Football, rugby, ski nautique… La donnée IoT booste les performances sportives

Football, rugby, ski nautique… La donnée IoT booste les performances sportives La Coupe du monde de football au Qatar est l'occasion pour la technologie IoT de fournir de nouvelles données sur les sportifs, en vue d'améliorer leurs performances.

La Coupe du monde de football bat son plein au Qatar. Les spectateurs scrutent avec attention les résultats de chaque match, mais peu savent que pour cette édition 2022, la technologie IoT y joue un rôle essentiel. Le groupe d'électronique français Thalès mène une expérimentation avec la FIFA consistant à suivre, par des capteurs fixés dans les gilets des joueurs, les paramètres de ces derniers pour déterminer leurs points forts et leur moment de fatigue. Une puce est par ailleurs introduite dans le cuir du ballon pour détecter automatiquement les hors-jeu. De son côté, la start-up française Kinvent, qui met l'IoT au profit de la kinésithérapie et la préparation physique, accompagne lors de cette Coupe du monde le joueur français Raphaël Varane, qui était jusqu'alors arrêté pour blessure.

La donnée IoT, en donnant accès aux sportifs à un suivi personnalisé, améliore leurs performances. Deux paramètres sont étudiés : les paramètres biomécaniques (l'accélération, la force, la puissance, etc.) et ceux physiologiques (fréquence cardiaque, taux d'oxygène dans le sang, etc.). "Le nombre de kilomètres parcourus et la fréquence cardiaque permettent de déterminer le nombre de minutes qu'un joueur peut tenir sur le terrain. Les clubs du Real Madrid et de Chelsea ont tous les deux un département spécifique qui analyse la donnée IoT", indique Djamel Metmati, ingénieur chez Thalès, dont la solution a vocation à être également déployée par l'UEFA.

"Suivre sur ma montre connectée mes performances me permet de détecter quand la fatigue arrive"

Autre avantage, les données IoT préviennent le risque de blessure et donnent plus d'autonomie au sportif. "Je cours 25 à 30 km par jour dans le bassin d'Arcachon. Suivre sur ma montre connectée mes performances me permet de détecter quand la fatigue arrive (si le cardio est élevé le" matin, c'est signe de fatigue) et éviter tout risque de blessure. Mon entraîneur peut suivre quotidiennement mes performances – distance, allure, calories brûlées, fréquence cardiaque – en temps réel sans être présent à mes côtés", confirme Yohan Durand, athlète français spécialiste des courses de fond et de demi-fond.

"Depuis la crise sanitaire, il y a une émulation pour le sport et le bien-être et une demande plus importante pour obtenir des métriques", constate Athanase Kollias, fondateur de Kinvent. Pour lui, seule l'image de gadget des objets connectés représentait un frein à l'adoption. Les validations scientifiques permettent d'assurer la fiabilité des données et donc de rassurer les utilisateurs. Kinvent intègrent justement trois doctorants, dont l'un mène ses recherches sur la création d'un algorithme de machine-learning détectant l'apparition de la fatigue auprès de sportifs de course à pied, dangereuse pour les articulations des membres inférieurs car étant souvent la cause d'entorse. "Une personne sur dix souffre d'instabilité chronique de la cheville", rappelle Athanase Kollias.

De nouvelles tactiques de jeu

Parmi les disciplines sportives, le rugby fait figure de précurseur dans le déploiement de technologies pour suivre les performances. "Cela s'explique par le fait que le rugby est un sport de choc. Les entraîneurs veillent ainsi à suivre la charge de travail des athlètes et les chocs pendant les matchs", explique Athanase Kollias, pour qui le volley et le handball sont au contraire les sports les moins suivis.

Avec son capteur Compare, l'entreprise française CKP Engineering a quant à elle fait le choix de s'investir dans l'amélioration des performances en ski nautique. "Nous avons choisi d'appliquer le capteur à ce sport car c'est celui dans lequel intervient le plus de variables : le capteur est capable de mesurer en temps réel le déplacement du ski nautique de manière précise, comment celui-ci travaille, la force et l'accélération du skieur (qui passe de 110-120 km/h en passage de vague à 30-40 km/h à la bouée), l'angle du ski par rapport au bateau. Ce n'est qu'en ayant des données fiables que les sportifs peuvent savoir comment progresser et atteindre leur limite", raconte Julien Ferrazzo, son fondateur, qui a travaillé avec le champion d'Europe Jean-Baptiste Faisy. Son capteur s'installe sur toutes les marques de ski. L'objectif de CKP Engineering est de contribuer au perfectionnement des performances des Français en vue des Jeux olympiques.

L'IoT transforme aussi la façon dont le sportif est managé. Si auparavant les données GPS fournissaient des informations sur la position des joueurs pendant le match et les kilomètres parcourus pour définir des tactiques de jeu, les nouvelles solutions IoT permettent une analyse plus fine du comportement du joueur. "Cela fait une vingtaine d'année que la technologie existe dans le sport, mais elle est en cours de démocratisation grâce à son prix devenu accessible et à la miniaturisation des capteurs. Les entraîneurs se posent actuellement la question de créer des bases de données avec les statistiques de chaque joueur, qui pourront à terme être partagées entre entraîneurs ou avec les médias", indique Djamel Metmati, chez Thalès, pour qui de nouveaux modèles d'affaire sont à inventer.

Le développement de l'IoT avec la 5G et l'IoT satellitaire, qui procure de la connectivité dans des zones isolées, comme en montagne, ouvre la voie à de nouvelles perspectives. Dans le cadre d'expérimentations de la 5G millimétrique, Nokia collabore avec le vélodrome de Vélizy et étudie notamment comment améliorer les performances des cyclistes. "La température du parquet joue sur leur performance. La connaître et la corréler avec leur puissance est un élément différenciant qui leur sera précieux", explique Stéphane Haulbert, en charge des partenariats en Europe chez Nokia, et qui a coordonné le projet aux championnats du monde de course sur piste en octobre dernier.

Au-delà du sport, Kinvent table sur l'essor de solutions destinées aux athlètes pour détecter des pathologies, comme les troubles musculosquelettiques ou les maladies neurodégénératives. "La force de grip d'un objet, mesurée dans le sport, est aussi un indicateur de l'état de santé, notamment dans l'évolution de la maladie d'Alzheimer", souligne Athanase Kollias. La priorité pour Kinvent est de développer, à partir de sa base de données sur 200 000 patients dans le monde, des algorithmes de machine-learning pour préconiser le bon entraînement au bon moment aux sportifs.