, les protocoles Matter et Thread), les constructeurs sont dans l’obligation de rendre leurs solutions interopérables sous peine d’être mis au ban de l'écosystème. Est-il encore possible de proposer un service domotique sans compatibilité avec Alexa, Apple Homekit ou Google Home ?

Cette tribune a pour ambition de démontrer que ce mouvement constitue, dans l’ensemble des secteurs économiques concernés par l’IoT (c’est à dire tous ou presque), une dynamique naturelle et inarrêtable. On l’appelle la transition de l’Internet of Things (IoT) à l’Internet of Everything (IoE).

De l’IoT à l’IoE

Alors que l’IoT décrit les interactions entre objets connectés, sans intervention humaine, l’IoE englobe l'ensemble des échanges entre les acteurs, process, données et objets afin de créer de la valeur transversale. Les communications ne concernent donc plus uniquement les objets entre eux (Machine to Machine - M2M) mais toutes celles technologiquement assistées.

Par exemple, pour la smart city, cette logique vise à interconnecter les différents services (santé, énergie, éducation, routes…). L’objectif étant qu’une rupture de canalisation dans un tunnel puisse automatiquement enclencher une déviation de la circulation, du trajet des ambulances et bus scolaires et l’arrivée des secours.

On peut donc considérer que l’IoE va succéder à l’IoT. La ville d’aujourd’hui n’a "d’intelligente" que le nom. La smart city est faite de silos catégoriels qui ne communiquent que très peu entre eux, avec des bases de données et des processus le plus souvent incompatibles.

Mais au-delà de l'interconnexion des objets et de leurs bases de données, il s’agit de faire travailler ensemble les différents services d’une ville, divisions d’une entreprise, collectivités locales d’un même pays ou continent.

Les horizontaux dans l’IoT

Une architecture IoT est constituée de plusieurs strates, de la captation de la data jusqu’à son analyse. D’un point de vue technique, on peut distinguer principalement :

  • les capteurs : température, vibration, audio, géolocalisation, caméra ;
  • les gateways et technologies de connectivité (cellulaire, WiFi, LPWAN) ;
  • les technologies de traitement de données : edge computing, cloud ;
  • l’analyse de la donnée et sa transformation en insights.

Horizontaux VS verticaux dans l’IoT

La fin des verticaux dans l’IoT est le corollaire d’une spécialisation accrue dans les horizontaux. C’est un phénomène économique naturel qui va de pair avec la massification et la complexification du marché, signe de sa maturité. Nous l’avons vu dans l’informatique avec des spécialisations d’entreprise sur des niches techniques (Intel, Seagate, Nvidia) ou bien dans la connectivité IoT, avec Matooma par exemple, pure player dans la connectivité avec carte SIM.

Le rythme de l’innovation dans le monde de l’IoT est si rapide que d’essayer de maîtriser toute la chaîne de production est inévitablement plus coûteux que de se fournir chez des tiers. C’est notamment le cas des composants électroniques.

Enfin le nombre de clients potentiels est désormais si élevé que la spécialisation horizontale est économiquement viable à tous les échelons de l’IoT.

L’impact des GAFAM et du Big Data

Le big data et ses principaux acteurs à ce jour (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) jouent un rôle dans cette dynamique. Ils sont aujourd’hui en mesure de croiser les masses de données considérables qu’ils ont accumulées depuis une décennie, et d’en dégager de la valeur ajoutée. Les logiques de plateforme et le Big Data sont à l’avant-garde de l’IoE. Elles forcent l’harmonisation des protocoles et l’interaction entre les objets connectés à la plateforme utilisée (par exemple Amazon Alexa).

Le rôle de l’intelligence artificielle et de la computer vision

Les progrès technique de la vision par ordinateur permettent de casser la logique des capteurs propriétaires. Si les capteurs utilisés dans l’IoT (vibration, humidité, température, pression) font souvent partie d’une solution complète (hardware et software), la logique est différente avec les caméras. Il est bien plus aisé de confier l’analyse des données à un tiers, que de se procurer des algorithmes spécifiques.

Là où on achetait 10 capteurs de températures pour surveiller une machine industrielle, à utiliser uniquement avec la solution software du fabricant, il sera possible de ne placer qu'une caméra et d'acheter en ligne un algorithme dédié à cette mission, comme un SaaS.

Les gains attendus

Quels sont les gains attendus par ce changement radical dans l’Internet des objets ? En premier lieu pour les entreprises, il s’agit de baisser les coûts et de gagner en productivité. Croiser les données, les solutions, les process va permettre  de dégager des sources d’économies d’énergie et de temps. Lorsque les lumières, les ascenseurs, les radiateurs, la climatisation d’un espace de travail peuvent communiquer entre eux, des synergies nouvelles viennent réduire la consommation d’électricité et de chauffage.

Les gains les plus significatifs sont attendus pour la smart city, avec une gestion coordonnée de la circulation et de l’accès des véhicules de secours en cas d’accident. La réduction du temps d’arrivée sur les lieux et de transfert à l'hôpital pourront s’en trouver considérablement optimisée.

L’innovation et la croissance se trouveront d’autant plus rapidement stimulées que les acteurs économiques enclencheront d'eux-mêmes la mutation de leurs propres organisations.