Mathieu Letombe (Withings) "Withings ouvre son premier corner dans une pharmacie"

Trois jours après l'annonce d'une forte hausse des prix sur certains de ses produits, le fabricant français d'objets connectés de santé expérimente la vente en pharmacie, avec de fortes ambitions.

Mathieu Letombe, PDG de Withings. © Withings

JDN. Withings inaugure ce jeudi 22 septembre son premier corner en pharmacie. Est-ce un projet de longue date qui se concrétise ?

Mathieu Letombe. Commercialiser nos produits en pharmacie a toujours été une idée que nous avions en tête depuis que Withings a été racheté à Nokia en 2018 car nous voulions développer des produits médicaux et non de bien-être. Les pharmacies étaient donc dans nos réflexions mais cela a pris du temps car ce ne sont pas un lieu où les consommateurs vont chercher de la technologie. Au fil du temps, nous avons construit des partenariats. Cela aboutit à cette première expérimentation dans une pharmacie à Strasbourg. Notre objectif est d'être présent à terme dans le plus grand nombre de pharmacies car on sait que l'on peut vendre plus si un expert santé est présent dans le magasin. Avoir des pharmaciens capables d'expliquer nos produits et leur intérêt est l'idéal et c'est une demande.

Les produits arrivent en pharmacie alors que trois jours plus tôt leurs prix ont été augmentés. Qu'est-ce qui vous a poussé à prendre cette décision ?

Depuis le début de la pandémie, il y a une tension sur le marché des composants, aussi bien au niveau de leur disponibilité, de leur prix et de l'engagement financier nécessaire pour sécuriser leur achat, car les délais de livraison sont passés de six mois à deux ans. Il nous faut donc nous engager sur deux ans en indiquant quel composant nous voulons en quelle quantité et tel mois. Nous subissons aussi la crise des transports. Une partie du fret repose sur les transports commerciaux et le coût du bateau et de l'avion ont été multiplié par cinq et six. Le cours de l'euros par rapport au dollar par ailleurs n'est plus avantageux. Sans oublier les confinements locaux en Chine dans certaines usines. Le verre utilisé pour notre balance par exemple n'était pas impacté par la crise des composants mais sa fourniture était très instable. Nous avons essayé de tenir le plus longtemps possible sans répercussion sur nos prix mais ce n'était plus soutenable, on ne rentrait plus dans nos frais.

La hausse de prix de 20 ou de 30 euros est effective depuis le 19 septembre sur quatre produits. Comment s'est fait le choix ?

Nous avons ciblé les produits concernés. Les critères de choix se font fait selon les composants limités sur le marché, le coût de la logistique et le caractère innovant des produits. Il s'agit ainsi de la montre connectée ScanWatch (qui passe de 279,95 à 299,95 euros), de la balance Body Cardio (de 149,95 à 179,95 euros), du tensiomètre BPM Connect (désormais commercialisé à 129,95 euros au lieu de 99,95 euros) et du capteur de sommeil Sleep Analyser (dont le prix monte de 129,95 à 149,95 euros). Pour ce dernier, il est unique sur le marché, ce qui nous permet de monter son prix. Par contre, nous ne voulions pas toucher au prix de tous les produits, en particulier ceux de milieu de gamme qui peuvent rencontrer de la concurrence. Pour la balance BodyCardio, nous avons choisi de la remettre à son prix initial.

"Cela nous fait plaisir de voir que même lors des mauvaises nouvelles, on est supporté par notre communauté"

Quelle a été la réaction des clients ?

Nous avons envoyé un email à nos clients le 8 septembre pour les prévenir de la hausse de prix. Non seulement nous avons eu de nombreux retours sur les réseaux sociaux pour nous remercier d'avoir prévenu en amont et d'en avoir expliqué les raisons en toute transparence, mais en plus les clients ont répondu à l'appel et ont acheté des produits pendant les dix jours avant que la hausse des prix ne soient effectives. Ils ont même commandé des produits qui ne sont pas impactés par la mesure tarifaire. Cela nous fait plaisir de voir que, même lors des mauvaises nouvelles, on est supporté par notre communauté.

La mesure est-elle également effective dans la quarantaine de pays dans lesquels Withings est présent ?

Oui c'est le cas en Europe depuis le 19 septembre, ça le sera aux Etats-Unis à partir du 1er octobre et ça se répercutera également en Australie et au Japon notamment. C'est un changement de prix d'ampleur. Cette mesure reflète par ailleurs le coût de l'innovation. Plus l'on développe des produits médicaux, plus la recherche, la réglementation et les études cliniques coûtent chers.

Est-ce que ces difficultés et la hausse des prix remettent en cause la sortie de nouveaux produits ?

Nous faisons attention aux composants et on essaie de maîtriser au maximum nos coûts mais la crise ne remet pas en cause notre roadmap produit et notre envie d'innover. Nous commercialiserons le 4 octobre la nouvelle balance que nous avons présentée au salon de l'IFA à Berlin et notre offre de services associés. Via l'application, les usagers pourront bénéficier de conseils. Notre prochain axe de développement portera sur le tensiomètre car, en plus des visites chez le cardiologue, un accompagnement au quotidien a du sens pour l'hypertension, sur la mesure régulière de la tension artérielle, les habitudes de nutrition, etc. Et les pharmacies seront un canal préférentiel dans l'accompagnement de l'hypertention.

Mathieu Letombe rejoint Withings en 2011, alors que l'entreprise n'en est qu'à ses débuts, et devient le premier agent du support client. Au fur et à mesure que l'entreprise grandit, il est promu à la tête de l'équipe de support client, et développe à la fois les services de support client et de contrôle qualité en France et aux Etats Unis. Après l'acquisition de Withings par Nokia en 2016, Mathieu Letombe, directeur qualité et service client, est membre de l'équipe dirigeante de Nokia Digital Health. En juillet 2018, Eric Carreel rachète Withings à Nokia, Mathieu Letombe, 32 ans, est alors nommé directeur général.