Recruter, le casse-tête 2023 des acteurs de l'IoT

Recruter, le casse-tête 2023 des acteurs de l'IoT Les difficultés récurrentes de recrutement dans la tech sont exacerbées dans un métier nouveau comme l'IoT. Des professionnels du secteurs donnent leurs conseils.

Comment recruter de bons profils dans l'IoT ? Cette question hante de nombreuses entreprises du secteur, quel que soit leur domaine d'activité. Dans la télérelève de l'eau, la filiale IoT de Veolia, Birdz, recrute une dizaine de personnes ; tout comme Osmozis dans le tourisme connecté ; dans le smart building, Citron vise 200 personnes sur quatre ans. L'éditeur et intégrateur IoT français Synox a mis plus de 18 mois à staffer son équipe, du côté du groupe ZeKat spécialisée dans les logiciels embarqués, les recherches se poursuivent depuis aussi longtemps, en vain. "Les acteurs de la tech sont tous à la recherche de profils IoT, il s'agit d'un marché tendu, il faut donc être réactif", souligne Michael Kienle, vice-président en charge du recrutement chez L'Oréal, également en quête d'experts pour soutenir la stratégie beauty tech du groupe. Et les besoins s'avèrent chez chacun immédiats. "Si l'on veut faire passer nos projets à l'échelle, il nous faut augmenter les effectifs rapidement pour accompagner nos clients", s'alarme Thibault Rebelle, directeur Général du groupe Gaia, dont l'entité Gaia Smart Solutions est spécialisée dans la télérelève.

Le challenge est d'autant plus grand qu'il y a peu d'experts sur le marché, l'IoT étant considéré comme un métier nouveau. "Vu de l'extérieur, l'IoT paraît simple mais il faut avoir beaucoup de rigueur et bien maîtriser les technologies et l'infrastructure de service. Cela fait intervenir les systèmes embarqués, l'infrastructure cloud et les services en frond-end, des disciplines peu enseignées", analyse David Babin, CEO et cofondateur d'Ubiwan, spécialisé dans la gestion de flottes, qui compte dix postes à pourvoir d'ici à la fin de l'année. "Il faut une grande agilité du service RH et prévoir des process de recrutements adaptés car les compétences évoluent très vite", souligne Michael Kienle, chez L'Oréal.

Le think tank de l'IoT GR-IoT mène une étude pour savoir quelles sont les compétences clés aux yeux des recruteurs (il est toujours possible d'y participer en répondant à ce questionnaire). Les télécoms, l'infrastructure cloud et la cybersécurité restent prioritaires. Toutes trois sont justement celles recherchées par L'Oréal, qui recrute des architectes cloud et réseau, des experts cybersécurité et des datascientist. "Nous cherchons des techniciens opérationnels qui maîtrisent le réseau LoRaWAN", confie  de son côté Thibault Rebelle, pour le groupe Gaia, qui aimerait recruter entre 5 et 15 personnes.

Media dell'Arte met en exergue les compétences les plus recherchées par les répondants de l'étude. © Media dell'Arte

Autre difficulté : les exigences des candidats "sont devenues plus élevées. Ils réclament plusieurs jours de télétravail et des salaires parisiens", constate Jérôme Fenwick, CTO de Synox. La rémunération est d'autant plus délicate que beaucoup, à l'image de Synox ou du groupe ZeKat, ne peuvent se permettre une revalorisation des salaires en interne. Selon l'étude du think-tank GR-IoT, la majorité des salaires oscille entre 35 000 et 50 000 euros par an, voire 70 000 euros. Chez Synox, la grille de salaire est en effet comprise entre 30 000 et 60 000 euros, chez L'Oréal entre 52 000 et 55 000 euros et chez Citron entre 45 000 et 90 000 euros selon l'expérience.  

En fonction des réponses à l'étude, Media dell'Arte a représenté les salaires attribués aux seniors, juniors. © Media dell'Arte

Faire monter en compétences les jeunes diplômés

Pour faire face à ces difficultés de recrutement, le premier conseil donné par les acteurs interrogés est de recruter des alternants et des jeunes diplômés de formations IoT. "Nous embauchons beaucoup d'alternants, que nous faisons monter en compétences sur six mois pour qu'ils acquièrent une vision 360 de l'IoT", indique Jérôme Fenwick, CTO de Synox. De son côté, Thibault Rebelle collabore étroitement avec l'école d'ingénieurs pour contribuer à former les futurs experts. Pour aider les entreprises, le think tank GR-IoT ambitionne de centraliser les offres d'emplois sur son site.

L'impact positif du métier

Deuxième conseil phare, montrer l'impact positif du métier. "Il faut bien rédiger la fiche de poste pour mettre tous les aspects en exergue", recommande Jacques Raud, dirigeant et fondateur du cabinet de recrutement Capucine & Associés. Un critère dont s'est aperçu dernièrement Jérôme Fenwick, chez Synox : "Nous ne mettions pas en avant jusqu'à présent des messages sur le numérique responsable lors des recrutements. De nombreux candidats nous ont posé des questions sur le bénéfice des objets connectés et nous nous sommes rendus compte que l'impact positif est dans l'ADN de Synox." Un avis partagé par Michael Kienle chez L'Oréal : "Le sens donné au travail est essentiel lors des entretiens d'embauche. L'Oréal veut rendre la beauté inclusive par ses objets connectés. C'est notamment cette mission qui attire les talents chez L'Oréal et a permis de concrétiser Hapta, notre dernière innovation, un applicateur de maquillage automatisé conçu pour répondre aux besoins des personnes ayant une mobilité réduite du bras ou de la main." Experts de l'efficacité énergétique, Citron et Gaia ont aussi adopté cette stratégie et mettent en avant les résultats de leurs projets.

Elargir ses recherches à l'étranger

Dernier conseil préconisé : chercher des ressources dans d'autres zones géographiques, en France ou à l'étranger. Localisé à La Réunion, la start-up Feelbat embauche un commercial en métropole. Citron, pour sa part, envisageait d'ouvrir des bureaux en province mais s'interroge désormais sur l'opportunité de s'installer dans des capitales étrangères pour trouver des compétences tout en anticipant l'internationalisation de l'entreprise. "Nous parlons anglais et portugais en interne, la pénurie de compétences est telle que cela peut-être le moyen de trouver l'expertise nécessaire", songe Vianney Raskin, CEO et fondateur de Citron, en y voyant de nouvelles perspectives.