Smart city : des petites villes qui font le maximum grâce à l'IoT

Smart city : des petites villes qui font le maximum grâce à l'IoT Angers et Dijon sont les figures de proue de la smart city en France. Mais de Gradignan à Saint-Sulpice-la-Forêt, des communes bien plus petites sortent leur épingle du jeu.

Saint-Sulpice-la-Forêt, une commune de 1 500 habitants au nord-est de Rennes, est régulièrement présentée depuis 2016 comme la plus petite smart city de France par ses projets IoT innovants. Dernièrement, elle a été mise en avant au salon LoRaWAN World Expo à Paris. "La commune fait figure de cas d'école : elle a eu des besoins pragmatiques et l'IoT lui a permis d'obtenir des résultats efficaces, qui ont inspiré de grandes métropoles comme Rennes et Shanghai", rappelle Ulrich Rousseau, CEO de l'intégrateur IoT français Wi6Labs qui a accompagné le projet.

Jeremy Ardouin, associé chez Wi6Labs, a accompagné l'installation du réseau privé à Saint-Sulpice-la-Forêt. © WI6LABS

Saint-Sulpice-la-Forêt est loin d'être la seule petite commune qui s'érige en smart city à l'ombre des grandes métropoles. Les villes de Cognac, en Charente, ou de Venelles, au nord d'Aix-en-Provence, par exemple, mènent aussi des projets IoT.

A Lambersart

A Lambersart, une commune de 30 000 habitants près de Lille, le DSI Pierre Ciemniejewski, a conçu lui-même ses propres capteurs en achetant les différents composants pour créer ses projets IoT, avant de passer à l'échelle. "J'ai d'abord eu l'idée de connecter une boîte à livres. Finalement, l'usage le plus pertinent a été la relève de température dans les salles des écoles", se rappelle-t-il. Après avoir mené une série de POC avec ses objets faits main dans la détection de fuites d'eau, de mesure du niveau des nappes phréatiques ou de la disponibilité des places de parking, Pierre Ciemniejewski supervise le passage à l'échelle des projets avec Wi6Labs. Lambersart compte actuellement une cinquantaine de capteurs et trois gateway et fait de l'éclairage intelligent sa priorité pour la fin d'année.

La clé qui a permis à Lambersart de s'affirmer comme une smart city a été d'avoir une personne impliquée qui se charge du projet. "Les petites communes n'ont pas d'agent dans leur budget à consacrer au facility management notamment, il faut donc que le projet soit porté par quelqu'un qui en a envie", confirme Ulrich Rousseau.

A Gradignan

La ville de Gradignan, en Gironde, a opté en priorité pour l'éclairage dans sa volonté de devenir une smart city. "Les communes ont l'obligation d'éteindre l'éclairage une heure après la cessation d'activité. Nous cherchions la solution la plus efficace et l'IoT s'est révélé pertinent pour mesurer la fréquentation", explique Rémi Daccord, élu à la Transition énergétique et Ville Durable. L'expérimentation menée en janvier dernier sur 200 points lumineux avec la start-up française NRGybox a confirmé le ROI de l'usage, avec des réductions de 70% de consommations d'énergie. L'efficacité de l'IoT prouvé, la commune envisage d'étendre l'expérimentation et de suivre en parallèle sa faune nocturne avec Birdz, filiale IoT de Veolia.

Deuxième point-clé appliqué par les petites communes : débuter par l'usage le plus pertinent. "La smart city est un concept vague, qui recoupe la gestion des parkings, l'éclairage ou encore la collecte des déchets. Les petites communes n'ont pas les moyens de tout prendre en charge d'un seul coup, il ne faut pas s'éparpiller", recommande Ulrich Rousseau. De son côté, pour les collectivités qui ont besoin de déployer immédiatement des solutions pour plusieurs usages, la société française Upciti prône la rationalisation des capteurs, pour que "les données puissent servir à différents services", explique Jean-Baptiste Poljak, son directeur et fondateur. Ses capteurs d'analyse d'image embarqués sont multi-usages et couvrent cinq usages en simultané, dont le comptage de véhicules, la détection de dépôts sauvages, ou encore la remontée de niveaux sonores.

A la Réunion

Une cinquantaine de capteurs ont été installés au Maïdo par Feelbat, qui fait du prix un critère essentiel pour les petites collectivités. © Feelbat

Sur l'île de la Réunion, le belvédère du piton Maïdo est surveillé par IoT pour éviter tout risque d'éboulement. Les équipes du bureau de recherches géologiques et minières ont installé 40 jauges mécaniques et 12 capteurs de fissures électronique pour suivre à distance tout mouvement de la roche. Si ce projet a pu voir le jour, c'est grâce au prix des solutions la société Feelbat. Cette dernières, consciente de la contrainte financière des petites collectivités, a travaillé à la miniaturisation et à l'étanchéité de ses capteurs de détection de fissure pour les rendre abordables, avec une solution à 299 euros. "L'objectif est de permettre aux petites collectivités d'acheter le nombre de capteurs nécessaires pour qu'elles puissent surveiller leurs ouvrages, car elles disposent d'un patrimoine foncier important sans moyens pour le superviser", souligne Jean-Christophe Habot, fondateur de Feelbat.

Cette recherche de retour sur investissement fait du prix un troisième paramètre essentiel. "Dans l'éclairage, passer aux Led permet de réaliser des économies mais les petites collectivités n'en ont pas toujours les moyens. C'est pourquoi nous avons développé une solution plug and play leur permettant de monitorer leur existant", explique Alban Bergeras, cofondateur de la start-up française NRGybox, qui cible avec sa solution d'éclairage intelligent les communes comprises entre 5 000 et 50 000 habitants. Un avis partagé par Rémi Daccord, élu à Gradignan : "Sur les 4 200 points lumineux de la ville, seuls un quart ont été renouvelés en Led. Ces dernières coûtent plus de 600 euros à l'achat, notre budget ne nous permet pas de toutes les changer, la majorité sont encore des lampes à sodium."

Saint-Sulpice-la-Forêt a dû investir la première année près de 20 000 euros pour l'achat de capteurs de détection de fuite d'eau et l'infrastructure. "Les petites communes doivent trouver une adéquation entre l'investissement et l'usage des solutions de smart city", reconnaît Jean-Baptiste Poljak, chez Upciti, qui propose à leur attention une solution packagée. C'est ce qui lui a permis de convaincre la ville de Saint-Cloud dans la lutte contre les dépôts sauvages d'ordure.

Si les petites communes pouvaient jusqu'à présent délaisser les solutions dédiées à la smart city, par crainte que cela ne leur corresponde pas, la hausse des prix de l'énergie les pousse désormais dans cette direction. Wi6Labs vient de signer avec une commune encore plus petite que Saint-Sulpice-la-Forêt : Andouillé-Neuville, une commune de 900 habitants.